11 juillet : fête de Saint Benoit : Dieu différent !

On pourrait dire que les lectures du temps ordinaire sont comme du prêt à porter ! Dans la 1° lecture, on prend un livre du Premier Testament ou une lettre d’un apôtre et on en fait une lecture quasi-suivie. Il en va de même pour l’Evangile, on lit chacun des évangiles en lecture quasi-suivie. Par contre, pour les fêtes, les lectures ressemblent plutôt à du « sur mesure » ! Les textes sont choisis en fonction de la fête qui est célébrée qu’il s’agisse de l’un des mystères de la vie du Christ ou de la fête d’un saint. Dans le cas de la fête des saints, les lectures choisies vont donc être comme un portait biblique du saint qui est fêté. Avec cette grille de lecture, nous pouvons essayer de décrypter le portrait de St Benoit, tel qu’il est brossé par les lectures qui ont été choisies.

La 1° lecture qui nous racontait la vision grandiose d’Isaïe dans le Temple qui est à l’origine de sa vocation. Après avoir entrevu la sainteté de Dieu dans tout son éclat, Isaïe entend cette parole : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Cette question, si nous voulons bien en comprendre la portée, il faut la rattacher à ce qui précède : qui enverrai-je pour faire connaître au peuple ma sainteté ? Et vous savez que parler de sainteté, c’est presque parler de différence. Le saint, c’est celui qui est différent et dont la différence fait signe, interpelle. Quand Dieu affirme sa sainteté, c’est pour marquer sa différence. Un de mes profs de théologie à la Catho de Lyon avait écrit un livre avec ce titre suggestif : Dieu différent !

  • Différence avec les hommes : sachez que je suis Dieu et non pas homme aimera-t-il à répéter et nous l’avons entendu jeudi. Et c’est une bonne nouvelle car ça signifie qu’il ne réagit pas comme les hommes avec la mesquinerie des hommes, la rancune des hommes, les calculs des hommes.
  • Et puis, quand Dieu affirme sa sainteté, c’est aussi pour marquer sa différence avec les autres dieux si présents dans le paganisme ambiant et qui ont pouvoir d’attraction sur le peuple choisi. Mais les psaumes, par exemple, aimeront démasquer l’escroquerie entretenue par ces divinités païennes, ces idoles. Vous connaissez le très beau psaume 113B que nous avons médité à la messe mardi et qui dénonce si bien cette escroquerie : « Leurs idoles : or et argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, des narines et ne sentent pas. Leurs mains ne peuvent toucher, leurs pieds ne peuvent marcher, pas un son ne sort de leur gosier ! » Les idoles, elles sont insensibles, aucun de leur sens ne fonctionne… alors que Dieu est sensible. Les lectures d’Osée de cette semaine l’ont montré de manière si touchante. Voilà la sainteté de Dieu, voilà en quoi consiste sa différence : Dieu est sensible.

Quand Isaïe, dans cette vision grandiose du Temple entrevoit la sainteté de Dieu et comprend que cette sainteté signifie que Dieu est différent, il répond généreusement à l’appel de Dieu : « Me voici : envoie-moi ! » Il a envie de parler de cette différence de Dieu, de dire à quel point c’est une bonne nouvelle d’avoir un Dieu différent, différent des hommes, différent des idoles.

Eh bien, si cette lecture a été choisie en la fête de St Benoit, c’est précisément parce que Saint Benoit, lui-même et tous ceux qui l’ont suivi en devenant moine ont, eux aussi, entrevu quelque chose de la grandeur de Dieu, de la sainteté de Dieu, de sa différence. Et ils ont donné leur vie pour annoncer que c’est une vraie bonne nouvelle. Et ce qui est étonnant, c’est la manière qu’ils ont choisie pour l’annoncer au monde. 

Ils ne partent pas sur les chemins pour le dire, ils se retirent du monde pour montrer que Dieu est tellement différent qu’il suffit à remplir une vie. Solo Dios basta comme le disait la madre ! Le dire, c’est bien, mais en vivre, c’est encore mieux ! Vivre de telle manière que personne ne puisse en douter, c’est la vocation des moines et ça marche pas mal puisque les monastères sont des lieux extrêmement fréquentés. 

Il faudrait avoir beaucoup de temps pour commenter l’Evangile, découvrir en quoi, il brosse le portrait de St Benoit et des moines qui l’ont suivi. Je ne retiens que 2 points :

1/ Le disciple n’est pas au-dessus du maitre. La vie de St Benoit, je l’ai évoqué dans le mot d’accueil n’a pas été un long fleuve tranquille. Mais il faut en dire un peu plus. En effet, souvent, il est reproché à ceux qui ont choisi la vie monastique de déserter le monde et de vivre dans des refuges confortables. Je me rappelle ce groupe de jeunes que j’avais emmené dans un carmel, l’une d’entre elles avait dit aux sœurs dans un temps d’échange : ce n’est quand même pas un peu trop facile de vivre comme vous, loin du monde, juste entre chrétiennes. Et la sœur a répondu : puisque c’est facile, reste 15 jours avec nous ! Devant la réaction de cette jeune, la sœur a juste fait remarquer que son manque d’enthousiasme montrait qu’intuitivement, elle avait perçu que ça ne devait pas être aussi facile que ça. Evidemment, quand on pose des choix d’une radicalité absolue, il y a nécessairement des combats à la hauteur de la radicalité. Jésus a connu ce combat dans les tentations au désert, le disciple-moine n’est pas au-dessus du maitre !

2/ « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. » Il y a quelques temps, Cécile m’avait partagé un commentaire d’un frère carme sur ce verset qui m’avait beaucoup éclairé, je vous le partage à mon tour en le présentant à ma sauce ! On est d’accord que « celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » c’est Dieu. Il n’y a que Dieu qui puisse avoir un tel pouvoir. Par contre, « ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme » ce sont les hommes, ça peut aussi être le diable ! Et vous savez que craindre, dans la Bible, ce n’est pas synonyme d’avoir peur, mais c’est plutôt synonyme d’avoir du respect. Et c’est bien le drame, les gens n’ont pas compris cela, du coup, ils ont peur de Dieu sans avoir du respect pour lui ! Maintenant que nous avons compris cela, nous pouvons comprendre ce que Jésus veut dire : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. » Votre respect, il doit être pour Dieu, non pas un respect dicté par la peur parce qu’il pourrait vous faire périr dans la géhenne. Mais un respect qui vient d’un étonnement émerveillé : il a ce pouvoir absolu de vie et de mort et il ne s’en sert pas ! Quand je disais que reconnaître la sainteté de Dieu, c’est reconnaître sa différence, nous en avons une merveilleuse illustration complémentaire dans ces versets. Dieu peut tout, mais il n’utilise jamais ce pouvoir au détriment des hommes, la puissance de son pouvoir, il mettra au service de son amour rédempteur. C’est ce dont veut témoigner le moine en choisissant Dieu. Solo Dios basta parce que son amour est un amour tellement puissant, tellement différent qu’il peut combler toute une vie.

Dieu est tellement différent qu’un moineau compte à ses yeux, qu’il se préoccupe de chacun de nos cheveux qui tombe à cause de nos soucis ! Cette fête de St Benoit nous aide à comprendre que, seules des vies différentes peuvent témoigner d’un Dieu différent, tellement il est Saint. Même si nos choix sont moins radicaux que ceux des moines, nous pouvons nous interroger pour savoir s’il y a quand même suffisamment de différences dans nos vies pour témoigner plus explicitement du Dieu différent ?

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