16 février : jeudi 6° semaine temps ordinaire. De la limitation de la violence à son éradication

Nous terminons aujourd’hui l’aventure de Noé, le récit biblique se continue encore en parlant de la descendance de Noé et d’une histoire bien compliquée ! Mais le lectionnaire, lui a décidé de s’arrêter sur cette bénédiction que Dieu prononce sur Noé et sa descendance. Nous avons entendu cette parole de bénédiction au début de la lecture : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. » Cette parole reprend presque mot pour mot la bénédiction que Dieu avait prononcé pour Adam et Eve en Gn 1,28, il leur avait dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. » Si vous avez été attentifs, il y a deux mots qui ont sauté, que Dieu n’a pas repris pour la bénédiction à Noé, il ne dit plus : soumettez la terre. Dieu s’est rendu compte que cette parole avait été mal comprise et que les hommes avaient cru qu’ils pouvaient établir des rapports de domination sur la nature et entre eux, alors Dieu supprime cette Parole pour qu’on ne puisse plus l’invoquer pour justifier un rapport de domination de quelque nature qu’il soit !

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est la suite de sa parole de Bénédiction à Noé : Vous serez la crainte et la terreur de tous les animaux de la terre, de tous les oiseaux du ciel, de tout ce qui va et vient sur le sol, et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Avec cette formulation, on est loin de ce que Dieu avait dit dans la 1° bénédiction à Adam et Eve : « Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » Soyez les maitres des animaux, ce qui est dit à Adam et Eve est quand même très éloigné de ce qui est dit à Noé : Vous serez la crainte et la terreur de tous les animaux ! Comme je le disais, hier, c’est comme si Dieu était devenu réaliste, il a compris que le péché avait brouillé l’harmonie et ouvert la porte à la violence de la domination. Alors, devenu réaliste, il accepte la violence. Mais je fais tout de suite trois remarques parce que ce que je viens de dire pourrait être mal interprété et pourrait donc servir à légitimer la violence entre les hommes.

1° remarque. Dieu dit : puisqu’il y a de la violence en l’homme, qu’elle se manifeste à l’égard des animaux et non des autres hommes. J’ose dire ça parce que je suis en Afrique, si je disais ça en France, on lancerait contre moi un procès ! En France, il y a des associations qui luttent pour le bien-être animal, je n’ai rien contre, mais il y a quelque chose qui n’est pas ajusté. Quand vous diffusez des images de petits chats maltraités ou de bêtes abattues dans les abattoirs de manière barbare, toute la France est émue. Plein de gens sont prêts à signer des pétitions pour que ça s’arrête. Mais quand vous diffusez des images d’enfants qui meurent de faim, ça déclenche, hélas, beaucoup moins de compassion et, pour justifier leur inaction égoïste, les gens disent : on ne peut pas soulager toute la misère du monde ! C’est une véritable inversion des valeurs. Dans ce texte, même s’il y a un côté un peu choquant, Dieu remet l’homme au sommet en disant que c’est la violence contre les hommes qui est la plus grave et non celle contre les animaux car c’est l’homme qui est à l’image de Dieu et non les animaux même si certains sont très mignons !

2° remarque. Bien sûr, il faut compléter en disant que l’idéal serait plutôt de dire : plus de violence à l’égard de quiconque : ni à l’égard des hommes, ni à l’égard des animaux, ni à l’égard de la nature. Oui bien sûr, mais, rappelons-nous de ce constat qui nous était rapporté hier et qui montrait que Dieu ne se faisait plus d’illusions, qu’il était devenu parfaitement réaliste : le cœur de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse. Pourtant, même s’il est devenu réaliste, Dieu n’accepte pas les déchainements de violence, c’est pourquoi il met une limite en ne tolérant la violence qu’à l’égard des animaux. Il n’acceptera aucune violence faite sur les hommes et il annonce qu’il sera toujours du côté de ceux qui subissent la violence. C’est bien ce qui était dit dans ces paroles que nous avons entendues : Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout animal et j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère. Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. Car Dieu a fait l’homme à son image. C’est clair, Dieu tolère la violence, il ne l’accepte pas, il la tolère, mais en lui donnant des limites. Dans les enseignements que je vais donner à partir d’aujourd’hui pour la semaine St Valentin, je parlerai des limites que Dieu met et qu’il nous faut comprendre comme une belle expression de son amour parce qu’elles veulent empêcher la convoitise de faire des dégâts.

3° remarque. Il nous faut aussi accepter que nous ne soyons qu’au début de la Révélation. Dans cette bénédiction à Adam et Eve, dans cette bénédiction à Noé puis, plus tard dans la bénédiction à Abraham et ensuite à Moïse, il nous faut accepter que Dieu n’ait pas encore tout dit ! Mais ce qu’il dit permet quand même d’avancer vers le bien. Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. Finalement, dans ces paroles, nous avons déjà comme une première expression de la loi du talion qui sera formulée de manière plus rigoureuse par la suite : œil pour œil, dent pour dent, le livre de l’Exode développe cela au chapitre 21, les versets 22 à 25. C’est-à-dire : si on te crève un œil, tu ne crèveras qu’un œil pour te venger et si on te casse une dent, tu ne casseras qu’une dent pour te venger ! C’était un progrès parce que la violence de l’homme peut vite devenir sans limite, j’ai envie de crever les yeux de toute la famille de celui qui m’a crevé l’œil ou de casser toutes les dents de celui qui m’en a cassé une !  Avec cette loi du talion, Dieu mettait une limite, c’était un véritable progrès qui visait à canaliser la violence, à lui mettre des limites. Mais évidemment, ce n’est pas totalement satisfaisant car il y a encore mieux à faire que canaliser la violence, lui mettre des limites, c’est de la supprimer ! Mais, je le redis, ici, nous ne sommes qu’au début de la révélation et nous allons voir comment dans la suite de la Bible, il y a une évolution sur le sujet de la violence. C’est vrai que cette évolution est lente, mais ce n’est simple pour personne de canaliser sa violence, Dieu accepte qu’il nous ayons besoin de temps. Mais un jour viendra Jésus et les Béatitudes puis St Paul qui dira : Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien ! Rm 12,21. Il a fallu attendre parce que, répondre à la haine et la violence par l’amour et le pardon, c’était au-dessus des forces de l’homme. Il faut l’Esprit-Saint pour y parvenir. Et ce n’est pas pour rien si le symbole qui représente l’Esprit-Saint est le même que le symbole de la paix, une colombe, cela signifie clairement que, sans la force de l’Esprit-Saint nous ne pourrons jamais arriver à vivre la paix qui exclue toute violence.

Maintenant, je voudrais dire un mot du signe de l’arc-en-ciel que Dieu donne de cette alliance qu’il renouvelle avec Noé par cette parole de bénédiction. Ce signe, il est très beau et cela au moins pour deux raisons.

  • La 1° c’est qu’il montre différentes couleurs réunies de manière harmonieuse. Voilà la paix que Dieu promet, c’est la capacité de conjuguer nos différences de manière harmonieuse. Les différences peuvent toujours conduire à des tensions. Avec Dieu, la différence devient une richesse et il nous donne de pouvoir marier harmonieusement nos différences de nous enrichir mutuellement par nos différences.
  • La 2° raison qui fait de cet arc-en-ciel un beau signe, c’est que, l’arc, au départ, c’est une arme qui sert à tuer en envoyant des flèches. Eh bien, en utilisant cet arc violent comme signe de son alliance, Dieu nous montre qu’il veut transformer notre violence, la réorienter. La violence que nous utilisions pour nous faire du mal, il faut que nous l’utilisions pour nous faire du bien. Je m’explique : Il faut déployer de la violence pour faire du mal, eh bien, Dieu nous demande de mettre notre énergie non plus au service du mal, mais au service du bien. Et pour faire du bien, il faut beaucoup d’énergie. En effet, qu’il y a plein d’obstacles qui se dressent sur la route de ceux qui veulent faire du bien, il leur faut donc beaucoup d’énergie pour vaincre ces obstacles sans jamais se décourager.

Encore aujourd’hui, j’ai pris beaucoup de temps pour la 1° lecture et il m’en reste très peu pour commenter l’Evangile, mais je pense que ces lectures de la Genèse demandent plus d’explications pour être bien comprises. De cet Evangile, je veux juste retenir que c’est Pierre, celui qui a été choisi entre tous pour une mission si importante qui se fait traiter de Satan. J’en tire comme conclusion qu’il ne faut jamais s’endormir ! Ce n’est pas parce que, comme Pierre, nous avons répondu généreusement à l’appel du Seigneur que nous ne pourrions pas déraper un jour. Restons toujours vigilants et rappelons-nous cette parole de St Austin : « Si Dieu me retirait sa grâce, je deviendrai capable de faire tous les péchés. »

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