13 mai : Beaucoup, rien, davantage …

Avec la 1° lecture, nous entrons dans le processus qui conduira à la tenue de l’Assemblée de Jérusalem qui peut être considéré comme le 1° concile de l’Eglise. A vrai dire, le processus a été initié à Césarée dans la rencontre entre Pierre et Corneille, rencontre au terme de laquelle, un païen sera baptisé sans être passé au préalable par les rites imposés par le judaïsme, particulièrement celui de la circoncision. 

Comme souvent, quand une ouverture s’opère dans l’Eglise, il y a toujours des esprits chagrins qui ne vont pas contenter d’inciter à la prudence, mais qui prône un retour en arrière. Or, dans le cas qui nous occupe, c’est assez grave puisque, manifestement, c’était l’Esprit-Saint qui avait encouragé cette audace en devançant les décisions de Pierre. Prôner un retour en arrière, c’était donc résister à l’Esprit-Saint, c’est ce que nous constatons chez ceux qui affirment : « Si vous n’acceptez pas la circoncision, selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Je me rappelle toujours que, dans mes études de théologie, j’avais un prof qui nous disait qu’il fallait nous méfier des formules dans lesquelles il y avait « ne que » « jamais » « toujours » parce que tout ce qui était si tranché était rarement juste théologiquement. Dieu reste souverainement libre et manifeste une grande réticence à se laisser enfermer dans nos équations théologiques. 

En ce jour, nous pouvons demander au St Esprit cette grâce de ne pas lui résister. Une des bonnes méthodes, un des bons chemins à emprunter pour ne pas lui résister, c’est de rester fidèle au réel, pas à nos idées qui peuvent vite nous enfermer dans un fonctionnement idéologique. Rester fidèle au réel, c’est accepter les événements, de toutes façons, il n’y pas moyen de faire autrement, et croire que Dieu nous parle à travers ces événements. Il nous a parlé et nous parle encore à travers la crise du Covid 19, il nous parle aussi par cette crise que nous vivons dans les Foyers. Essayons d’entendre ce qu’il veut nous dire, de le suivre dans les déplacements qu’il nous invite à opérer.

De cette belle allégorie de la vigne, j’aimerais retenir 3 mots et une invitation qui nous est lancée pour saisir une opportunité. Les 3 mots ce sont : davantage, rien et beaucoup.

  • DAVANTAGE. « Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte DAVANTAGE. » Cet émondage, cette taille, c’est sûrement ce que nous sommes en train de vivre. Que les sarments secs soient coupés, ça n’étonne personne, ils n’ont plus rien à faire sur la vigne. Mais un béotien sera étonné de voir que même les sarments qui produisent vont subir cette taille. Je dis subir parce que, dans la taille, il y a forcément un côté pas agréable du tout, le sécateur fait mal là où il passe ! Oui, ceux qui n’y connaissent rien peuvent être étonnés qu’on ne laisse pas tranquille les sarments qui portent du fruit. Mais les initiés savent que c’est nécessaire si on veut qu’ils continuent à porter du fruit et même pour qu’ils puissent en porter DAVANTAGE. Dieu n’est pas un béotien ! Il s’y connait et il ne veut pas se contenter du bien ou pire du moyen, ce qu’il aime c’est le « DAVANTAGE. » Dieu a toujours de l’ambition pour nous, il refuse que nous nous contentions du bien que nous sommes capables de faire, il veut DAVANTAGE. Il ne nous gardera jamais dans l’autosatisfaction : que tout le monde fasse ce que je fais et ça sera déjà pas mal ! Non, Dieu veut DAVANTAGE, alors laisse-toi faire, laisse-le faire en toi ce qui est nécessaire, même si c’est douloureux, pour que ce DAVANTAGE soit possible.
  • RIEN. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez RIEN faire. » Jésus ne fait pas dans la demi-mesure ! Il ne nous dit pas que, en dehors de lui, on ne réussira pas grand-chose, qu’on va s’en voir … Non, « en dehors de moi, vous ne pouvez RIEN faire. » RIEN, c’est assez clair et RIEN, malgré ce qu’en dit Raymond Devos, c’est moins que pas beaucoup ! Du coup, c’est une invitation pour nous à demander au St Esprit de nous éclairer pour que nous puissions être lucides, voir clairement tous les moments où nous nous mettons « en dehors » de Jésus, où nous coupons les liens, où nous ne cherchons plus sa présence, où nous n’en faisons qu’à notre tête … à chacun de nous de nous questionner et de prendre les décisions qui s’imposent parce que ceux qui ne font RIEN finissent par fatiguer le cep en lui pompant son énergie juste pour eux, juste pour se tenir dans une existence confortable, sans porter, comme une hantise, cette préoccupation de porter DAVANTAGE de fruits.
  • BEAUCOUP. « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez BEAUCOUP de fruits. » Evidemment, c’est clair, mais Jésus tient à le préciser clairement, si on cherche à porter BEAUCOUP de fruits à en porter toujours DAVANTAGE, ce n’est pas pour notre gloire personnelle ! Si nous acceptons de nous laisser émonder, si nous acceptons cette souffrance, si nous acceptons des sacrifices, ce n’est pas dans le secret espoir de mieux tirer notre épingle du jeu que les autres. C’est une tentation toujours réelle et c’est une tentation personnelle et communautaire. Je me rappelle que lorsqu’il avait organisé le grand congrès missionnaire Paris-Toussaint 2004. Le cardinal Lustiger avait convoqué les communautés nouvelles pour leur dire qu’il voulait s’appuyer sur elles mais qu’il y a une chose qu’il ne supporterait pas et il avait l’art des formules : c’est que chaque communauté vienne à ce congrès avec le désir caché de faire danser son ours devant les autres pour mieux les épater ! C’est pour la gloire du Père qu’on cherche à porter du fruit à en porter BEAUCOUP et même DAVANTAGE. Toutes les communautés nouvelles, ou presque toutes, passent par un émondage douloureux, parce qu’il y avait sûrement à purifier de ce côté-là. Mais nous le savons, nous en avons la certitude, si nous acceptons cet émondage, alors nous porterons beaucoup de fruits et même DAVANTAGE et ça sera vraiment pour la Gloire de Dieu.

Avec cet Evangile, pour moi, il y a un appel à saisir une opportunité. Je donne une image, elle vaut ce qu’elle vaut ! Mes frères qui avaient une petite entreprise de maçonnerie, ils travaillaient juste à 3, ensemble, ils n’aimaient pas bien prendre des chantiers sur Lyon alors que ça payait bien. Mais il y avait un gros problème, en effet, comme ils faisaient surtout la restauration, il y avait une première phase de démolition et il fallait bien mettre les gravats quelque part. Mais dès qu’on commande une benne à déchets et qu’on l’installe dans Lyon, dans la nuit les voisins viennent la remplir de tout ce dont ils veulent se débarrasser. Et les maçons, quand ils reviennent le lendemain matin, la benne qu’ils paient est pleine et ils ne peuvent plus y mettre leurs gravats. Les voisins ont profité de l’opportunité. Peut-être qu’ils n’avaient pas prévu de se débarrasser aussi vite de tel ou tel objet, mais puisqu’il y a l’opportunité de la benne, ils le font. Aujourd’hui, dans cet Evangile, Jésus nous dit que le Père du ciel a allumé un feu pour brûler les sarments secs, profitons de l’opportunité pour y jeter nos sarments secs en nous en débarrassant peut-être plus vite que nous ne l’avions prévu, mais c’est le bon moment puisqu’il y a cette opportunité à saisir ! Là encore que le St Esprit nous éclaire pour que nous puissions voir clairement et lucidement de quel sarment sec, il est temps de nous débarrasser en profitant de l’opportunité de ce feu que le Père a allumé.

Cet article a 4 commentaires

  1. Adéline

    L’opportunité de la beNNE, P. Hébert, la beNNe !!!
    Mais sinon, quelle belle, quelle splendide homélie !
    Merci !!!!!!!!!!

    1. Adéline

      j’aurais dû écrire « quelle beNNe, splendide homélie… »
      Arrrrrrgh, je m’en veux !

  2. wilhelm richard

    Entre les chansons de France Gall (« déchanche » et « Résiste ») et Piaf (« Non, je ne regrette rien »), j’entends votre goût musical de ce jour.
    pour résumer votre homélie, médiocrité = danger !

  3. wilhelm richard

    tiens, me revoilà comme la nuit porte conseille et qu’elle éclaire, une autre lumière m’est venue à l’esprit.
    Tout d’abord, je peux dire que le père Hébert n’est pas une ordure !!!!
    Nous pouvons également affirmer qu’il faut sortir de la benne-ombre (avez-vous compris ?) pour voir la lumière.
    Mais il n’existe pas de mal qui ne puisse être transformé en nuit heureuse. Mais Dieu transforme seulement ce que nous déposons dans sa benne. Une joie divine immense nous envahira et nous pourrons alors dire que « ça be(g)nne (avez-vous compris ?) !!!

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