11 septembre : 24° dimanche temps ordinaire Trop fort, notre Dieu !

Bien des gens se réfèrent à l’Evangile comme à un livre de sagesse. Ils entendent les paroles de Jésus comme des sentences permettant de mener une vie droite. De ce point de vue, la sagesse de Jésus est sur le même plan que celle du Dalaï-Lama et de tant d’autres sages. Evidemment, en évoquant ce fonctionnement, je ne pense pas aux chrétiens qui ont une foi vivante, mais à ceux qui admirent Jésus et, de ce fait, le rangent au panthéon des sages. Pour eux, l’Evangile est un très bon livre de morale et ils n’hésitent pas à dire que si tout le monde mettait en application les préceptes de Jésus, le monde serait meilleur. Tout cela, bien sûr, n’est pas faux et il vaut mieux se référer à l’Evangile qu’à « mein Kampf ! » Mais, vous en conviendrez, réduire l’Evangile à un livre de morale et faire de Jésus un sage, c’est dénaturer la foi chrétienne car l’originalité de la foi chrétienne ne se situe pas dans la morale qu’elle propose. Si la personne de Jésus est réduite à celle d’un sage, il n’est pas un sage très original par rapport à tous les sages que les religions ont suscité au cours de l’histoire. Des études ont été faites par des théologiens moralistes qui montrent que, finalement, dans ce que Jésus propose, il n’y a rien d’absolument original. Même le pardon en direction des ennemis peut se retrouver dans des sagesses non-chrétiennes. L’originalité du christianisme ne se définit pas dans la morale, la sagesse qu’il propose.

Ceux qui me connaissent, m’ont déjà entendu plusieurs fois citer cette parole du père Cantalamessa, le célèbre prédicateur de la maison pontificale, parole qui définit précisément l’originalité du christianisme. Je m’excuse de la répéter une fois encore pour ceux qui l’ont déjà entendue plusieurs fois, mais ce qu’il dit est tellement fondamentale qu’il est bon d’y revenir régulièrement. Sa définition de l’originalité du christianisme est absolument simple et géniale : « Toutes les religions vous diront ce que vous devez faire pour parvenir au salut ou à l’illumination, le christianisme est la seule religion qui vous dira ce que Dieu a fait pour vous, en Jésus-Christ. » Je reformule autrement : l’originalité du christianisme ne consiste pas en ce qui nous est demandé de faire, l’originalité du christianisme consiste en ce que Dieu a fait pour nous en Jésus. Nous aurons beau chercher à bien faire, ce que nous ferons restera une paille en comparaison de ce que Dieu a fait, en Jésus, pour nous sauver. Et d’ailleurs tout ce que nous ferons de bien, nous ne le ferons pas pour être sauvés, c’est inutile de chercher à accumuler des bons-points ! En Jésus, Dieu a fait tout ce qu’il fallait faire, j’ai bien dit TOUT. Si nous voulons faire du bien, et il nous faut faire du bien, c’est parce que nous sommes sauvés. Nos bonnes actions ne sont pas accomplies pour marchander notre Salut, elles sont accomplies en signe de gratitude à l’égard du Seigneur qui a fait TOUT ce qu’il fallait pour me sauver, pour nous sauver. Ma reconnaissance se manifestera par ma vie doite.

C’est la méditation de l’Evangile que nous venons d’entendre qui m’a inspiré ces réflexions. Il est assez rare que nous lisions le chapitre 15 de St Luc en entier. Vous savez que la 3° parabole, appelée de manière habituelle, la parabole de l’enfant prodigue, a inspiré Rembrandt qui a peint ce magnifique tableau qu’on peut quasiment considérer comme une icône. Méditant devant ce tableau, le père Paul Beaudiquey fera ce magnifique commentaire : « C’est le seul tableau pour lequel Dieu le Père ait accepté de prendre la pause ! » Mais je pense que si les deux autres paraboles avaient également inspiré un peintre, on aurait pu dire exactement la même chose. Si vous accompagnez des catéchumènes, il y a forcément un moment où il faudra leur faire découvrir qui est Dieu, le Dieu des chrétiens, Celui que Jésus est venu nous révéler. Plutôt que de leur faire de grands discours, plus ou moins ajustés, le mieux serait de lire ce chapitre 15 de Luc qui nous dresse ce portait, le seul pour lequel Dieu le Père ait accepté de prendre la pause ! 

Ce chapitre étant assez long, je ne peux pas me lancer dans un commentaire suivi de chacune des 3 paraboles et, comme elles sont bien connues, vous avez déjà entendu 1000 homélies sur le sujet. Je préfère vous proposer un survol en hélicoptère qui nous permettra de repérer les lignes les plus marquantes qui unissent profondément ces 3 paraboles de la miséricorde qui nous disent qui est Dieu et ce qu’il a fait, en Jésus, pour nous sauver. Et je vais me contenter de souligner quatre points essentiels, sachant que l’Esprit-Saint, dans votre propre méditation, pourra vous suggérer d’autres points.

Le 1° point, je le formulerai ainsi : il y a bien des manières de se perdre. On peut se perdre dedans ou dehors. De fait, il y en a qui se perdent hors de l’Eglise en menant, comme le fils cadet de la 3° parabole, une vie de débauche loin de la maison du Père. Mais il y en a d’autres qui, à l’image du fils ainé, se perdent dans l’Eglise en ayant des attitudes d’exclusion, en refusant de vivre dans la gratitude à l’égard du Père, en préfèrant comptabiliser leurs bonnes actions plutôt que de s’en remettre à la miséricorde inépuisable du Seigneur. Dehors/dedans, c’est aussi la thématique des deux premières paraboles : la brebis est perdue, dehors, au loin, alors que la pièce est perdue dans la maison. Mais peu importe où nous nous perdons, ces 3 paraboles nous montrent que le Seigneur mettra tout en œuvre pour venir nous chercher où que nous soyons perdus. Dans la 3° parabole, le père est sorti pour attendre le fils cadet qui revient après s’être perdu au loin, il sortira de la même manière pour essayer de faire revenir le fils ainé qui s’est perdu dans la maison. J’aime beaucoup cette conclusion de la parabole qu’on trouvait dans une mise en scène imaginée par une troupe de protestants : un père avait deux fils, un lointain si proche et un proche si lointain, mais pour les deux, un même amour. En plus d’être bien dit, c’est tellement juste !

Passons au 2° point : Pour Dieu, chacun de nous est absolument unique, c’est pour cela qu’il mettra tout en œuvre pour nous retrouver quand nous serons perdus où que nous nous soyons perdus. Quand j’organisais des camps et qu’il nous arrivait d’être un peu perdus dans une randonnée, comme tous les organisateurs, avec humour, je disais aux enfants ou aux jeunes que je ne m’inquiétais pas puisque nous avions droit à 7% de perte ! Dieu n’aurait jamais prononcé une telle parole, ça ne le fait pas rire d’imaginer qu’un seul de ses enfants, fut-il le plus terrible, soit en train de se perdre ! Dans la 1° parabole, la brebis perdue représente 1% du troupeau ; dans la 2° parabole, la pièce perdue représente 10% du capital, dans la 3° parabole, le fils perdu représente 50% des enfants. Mais pour Dieu, peu importe le pourcentage, un de perdu, un de blessé, ça sera toujours un de trop, peu importe la personnalité de celui qui se perd et peu importe le nombre qui reste ! Le Seigneur ne se donne jamais à moitié, il n’y en a pas qui méritent moins que les autres. Pour aller chercher celui, celle, ceux qui sont perdus, le Seigneur se donnera toujours tout entier. C’est ce dont nous allons faire mémoire dans un instant, en rappelant, dans les paroles de l’institution de l’Eucharistie qu’il a versé son sang pour nous et pour la multitude.

Troisième point : Dans les 3 paraboles, la conclusion est toujours la même, nous sommes invités à partager la joie des retrouvailles ! Bien sûr, dans les 3 paraboles, celui qui cherche, c’est le Seigneur, même dans la 2° parabole où Jésus parle de Dieu en lui donnant les traits d’une femme car, nous le savons, Dieu est un Père qui nous aime comme une mère. La joie du Seigneur est tellement grande qu’il veut la partager en organisant une fête aux allures démesurées. C’est ce que l’on voit dans les deux premières paraboles, il est, en effet, bien possible que le coût de la fête soit plus élevé que la valeur de ce qui est retrouvé ! Mais pour Dieu, chacun de nous a une telle valeur qu’il ne compte ni ses efforts pour nous chercher, ni ce qu’il dépense pour fêter les retrouvailles ! Je vous avoue que c’est souvent ce point qui m’aide à aller me confesser quand je n’en ai pas très envie ! Je sais qu’en revenant, je peux faire la joie de Dieu, je peux mettre tout le ciel en joie. Le Seigneur me donne tant, le ciel m’accompagne si bien, puis-je les priver de cette joie ?

Enfin, quatrième point : n’y a-t-il vraiment rien faire ? Est-ce vraiment Dieu qui fait tout ? Ce résumé de l’originalité du christianisme est-il juste ? Les deux premières paraboles viennent renforcer notre confiance : quand nous nous perdons, Dieu, fou d’inquiétude parce que chacun est unique à ses yeux, mettra tout en œuvre pour nous retrouver. C’est ainsi que l’on peut, en partie, expliquer le sens de l’incarnation : depuis le jardin de la Genèse et son cri d’inquiétude : Adam où es-tu ? Dieu n’en peut plus, alors, il a envoyé Jésus pour nous retrouver, nous qui ne cessons de nous perdre. Mais, la 3° parabole vient rétablir l’équilibre, la vérité : Dieu fait tout ce qu’il peut faire, mais il y a une chose qu’il nous laisse faire, précisément parce qu’il ne peut pas le faire à notre place. Dieu nous aime tellement qu’il respecte notre liberté : il nous laissera donc prendre la décision que nous seuls pouvons prendre : nous lever et revenir. C’est là que se situe ma responsabilité, il n’y a que moi qui puisse dire : oui, je me lèverai et j’irai vers mon Père. Il n’y a que moi qui puisse me lever et reprendre le chemin de la maison du Père, après, le reste, c’est son affaire et il le gère étonnamment bien comme nous le montrent ces 3 paraboles.

Cet article a 4 commentaires

  1. Adéline

    Bonjour et merci P. Hébert…. Contente de vous relire.
    Je ne peux pas m’empêcher de penser au livre « le retour de l’enfant Prodigue », d’Henri Nouwen, dont la lecture m’a été si salvatrice en retraite spirituelle en août 2019… Je me rappelle que vous aviez conseillé ce livre en 2018 ou 2019 à la Flatière, et voilà qu’il était à disposition quelques mois plus tard sur le lieu de retraite… Merci Seigneur, qui ne s’ennuie jamais de nous attendre!

  2. ngendakuriyo

    Ma seule responsabilité est me lever et revenir. Merci infiniment père Roger. Soyez bénis.

  3. NGENDAKURIYO

    Merci beaucoup pour cette homélie.

  4. Jean Marc Franchellin

    Je vais me servir de votre homélie pour mon topo de la soirée découverte du parcours alpha dans ma paroisse « quel sens donner à la vie »

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