Cette semaine, les premières lectures seront tirées du livre d’Isaïe. Peut-être qu’il n’est pas inutile de nous rappeler comment est composé ce livre d’Isaïe. Il y a 3 parties qui relatent des événements se déroulant sur plus de 200 ans. Manifestement ce n’est pas le même homme qui a pu écrire tout ça, c’est pour cela qu’on parle d’un 2° et 3° Isaïe. Mais la totalité du livre a été mis sous le patronage du même prophète, si jamais ça vous trouble un peu, retenez que le livre dans son entier est Parole de Dieu. La 1° partie du livre se situe avant l’Exil à Babylone ; la 2° partie ou Second Isaïe pendant l’Exil ; et la 3° partie ou 3° Isaïe, après l’Exil. Les lectures de cette semaine, sauf celle de jeudi, font partie de la 2° partie, on a pris l’habitude de les appeler : les chants ou les poèmes du serviteur. Nous lisons le 1° de ces chants aujourd’hui, nous lirons le 2° demain, le 3° mercredi et le 4°, qui est le plus long, vendredi.
Qui est ce serviteur dont il est question ? Il y a deux niveaux de lecture. Le 1° niveau, consiste à identifier le serviteur au peuple de Dieu, ce peuple qui vit la grande épreuve de l’Exil et à qui Dieu va faire de grandes promesses manifestant que cette épreuve ne le détruira pas. Mais, manifestement ce 1° niveau de lecture n’épuise pas la signification du texte parce qu’il y a des éléments qui dépassent largement l’expérience de l’Exil. Les chrétiens, quand ils reliront ces textes, comprendront que la lecture la plus féconde est une lecture christologique, que c’est la figure de Jésus, dans sa passion, qui permet de comprendre ces poèmes. C’est pourquoi, on donnera parfois à ces textes du 2° Isaïe, le titre de 5° évangile.
Venons-en à ce 1° poème que nous avons entendu aujourd’hui. Je retiens cette parole du Seigneur à son peuple au début de la lecture : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; aux nations, il proclamera le droit. » Il y a deux points que je voudrais retenir.
– 1° point : c’est à des hommes en pleine tourmente que le Seigneur dit : « je vous soutiens, vous avez toute ma faveur, mon Esprit repose sur vous. » Les épreuves ne viennent pas de Dieu, elles ne sont pas des punitions de Dieu. L’Exil n’est pas une punition de Dieu mais la conséquence des mauvais choix politiques des dirigeants encouragés par le peuple qui trouvait trop exigeante la fidélité à la Loi de Dieu. Voilà ce qui les a conduits en Exil, le problème, c’est que, eux, spontanément, ils ont interprété cette épreuve comme une punition ; alors Dieu, par le prophète, leur dit qu’il n’en est rien. Ce peuple reste la prunelle de ses yeux, il partage leur souffrance et n’a qu’un seul désir : les soutenir. Il leur donne le bien dont ils ont le plus besoin en ces temps difficiles : son Esprit.
– Dans le 2° point, je voudrais souligner la mission, l’ampleur de la mission qu’il confie à son peuple : « aux nations, il proclamera le droit. » Si le peuple pourra proclamer le droit aux autres, c’est parce qu’il le vivra déjà lui-même. Dieu ne dit pas : j’ai un peuple incorrigible, je n’arriverai jamais à rien avec eux ! Non, comme toujours, il pose sur eux un regard d’espérance, une espérance telle que, non seulement, il les croit capables de vivre la fidélité à la loi, mais que, en plus, il leur demande de devenir un modèle, un encouragement pour tous les peuples. En méditant sur ces lignes, je me suis dit qu’il serait bon que notre Eglise puisse entendre cet appel pour elle. Elle a été bien secouée par toutes les affaires qui ont sali son image, elle pourrait être tentée de faire profil bas en se disant que ce n’est pas le moment de la ramener ! D’autant plus que certains le lui demandent ouvertement. Mais non, les défaillances de certains de ses membres, des responsables de communauté et non des moindres, ne remettent pas en cause la mission que le Seigneur a donnée à son Eglise. Après ce temps douloureux de purification et de réorganisation, nul doute qu’elle gagnera en crédibilité avec tout ce qu’elle a pu mettre en place pour que la vérité soit faite, que la justice puisse passer, que les victimes soient reconnues, accompagnées et que soit sérieusement réfléchies les conditions pour qu’on ne revive jamais de telles horreurs.
Il est temps de passer à l’Evangile ! Un évangile de circonstance puisque cette scène s’est passée le lundi avant la Pâque, c’est ce qu’indique le début du texte en datant l’épisode de six jours avant la Pâque, la Pâque ayant lieu un samedi, avec la manière juive de compter les jours, on est bien le lundi ! Mais ça, c’est très anecdotique ! Maintenant, je voudrais vous partager les points qui me touchent plus.
D’abord le fait que Jésus qui sait maintenant que sa fin est toute proche, avant d’entrer dans sa passion, ait eu besoin de ce bain d’amitié. Il veut aller manger à Béthanie avec Lazare, Marthe, Marie et un certain nombre de leurs proches. En méditant, j’ai été bouleversé par cette découverte qui nous dit l’humanité de Jésus et qui donne comme un parfum divin à l’Amitié, à la fraternité.
Et puis, il y a ce si beau geste de Marie à l’égard de Jésus qui nous donne aussi à réfléchir. Bien sûr, quand nous nous approchons de Jésus, il faut le faire avec respect, mais n’oublions jamais la belle audace de Marie qui ose toucher Jésus, le Fils du Dieu tout-puissant. Que notre respect ne nous empêche jamais une telle proximité dont nous avons besoin et dont Jésus a besoin. Car, il a dû apprécier ce geste, Jésus, il a dû apprécier qu’on prenne soin de son corps avant qu’il ne soit malmené. Et je crois que, dans ce geste de Marie, nous est montré une dimension de la vocation de la femme pour aujourd’hui : prendre soin du corps de Jésus, de son corps ecclésial. Il y a quelques hommes qui l’ont maltraité ce corps en posant des gestes si inappropriés, je crois que c’est aussi par le soin des femmes que ce corps pourra trouver un soulagement et guérir.
J’aime aussi que Marie se soit occupé particulièrement des pieds de Jésus parce que ses pieds ont peut-être été les membres les plus impliqués dans le mystère de l’Incarnation. Quand je serai à la retraite, je prendrai un évangile et je calculerai combien de kilomètres Jésus a pu marcher. Des études ont été faites pour St Paul, je n’ai jamais rien lu de tel pour Jésus et c’est bien dommage. Je vous donne juste un indice de l’importance des pieds de Jésus pour le mystère du Salut. En étudiant d’un peu plus près le texte de Zachée, j’avais été frappé de voir que Jésus était allé depuis Jérusalem à Jéricho juste pour y rencontrer Zachée. Ceux qui sont allés en Terre Sainte visionnent bien le chemin, pas très long, 23 km, pour Jésus et tous les marcheurs de l’époque, ce n’est pas grand-chose, par contre quel dénivelé ! Jérusalem plus de 800m d’altitude et Jéricho -300 mètres. 1100 mètres de dénivelé pour aller voir une crapule … à la descente, ça va encore, mais, le lendemain, après le repas chez Zachée, il a fallu remonter ! Et c’est le dernier voyage de Jésus avant sa passion, comme s’il avait accepté par avance ce grand effort physique pour accomplir sa mission jusqu’au bout, lui qui était venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Je rêve d’une apparition de Jésus, du genre de celle qu’il a faite à Ste Marguerite-Marie, mais là, pour montrer ses pieds en disant : voilà les pieds qui ont tant aimé le monde ! Marie l’avait compris et c’est pour cela qu’elle est venue prendre soin des pieds de Jésus parce qu’ils étaient le grand symbole de son amour évangélisateur. On sent bien la très grande proximité de Marie avec Jésus, elle a tout compris !
Enfin, je termine avec l’attitude de Judas qui s’offusque de cet argent dépensé. Je fais d’abord remarquer que c’est facile d’être généreux avec l’argent des autres car cet argent dépensé en parfum, c’est l’argent de Marie, pas le sien ! S’il nous arrive de souffrir du manque de générosité du monde, interrogeons-nous d’abord sur notre propre générosité ! Et vous savez que, dans la réponse de Jésus, il y a encore un problème d’intonation : les pauvres vous les aurez toujours avec vous … Jésus ne prononce pas cette phrase de manière défaitiste et résignée, c’est plutôt un ordre qu’il adresse à ses apôtres : les pauvres, vous les aurez toujours avec vous ! Et alors, là, on peut dire que la vie communautaire est un excellent moyen de mettre à exécution cet ordre de Jésus parce que nous sommes entourés de pauvres et comme les autres sont aussi entourés de pauvres, c’est le signe que, chacun de nous, nous sommes des pauvres. Puissions-nous donc nous accueillir comme des chances de mettre en œuvre cette parole si incisive de Jésus : des pauvres, vous en aurez toujours avec vous !
Ayons les pieds parfumés pour tant aimer le monde !!! 😉
Merci P. Hébert ! 😀