10 décembre : quand la liturgie enfonce le clou !

On peut dire que les textes d’aujourd’hui donnent une suite, un complément heureux à ceux d’hier, du moins dans la perspective où je les ai lus hier en m’appuyant sur ma propre expérience. Quand nous prenons le joug du Seigneur, dès que nous l’accueillons à nos côtés, il nous dit cette si belle parole que nous avons entendu dans la 1° lecture : C’est moi, le Seigneur ton Dieu, qui saisis ta main droite, et qui te dis : Ne crains pas, moi, je viens à ton aide. » Evidermment, comme j’essayais de le dire, hier, en partant de ce que j’avais pu vivre, ça change tout ! La 1° lecture de ce matin a les mots justes pour expliquer ce qui se passe quand on ne garde pas le Seigneur à ses côtés : « Les pauvres et les malheureux cherchent de l’eau, et il n’y en a pas ; leur langue est desséchée par la soif. » 

Oui, voilà bien l’expérience que l’on fait quand on essaie de mener sa vie trop seul avec juste des actes de piété à certains moments de la journée ou pire, et c’est le cas de tellement de chrétiens, à certains moments de la semaine quand ce n’est pas à certains moments de l’année ! On est vraiment comme ces pauvres et ces malheureux que décrit si bien le texte d’aujourd’hui qui cherchent de l’eau, mais qui n’en trouvent pas. C’est-à-dire que nous cherchons à bien faire, mais nous nous fatiguons, et finissons par nous décourager parce que nous n’en pouvons plus d’avoir une langue de plus en plus desséchée. Tous ces mots traduisent bien cette sécheresse qu’expérimentent ceux qui s’éloignent du Seigneur.

Par contre, dès que nous gardons le Seigneur avec nous, la vie change. Il n’y a plus cette désagréable impression de sécheresse. Et, là encore le texte d’aujourd’hui le disait d’une manière très belle. Sur les hauteurs dénudées je ferai jaillir des fleuves, et des sources au creux des vallées. Je changerai le désert en lac, et la terre aride en fontaines. Je planterai dans le désert le cèdre et l’acacia, le myrte et l’olivier ; je mettrai ensemble dans les terres incultes le cyprès, l’orme et le mélèze, afin que tous regardent et reconnaissent, afin qu’ils considèrent et comprennent que la main du Seigneur a fait cela, que le Saint d’Israël en est le créateur.

Il faut quand même préciser que ça ne signifie pas qu’on ne connait plus de problèmes dans la vie habituelle ! Non, les problèmes demeurent parce que la vie se charge de continuer à nous apporter son lot d’épreuves et puis, même si nous progressons, nous restons pécheurs et donc continuons à faire de mauvais choix qui nous compliquent la vie. Mais, comme je le disais hier, nous ne sommes plus seuls pour nous porter les problèmes, la main du Seigneur est là qui nous rassure et nous aide à sortir des impasses dans lesquels notre péché nous a fait nous égarer. 

De la même façon, il ne faudrait pas penser que notre vie spirituelle deviendra toujours enthousiaste, que la prière sera devenue un élan qui nous comblera à chaque fois que nous y entrerons ! Non, il peut y avoir des phases où la fidélité nous coûtera, où ne ressentirons rien devant le Saint-Sacrement et où nous aurons même l’impression de nous ennuyer. Là, je ne fais pas appel à mon expérience, mais pour que ce soit encore plus parlant à celle de Thérèse de Lisieux. S’il y en a une qui a pris le joug de Jésus, qui a accueilli et gardé la présence de Jésus à ses côtés, c’est bien elle. Eh bien, malgré tout, Thérèse se plaindra de tant de moments de distraction devant le Saint-Sacrement, elle osera même dire qu’à certains moments la récitation du chapelet lui coûtait plus que de porter des instruments de pénitence et que la prière de l’office était tout à la fois son bonheur et son martyr ! Heureusement que nous avons ces confidences des grands saints sur les difficultés de leur vie spirituelle autrement on pourrait avoir l’impression que nous sommes les seuls à avoir des problèmes quand nous sommes à la chapelle !

Il est donc bien clair que prendre le joug du Seigneur, le garder à nos côtés, ne va pas nous faire vivre en permanence sur un petit nuage entre ciel et terre ! Je pourrais aussi m’appuyer sur l’expérience de Marthe qui a connu à tant de reprises cette expérience difficile de ne plus rien sentir, parfois-même juste avant de communier, alors que sa communion hebdomadaire était ce qui la faisait tenir. Je vous lis ce qu’elle écrivait le 5 février 1930 : « Pour demain, la grande visite aimée, la douce visite de Jésus-Hostie ! Aucun sentiment, aucune impression sensible, aucun tressaillement de joie, aucun contentement intime à l’éveil de cette pensée… Quel airain, que mon cœur ! Pourquoi cette singulière insensibilité, cette absence de chaleur, ce manque de vie dans tout mon être, moi qui, à l’ordinaire, palpite de désir et de joie quand je vais recevoir mon Jésus, mon Roi ? Je ne pleure pas… j’étouffe ! J’éprouve une espèce de dessèchement intérieur. Serait-ce, ce que l’Eglise appelle « les sécheresses » ? Cela ressemble à un désert sans lumière, sans verdure et sans eau… à un affreux trou noir. C’est un vrai martyre pour mon âme, comme pour mon corps et mon cœur… Avec effort je pense à Dieu. »

Pour autant, ces moments de sécheresse, n’éloignent plus du Seigneur ceux qui ont fait l’expérience qu’ils ont été sauvés en prenant le joug du Seigneur, en gardant sa présence à leurs côtés. En effet, ce qu’ils ont vécu dans cette expérience a été si fort, si décisif que pour rien au monde, ils ne voudraient retourner en arrière et retrouver cet épuisement récurrent, cette impression de vide qui rendaient la vie tellement compliquée.

De ce point de vue, l’Evangile vient encore bien compléter tout ce que je suis en train de dire. Jésus affirme que « parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. » Avec ces mots, Jésus précise que Jean-Baptiste est vraiment le plus grand des prophètes, mais il reste un prophète, c’est-à-dire quelqu’un qui explique ce qu’il faut faire, qui montre la route à suivre. Mais dire ce qu’il faut faire, ça ne donne pas la force de l’accomplir ! Montrer la route qu’il faut prendre ne donne pas la force de marcher sur cette route jusqu’au bout ! Jésus, lui, il n’est pas venu seulement pour nous dire ce qu’il fallait faire, oui, bien sûr, il l’a dit, mais il a surtout donné la force de l’accomplir. Jésus, il n’a pas seulement montré le bon chemin, il a donné la force de marcher. C’est pourquoi, désormais, tous ceux qui s’appuient sur lui, sur sa force, sur sa présence, deviennent plus grands que Jean-Baptiste.

Beaucoup trop de chrétiens ont transformé la foi en une morale. Pour eux, être chrétiens, c’est faire le bien et renoncer au mal. Oui, bien sûr, je le disais déjà hier, quand on est chrétien, on fait le bien et on renonce au mal mais ce qui caractérise un chrétien, ce n’est pas cela car il y a des non-chrétiens qui font du bien et qui renoncent au mal ! Ce qui caractérise un chrétien, c’est qu’il connait ses fragilités et qu’il a donc compris qu’il allait s’épuiser s’il ne comptait que sur ses forces pour faire le bien et renoncer à faire le mal d’où la nécessité de prendre le joug du Seigneur, de le garder à nos côtés. 

Tout cela, le pape François l’avait formidablement bien exprimé dans son exhortation « La joie de l’Evangile » je le cite et je terminerai avec cette citation au N°266, il parle de l’évangélisation, mais vous allez voir que ça rejoint bien ce que je viens de dire : « On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout. C’est pourquoi nous évangélisons. Le véritable missionnaire, qui ne cesse jamais d’être disciple, sait que Jésus marche avec lui, parle avec lui, respire avec lui, travaille avec lui. Il ressent Jésus vivant avec lui au milieu de l’activité missionnaire. Si quelqu’un ne le découvre pas présent au cœur même de la tâche missionnaire, il perd aussitôt l’enthousiasme et doute de ce qu’il transmet, il manque de force et de passion. Et une personne qui n’est pas convaincue, enthousiaste, sûre, amoureuse, ne convainc personne. »

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen !!!
    Merci pour ce superbe passage des écrits de Marthe ! Et l’extrait de vie de ste Thérèse. Comme ils conviennent bien !
    Tout est donc possible à nous qui aspirons à la sainteté !

Laisser un commentaire