1° juillet : Pas de prédication à l’eau de rose ! Des cochons dans la mer !

Amos était un prophète à la prédication vigoureuse ! Il faut dire qu’il exerçait son ministère une quarantaine d’années avant la chute de Samarie et la disparition du Royaume d’Israël, Royaume du Nord. Sans être devin, il voyait donc venir cette catastrophe quand tout le monde se voilait la face. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la double dénonciation entendue dans la 1° lecture de ce matin.

  • 1° dénonciation : vous êtes comme anesthésiés par le mal que vous commettez et vous ne voyez pas arriver la catastrophe. « Détestez le mal, aimez le bien, faites régner le droit au tribunal ; peut-être alors le Seigneur, Dieu de l’univers, fera-t-il grâce à ce qui reste d’Israël. » Comme je le disais hier, ce n’est pas Dieu qui va faire tomber Israël, mais sa chute sera la conséquence de son comportement et des choix tordus de ses gouvernants. Mais, le prophète ne se contente jamais de dénoncer, il est aussi éveilleur d’espérance, c’est pourquoi Amos précise que rien n’est inéluctable.
  • 2° dénonciation : elle concerne les sacrifices et la manière de les vivre. C’est une dénonciation récurrente chez les prophètes qui mettent le doigt sur l’hypocrisie induite par cette coutume : on présente au Seigneur de beaux sacrifices comme pour l’endormir, détourner son attention afin qu’il nous soit favorable alors que dans le même temps la loi est violée en permanence. « Je déteste, je méprise vos fêtes, je n’ai aucun goût pour vos assemblées. Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas ; vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde même pas. Éloignez de moi le tapage de vos cantiques ; que je n’entende pas la musique de vos harpes. Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! » Oui, vraiment la prédication d’Amos n’est pas une prédication à l’eau de rose.

Même si ces paroles ont résonné il y a presque 3000 ans, dans un contexte très particulier, il n’y a aucun doute qu’elles peuvent nous rejoindre aujourd’hui.

Venons-en à l’Evangile avec cet épisode étonnant des cochons qui se jettent dans la mer. Nous le lisons dans l’Evangile de Matthieu, la version de Marc ou de Luc nous est sans doute plus familière. L’originalité de Matthieu, c’est qu’il y a 2 possédés. C’est souvent comme ça dans l’évangile de Matthieu, c’est ainsi qu’il y aura deux aveugles guéris à Jéricho. Pour comprendre ce qui pourrait n’être qu’un détail flou, il est bon de nous rappeler que l’évangile de Matthieu est l’évangile le plus ancré dans la tradition juive. Or dans cette tradition, pour qu’un témoignage soit reçu, il faut au moins deux témoins qui le corroborent. Ils sont deux possédés, ils seront deux aveugles, quand ils témoigneront de ce que Jésus a fait pour eux, leur témoignage pourra être reçu autrement, il aurait été d’emblée rejeté, on dirait aujourd’hui, pour vice de forme !

La présence d’un élevage de cochons peut nous surprendre dans un pays où le cochon est l’animal impur par excellence. Mais nous sommes au pays des Gadaréniens, territoire situé dans la Décapole qui est une enclave païenne.

Le premier point que je voudrais relever nous permettra, à partir d’une lecture symbolique de ce passage, de comprendre l’œuvre du Malin. Sous son emprise, nous sommes comme des morts vivants, c’est ce qui est souligné par le fait que ces pauvres hommes possédés habitent les tombeaux. Ils sont vivants, mais déjà chez les morts. C’est ce que St Paul exprimera en termes théologiques : le salaire du péché, c’est la mort, le péché nous fait mourir à petit feu, le péché donne un parfum de mort à notre vie. Ces pauvres hommes en sont la parfaite illustration. Mais ce n’est pas tout ! En raison de leur possession, ces personnes sont tellement violentes que nul ne peut pas passer par ce chemin. Voilà encore l’œuvre du Malin, il cherche à barrer le chemin du Salut, il cherche à empêcher les hommes d’emprunter le chemin qui les conduira à la rencontre de Jésus.

Le deuxième point que je voudrais souligner concerne un véritable drame qui est évoqué dans le texte. Jésus ne va pas avoir beaucoup de difficultés avec les démons. Ils protestent pour la forme, mais ils savent que, face à Jésus, ils n’ont aucune chance, c’est pourquoi, très vite, ils demandent à entrer dans le troupeau de cochons. Pourquoi cette demande ? Bien sûr, je l’ai dit, le cochon est l’animal impur par excellence, mais surtout, pour eux, c’est de rester dans ce pays. La Décapole, cette série de 10 villes, était donc une enclave païenne ce qui explique que les démons puissent s’y sentir comme chez eux. Ça ne veut pas dire que les païens seraient plus mauvais que les croyants mais, dans leur cœur, il y a de la place pour toutes sortes de divinités, il y a donc aussi de la place pour toutes sortes de démons ! Alors que celui qui croit au Dieu unique, il lui appartient totalement. C’est ainsi qu’il faut comprendre la jalousie de Dieu si souvent exprimée dans le Premier Testament, un époux ou une épouse qui est amoureux ne peut accepter que quelqu’un vienne tourner autour du bien-aimé ou de la bien-aimée ! Ainsi en va-t-il pour Dieu qui nous aime de cet amour jaloux. Chez les païens, ce n’est pas pareil, les démons l’ont bien compris. Ils veulent donc rester dans ce pays, c’est pourquoi, ils demandent à entrer dans le troupeau de porc, ça sera une halte provisoire avant d’aller tourmenter d’autres personnes. Jésus l’accepte et leur joue un sale tour puisque les porcs vont se jeter à la mer et se noient ! En se jetant à la mer, ils rejoignent ce lieu symbolique qui, pour un juif qui n’a pas le pieds marin, est le siège des forces du mal. En acceptant que les démons aillent dans ce troupeau de porc et en poussant ce troupeau dans la mer, Jésus montre clairement que les démons n’ont rien à faire chez les hommes, qu’ils rejoignent leur milieu naturel et qu’ils arrêtent de tourmenter les hommes !

Seulement voilà, c’est là qu’il y a un drame. Sur les démons, Jésus obtient très vite une victoire totale, ça ne sera pas le cas avec les hommes qui le prient de partir au plus vite. Avec cette noyade collective des cochons, ils viennent de perdre leur bisness et ça, ils ne le supportent pas. Les démons, ils acceptent leur compagnie même s’il y a un prix à payer mais la présence de Jésus qui leur apporte la libération, ils ne la supportent pas. Quel drame ! Et, le plus triste, c’est que ce drame se rejoue sans cesse : les hommes préfèrent garder leurs liens quitte à payer le prix plutôt que d’accéder à la vraie liberté en accueillant Jésus définitivement dans leur vie. Et le drame du drame, c’est qu’il nous arrive d’en faire partie !

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    Wawww ! Très éclairant encore, et bien réconfortant !!!
    Merci

  2. Wilhelm Richard

    Amos n’est pas une prédication à l’eau de rose mais plutôt au houblon.
    Mais on ne peut pas appeler cela une mise en bière car Dieu de miséricorde veut nous rejoindre au plus profond de notre tombeau pour y opérer en chacun de nous des œuvres de résurrection : c’est sa plus grande Gloire ! Nous n’aurons pas fini de découvrir notre Père du Ciel.

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