19 mai : vendredi 6° semaine de Pâques D’où viennent tristesse et joie ?

Dans cette 1° lecture, il y a deux points qui ont retenu mon attention.

Le 1° point c’est la mention qui est faite au début du passage : « Sois sans crainte : parle, ne garde pas le silence. Je suis avec toi, et personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter, car dans cette ville j’ai pour moi un peuple nombreux. » Manifestement, ce long séjour de Paul à Corinthe, il a été non seulement voulu mais préparé par le Seigneur : « dans cette ville j’ai pour moi un peuple nombreux. » Nous avons toujours besoin de nous redire, quand nous accompagnons une personne, par exemple, que le Seigneur a été au travail en elle, bien avant nous. De même, si au cours de ces retraites, vous recevez quelques grâces, bien sûr, il y a tout ce qui se vit dans la retraite, mais il y a aussi et surtout, le travail que le Saint-Esprit a commencé dans vos cœurs, bien avant que vous n’arriviez. Finalement, le travail de disciple-missionnaire est un travail de jardinier qui consiste à arroser, à prendre soin de tout ce que le Seigneur, lui-même, a semé dans les cœurs.

Le 2° point concerne ce que le Seigneur lui a promis : « personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter. » Or nous avons entendu, à la fin du texte, que son séjour à Corinthe n’a pas forcément été simple. Pourtant la promesse a bel et bien été accomplie, il a eu des ennuis mais, à Corinthe, personne ne l’a maltraité. Il y a beaucoup d’autres endroits où il a été maltraité, il en fait d’ailleurs la liste dans la 2° épitre aux Corinthiens (11,24-28) : Cinq fois, j’ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois, j’ai subi la bastonnade ; une fois, j’ai été lapidé ; trois fois, j’ai fait naufrage et je suis resté vingt-quatre heures, perdu en pleine mer. Souvent à pied sur les routes, avec les dangers des fleuves, les dangers des bandits, les dangers venant de mes frères de race, les dangers venant des païens, les dangers de la ville, les dangers du désert, les dangers de la mer, les dangers des faux frères. J’ai connu la fatigue et la peine, souvent le manque de sommeil, la faim et la soif, souvent le manque de nourriture, le froid et le manque de vêtements, et il termine en rajoutant : sans compter tout le reste ! 

Je l’ai déjà dit : quand on agit en fidélité à ce que le Seigneur nous demande, ça ne veut pas forcément dire qu’un grand tapis rouge sera déroulé devant nous et que tout sera facile, mais, si c’est vraiment en fidélité à l’appel du Seigneur qu’on agit, les obstacles vont tomber au fur et à mesure qu’on avance. On pourra y laisser quelques plumes, mais comme le Paul le dit dans la 2° épitre à Timothée (2,9) : on n’enchaine pas la Parole de Dieu. Oui, il y aura des martyrs, mais la Parole de Dieu continuera sa course. 

En plus, des années plus tard, dans la lettre qu’il écrira justement à la communauté de Corinthe, il expliquera que les plus grands obstacles à l’expansion missionnaire, au rayonnement d’une communauté chrétienne ne viennent pas de résistances extérieures, des persécutions mais de divisions internes et de désordres intérieurs à la communauté. Nous pourrions donner bien des exemples pour montrer que c’est toujours vrai ! Benoit XVI, en son temps, avait dit que les plus grands ennemis de l’Eglise n’étaient pas en dehors de l’Eglise, mais dans l’Eglise. Il avait osé citer Basile qualifiant certains moments de vie en Eglise de « bataille navale se déroulant dans le brouillard » qui conduit des frères à éliminer d’autres frères. C’est bien pour cela que le pape François a décidé de donner les dernières années de sa vie pour mener à bien une œuvre de purification au sein de l’Eglise. Les défis venant de l’extérieur de l’Eglise sont suffisamment importants pour ne pas plomber l’œuvre d’Evangélisation par des conflits internes, des conflits d’égo, qui n’ont rien à voir avec l’Evangile !

Venons-en à l’Evangile. Vous avez retenu les deux mots qui scandaient le texte que nous avons entendus : la peine ou la tristesse et la joie. Je dis la peine ou la tristesse, la traduction liturgique a choisi de traduire le mot grec utilisé ici par peine, mais il aurait été plus juste de le traduire par tristesse. Mardi, j’évoquais le yoyo dans la vie de Pierre, ces deux mots pourraient bien délimiter le mouvement du yoyo dans notre vie : nous passons par des bas, très bas emplis de tristesse à des hauts, très hauts, éclatants de joie. Comment ces paroles de Jésus pourraient-elles éclairer ces deux sentiments par lesquels nous pouvons passer en passant de l’un à l’autre sans prévenir !

La tristesse que les apôtres vont vivre, elle est due au fait qu’ils ne verront plus Jésus. Rappelons-nous : ce discours que Jésus prononce dans l’Evangile de St Jean, on l’appelle le discours d’adieu. 

C’est à la fin du dernier repas que Jésus le prononce, juste avant de partir pour Gethsémani. C’est donc clair, l’heure de la séparation est proche, dans quelques heures, Jésus sera arrêté, jugé et condamné à mort puis crucifie et mis au tombeau. Les apôtres ne le verront plus et Jésus les prévient, ça sera la cause d’une très grande tristesse pour eux et cette tristesse sera encore renforcée par leur attitude lamentable au cours de ces événements, mais ça, Jésus ne le dit pas. 

Retenons vraiment cette raison fondamentale que Jésus donne pour expliquer la tristesse : elle vient du fait d’être séparé de lui. Quand nous nous rendons compte que nous devenons tristes, parfois sans raison très objective, il nous faut donc nous poser la question : est-ce que je ne serai pas en train de m’éloigner de Jésus ? Est-ce que je ne suis pas en train de vivre séparé de Jésus ? Oh, il n’y a peut-être rien eu d’extraordinairement grave, mais, suite à une série de médiocrités accumulées, je me retrouve séparé du Seigneur. Et ça, c’est la cause d’une grande tristesse. C’est pour cela que j’aime tant la prière que le prêtre dit normalement à voix basse avant de communier, mais que j’aime dire à voix haute tellement les paroles sont belles et justes : fais que je demeure toujours fidèle à ta parole et que, jamais, je ne sois séparé de toi. Oh, oui, Seigneur, que jamais je ne sois séparé de toi parce que je sais que ça me ferait plonger dans une grande tristesse qui deviendrait un frein puissant à ma vocation de disciple-missionnaire. Et vous voyez que, du coup, quand j’exerce ma vocation de disciple-missionnaire en conduisant ceux qui me sont confiés à Jésus, je réalise une œuvre salutaire : je leur permets de quitter cette tristesse qui plombe leur vie. Avez-vous déjà remarqué combien les gens sont tristes ? Prenez les transports en commun, c’est frappant et ils ne viennent pas tous de perdre leur conjoint ou leur enfant pour tirer une gueule comme ça ! Cette tristesse, apparemment sans raison, trouve sans doute son explication dans la raison que donne Jésus : la tristesse est la conséquence d’un éloignement, d’une séparation, de choix qui les tiennent loin de Jésus, coupés de Jésus.

Bon, mais Jésus ne parle pas que de la tristesse, il parle aussi de la joie … alors parlons de la joie !

Si la tristesse est causée par le fait d’être séparé de Jésus, de ne plus le voir, on peut facilement imaginer que la joie va être provoquée par le fait de revoir Jésus. Eh bien, ce n’est pas tout à fait ce que dit Jésus, ce n’est pas tout à fait faux, mais ce n’est pas tout à fait ce que dit Jésus. Il dit : Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la tristesse, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.  Vous avez entendu, il ne dit pas : vous êtes dans la tristesse, mais vous me reverrez, et votre cœur se réjouira, il dit : vous êtes dans la tristesse, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira.  Jésus n’insiste pas sur la nécessité, pour nous de le voir pour retrouver la joie, il insiste plutôt sur la nécessité que LUI puisse nous revoir. Je le redis, ces paroles sont prononcées dans le discours d’adieu juste avant que Jésus n’emmène ses apôtres à Gethsémani. Or, à partir de Gethsémani, ils auront tous une conduite lamentable qui aboutira à cette mention de l’Evangile de Marc (14,50) : Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent, TOUS.

Quand on a eu une attitude lamentable, on a tellement honte qu’on n’a qu’une envie, c’est de se cacher. Judas, d’ailleiurs, aura tellement honte que, lui, il ira jusqu’à se supprimer pour régler définitivement le problème. Mais, sans aller jusque-là, on a au moins envie de se cacher. Et c’est ainsi qu’on commence à ruminer, à se dévaloriser ou même, pour s’en sortir, à accuser le Seigneur en pensant qu’après tout, c’est de sa faute, il n’avait qu’à envoyer une légion d’anges pour nous empêcher de faire le mal ! On entre ainsi dans une attitude mortifère qui nous plongera un peu plus dans la tristesse puisqu’on s’éloigne de lui. J’aime bien dire que le péché nous éloigne du Seigneur et la honte nous empêche de nous en rapprocher à nouveau. 

Ainsi donc, à travers ces paroles, c’est comme si Jésus prévenait ses apôtres : vous allez être lamentables, mais surtout ne vous cachez pas, je vous en supplie, cherchez-moi le plus vite possible, pour que je puisse poser mon regard de miséricorde sur vous. Et c’est mon regard de miséricorde qui vous établira dans la vraie joie, une joie que personne ne pourra vous ravir. 

Le curé d’Ars racontait que, lorsqu’il venait de commettre un péché, oh ça ne devait jamais être de gros péchés, il courait devant le St Sacrement et il disait : Eh bien, voilà mon Dieu, je viens de vous jouer un tour à ma façon ! Il avait tout compris !

Cette joie que nul ne pourra nous ravir, j’espère que nous l’avons expérimentée quand nous avons reçu le sacrement du pardon hier soir ou à un autre moment. C’est tellement grand, tellement beau, tellement libérateur de sentir Jésus poser son regard de miséricorde sur nous. Voilà désormais nous savons comment ne pas nous laisser gagner par la tristesse et comment être établis dans la joie, il ne nous reste plus qu’à appliquer le traitement !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    « cherchez-moi le plus vite possible… »
    Merci P. Hébert !

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