13 mars : Dieu écrit droit avec des lignes courbes !

Je pense que vous avez perçu que ce sont deux drames absolument terribles qui nous sont racontés dans les textes d’aujourd’hui.

Dans la 1° lecture, c’est l’histoire de Joseph vendu par ses frères. Joseph, pour vous le situer dans l’histoire, c’est l’arrière-petit-fils d’Abraham. Son père, nous l’avons entendu, c’était Jacob qu’on appelle aussi Israël, son grand-père c’était Isaac, le fils d’Abraham. 

Nous sommes donc dans les débuts de l’histoire de la Foi, de l’Alliance, commencée avec Abraham, le père de tous les croyants. Dès le début, nous le voyons, c’est une histoire compliquée. Les frères de Joseph sont malades de jalousie parce que leur vieux père a un faible pour ce dernier fils, le fils de sa vieillesse. Et il vient de montrer cette préférence en offrant à Joseph une belle tunique. Mais dire qu’il préférait Joseph ne signifie pas qu’il n’aimait pas ses autres fils. La preuve, il envoie Joseph auprès d’eux, sûrement pour leur porter à manger, à boire.

Mais eux, ils sont malades de jalousie et quand ils le voient arriver, ils décident de le supprimer. Heureusement, l’un d’eux, Roubène qui avait quand même une conscience plus en éveil que les autres se met en travers du projet. Joseph sera juste mis dans une citerne, il n’y séjourne que quelques heures. Une caravane de marchands passe, ils allaient commercer avec l’Egypte, Joseph leur est vendu et va donc se retrouver en Egypte.

C’est vraiment une situation dramatique, mais qui est déclenchée par des jalousies de gamins de primaire ! Oui, mais de cette situation tordue, Dieu va savoir en tirer un bien. Quand nous continuons l’histoire de Joseph, nous nous rendons compte qu’il va tenir une place très importante en Egypte. Le pharaon a des songes et aucun de ses mages ne peut les interpréter, on apprend à la cour du pharaon que l’esclave hébreu a ce don d’interprétation, on le fait donc venir auprès de Pharaon. De fiat, il interprète tous les songes de pharaon avec une étonnante justesse. Pharaon en est tellement content qu’il va faire de lui l’un des membres les plus importants de son administration.

Sur ces entrefaites, une grande sécheresse survient dans la région où Jacob et ses fils faisaient paître leurs troupeaux, plus rien à manger pour les bêtes, ni pour les hommes puisque plus rien ne pousse dans les champs. Il faut aller en Egypte, parce que, là-bas, avec la crue annuelle du Nil, il y a toujours de quoi manger. Les Egyptiens sont quand même méfiants vis-à-vis de ces étrangers qui arrivent, vous voyez l’histoire ne cesse de se répéter. Mais Joseph reconnait ses frères et va faciliter la vente de marchandises. J’arrête là l’histoire, si ça vous intéresse, vous la continuerez dans vos bibles.

Vous le voyez, d’un mal, Dieu a su tirer un bien. Vous connaissez sans doute cette belle formule : Dieu écrit droit avec des lignes courbes. De cette histoire tordue, Dieu a su en tirer parti pour continuer à écrire l’histoire du Salut. Sans la présence de Joseph en Egypte, sa famille serait morte de faim. Bien plus tard, St Paul écrira : là où le péché a abondé, la grâce a surabondé !

L’Evangile nous présente un autre drame, parce que le sens de la parabole que Jésus raconte est très clair, il annonce sa mort et une mort qui sera particulièrement injuste et violente. Mais là encore, ce qui aurait pu rester un drame va devenir l’acte par lequel toute l’humanité sera sauvée, y compris ceux qui sont à l’origine de ce drame. Et c’est Jésus lui-même qui tire la leçon de cette histoire en reprenant une affirmation des Ecritures : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, c’est là l’œuvre du Seigneur. »

Oui, c’est bien vrai, Dieu a cette capacité d’écrire droit avec des lignes courbes. Comme le disait Jésus : c’est là l’œuvre du Seigneur, on pourrait traduire, c’est vraiment son génie à lui, cette capacité de tout récupérer. Mais attention, comme hier, il ne faudrait pas en tirer la conclusion : alors, faisons n’importe quoi puisque Dieu a cette capacité de pouvoir tirer du bien même à partir d’un mal. Parce que, vous l’aurez compris tout cela ne se fait pas automatiquement.

Pour que la dramatique histoire de Joseph puisse ouvrir un avenir à son peuple, il a fallu que Joseph accepte de pardonner le mal qui lui a été fait. Pour que le meurtre de Jésus devienne source de Salut, il a fallu qu’il consente à donner sa vie en pardonnant à tous ceux qui l’avaient mis à mort et à tous leurs complices, il a fallu qu’il offre la puissance de cet amour rédempteur pour tous les pécheurs de tous les temps, pour tous ceux qui ne le méritaient pas, c’est-à-dire pour vous et pour moi !

Dieu a cette capacité d’écrire droit avec des lignes courbes, mais il ne peut écrire de cette manière qu’avec l’encre de nos vies, c’est-à-dire que si nous sommes prêts à nous donner dans un amour sans limite. Là où des hommes se donnent, là où des hommes pardonnent, toutes les lignes courbes peuvent être redressées, de tout mal, Dieu peut tirer un bien. Mais il ne pourra jamais y parvenir sans notre collaboration. De cette crise du coronavirus, Dieu saura tirer un bien parce que nous allons forcément voir de très beaux exemples de don.

Evidemment, en disant cela, comment ne pas penser au témoignage de Marthe, surtout en ce jour de son anniversaire ? De son mal, de sa maladie, Dieu a su tirer un bien étonnant dont vous êtes les premiers bénéficiaires puisque c’est elle qui a voulu votre école, puisque c’est par son rayonnement que des membres de Foyers ont entendu l’appel à tout donner pour vous et que des professeurs sont aussi venus pour donner le meilleur d’eux-mêmes afin de former des jeunes qui partagent cette mission reçue par Marthe : réveiller dans le monde l’amour qui s’éteint. Mais rien de tout cela n’aurait été possible sans l’offrande totale de Marthe.

Là où il y a don et pardon, la puissance de Dieu peut agir sans limite pour réécrire droit malgré toutes les lignes courbes de nos vies ou en se servant de toutes les lignes courbes de nos vies. Que Jésus nous entraine dans l’offrande de sa vie pour que, grâce à notre don mêlé au sien, Dieu puisse faire jaillir de tout mal un bien plus grand encore.

Cet article a 5 commentaires

  1. wilhelm richard

    on offre à Joseph une belle tunique.
    Jésus en revanche est’unique et sans couture mais avec une folie d’amour incroyable.
    vous allez me dire que je suis atteint du virus et que je dois être en quarantaine ! pour un « quinqua « , cela va me rajeunir.

  2. Jean-Marie TOGNOLA

    « Dieu écrit droit avec des lignes courbes » et « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, c’est là l’œuvre du Seigneur », deux expressions que je connaissais et qui étaient restées pour moi énigmatiques. Et voilà qu’à 73 ans en lisant votre homélie j’ai saisi toute leur profondeur ! Merci mon Père.
    Dieu vous garde.

    1. Père Roger Hébert

      Merci pour vos encouragements !

  3. Jean-Yves SAINT HILAIRE m

    Ces Écritures par lesquelles Dieu s’exprime par le Verbe Jésus sembleraient donc faites pour tous mais plus réservées à des initiés qui en feraient le meilleur usage possible et en les propageant….
    L’on connait bien les moyens divers utilisés pour arriver à cette fin. Il n’est que visiter les églises romanes et voir les chapiteaux historiés. Ils nous donnent à voir des personnages curieux, des monstres., des animaux. Mais comment l’illettré du Moyen Âge aurait pû aborder l’Écriture sainte sans cela. Oui, mais ces figures étaient à lire au deuxième ou troisième degré. Donc un message discret, secret…. Notre « conversation » avec Dieu ne peut se faire qu’au prix d’efforts, de temps consacré.
    Le célèbre fabuliste La Fontaine a procédé de la même façon : l’apologue.
    Jean Yves SAINT HILAIRE

    1. Père Roger Hébert

      Je ne comprends pas bien le sens de votre commentaire … est-il réservé à des initiés ?

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