14 janvier : vendredi 1° semaine ordinaire. Nous voulons être comme tout le monde !

C’est encore une bien belle page de la Bible que nous avons entendue en 1° lecture. Je vais m’attarder sur ce texte et laisser de côté l’Evangile, non pas que ce texte ne soit pas intéressant, mais vous le connaissez et l’Evangile est toujours plus simple à comprendre. En plus, je me rappelle l’avoir commenté il n’y a pas si longtemps en proposant un titre à cet épisode haut en couleurs : tout ça pour ça !

La 1° lecture que nous avons entendue commence par un événement dramatique, c’est, comme on dirait aujourd’hui, « la mise au placard » de Samuel ! « Tu es devenu vieux, et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi. » Vraiment, les anciens du peuple venus le trouver n’ont pas pris de gants pour lui annoncer qu’ils ne veulent plus de lui ! Samuel va en ressentir une certaine amertume qu’il ira confier à Dieu et la réponse de Dieu est tout à la fois belle parce que réconfortante pour Samuel mais, en même temps, elle est terrible car elle montre que Dieu n’est pas dupe, il a exactement compris que, derrière cette mise au placard de Samuel, c’était sa propre mise au placard qui se tramait. « En demandant un roi, ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne veulent pas que je règne sur eux. » De fait, cette demande du peuple qui veut un roi, elle révèle un double problème 

1° problème : Dieu a compris qu’en demandant un roi, le peuple, par l’intermédiaire des anciens, lui manifestait sa défiance. C’est fini, ils ne lui faisaient plus confiance à Lui, Dieu. C’est terrible parce que c’est quand même, lui, Dieu qui les avait sortis de l’esclavage d’Egypte ; c’est quand même, lui, Dieu qui les avait guidés dans le désert ; c’est quand même, lui, Dieu qui les avait accompagnés dans l’installation en Terre Promise, cette Terre qu’il leur avait donnée. Mais voilà Dieu a compris que son peuple était lassé, lassé de se laisser gouverner par Lui. Ils préfèraient un roi, un homme parce qu’avec un homme à la tête, c’est plus facile de savoir ce qu’il pense et puis, un homme, on peut toujours l’acheter, le manipuler pour qu’il finisse par penser comme nous … avec Dieu, ce n’est pas possible. C’est pour cela que Dieu a voulu consoler Samuel en lui disant : ce n’est pas toi qui es en cause, c’est moi. Mais on peut comprendre que le prophète si intimement lié à Dieu par son ministère ne peut que souffrir de cette double mise au placard. Parce que Samuel interprète fort justement cette demande comme un échec de son ministère : puisque le peuple s’éloigne de Dieu et qu’il lui préfère un roi, c’est que lui, il n’a pas réussi à les aider à vivre de Dieu, à aimer Dieu, à marcher sur ses chemins. Quant à Dieu, évidemment, lui, il souffre comme un père qui est rejeté alors qu’on n’a jamais pu le prendre en faute sur quoi que ce soit. 

2° problème : Quand j’ai cité la demande des anciens, je ne l’ai pas citée en totalité. Les anciens ne se contentent pas de dire à Samuel : « Tu es devenu vieux, et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, établis, pour nous gouverner, un roi. » Ils rajoutent : « Etablis, pour nous gouverner, un roi comme en ont toutes les nations. » Ce qu’ils veulent, c’est être comme tout le monde. Voilà le vrai drame qui se cache derrière cette demande d’un roi, ils veulent être comme tout le monde. Dieu leur avait dit : vous êtes un peuple particulier parce qu’aucun peuple n’a vécu ce que vous avez vécu, aucun peuple n’a eu un dieu aussi proche et bienfaisant que, moi, je l’ai été pour vous. Mais rien n’y fait, eux, ce qu’ils veulent, c’est être comme tout le monde. Alors Dieu va essayer de les en dissuader en leur expliquant ce qu’ils vont subir. Vous voulez être comme tout le monde, eh bien, regardez comment les autres sont traités !

Dieu va leur faire une description apocalyptique de la situation des autres nations.  « Vos fils, il les prendra et s’en servira de soldats, d’esclaves. Vos filles, il les prendra aussi sans les respecter. Vos champs et vos récoltes, vous, vos serviteurs, vos jeunes gens, ainsi que vos bêtes, il vous les prendra tous et il vous prendra tout ! » Mais eux n’en démordent pas : nous voulons être comme les autres ! Et ils rajoutent assez naïvement : ne t’inquiète pas car il ne nous arrivera pas ce qu’il arrive aux autres. Quelle illusion ! Quand on lâche Dieu pour devenir comme les autres, il y a toujours un prix à payer et ils vont le découvrir dans l’histoire et le paieront très cher.

La Bible, particulièrement le 1° testament, ce n’est pas un vieux livre, c’est, comme me l’avait dit un détenu à qui j’avais donné une Bible, un livre qui parle de nous à toutes les pages ! Et c’est bien vrai car cette page du Premier Testament que je viens de commenter qui nous raconte comment le peuple a progressivement abandonné Dieu pour devenir comme les autres, elle parle aussi de nous! Que de personnes qui abandonnent Dieu pour devenir comme les autres ! Et ça ne concerne pas que ceux qui perdent la foi et tournent le dos à l’Eglise. Ça peut nous concerner, nous aussi, assez régulièrement quand nous commençons à vivre notre vocation avec de petits arrangements qui, accumulés, finissent par nous faire perdre la différence chrétienne. Je ne dis pas la supériorité mais la différence, cette différence qui fait que les autres s’interrogent en nous voyant vivre.

Alors que nous sommes uniques et que c’est un point d’honneur pour Dieu de permettre à chacun d’entre nous d’être unique, nous, nous rêvons d’être comme tout le monde ! Est-ce que nous avons déjà réfléchi à ce fait que nous sommes tellement unique qu’il n’y a pas eu un seul être humain, depuis les débuts de l’histoire de l’humanité, qui me ressemble totalement, ni physiquement, ni spirituellement ? Pourquoi vouloir devenir comme tout le monde quand Dieu nous a créés comme des êtres absolument uniques ? Pourquoi lâcher celui qui nous permet de vivre cette unicité pour nous laisser entrainer par ce courant irrésistible qui finira par nous précipiter de plus en plus vers la tristesse, la morosité promise à un monde constitué de clones ? Pourquoi ? Et mesurons bien que cette question, c’est Dieu lui-même qui nous la pose ! Et quand il pose cette question, il nous faut entendre les sanglots qu’il a dans la voix parce qu’il sait, Lui, le prix que nous allons payer en nous éloignant de Lui pour devenir comme tout le monde. Pour nous laisser habiter par des rêves aussi insensés, aurions-nous oublié que Jésus a versé son sang pour nous, pour chacun d’entre nous ? Aurions-nous oublié qu’il a payé le prix fort pour que nous ayons la liberté de vivre en étant absolument uniques ? 

Seigneur viens-nous guérir de ces désirs inspirés par le Malin qui finissent par nous paralyser et si nous n’avons plus le courage de nous présenter devant toi, si nous sommes déjà trop paralysés pour venir implorer notre guérison donne-nous des frères et sœurs suffisamment énergiques et résolus qui seront capables de nous porter devant toi sur notre brancard et qui ne nous lâcherons pas tant que tu n’auras pas prononcé ces 2 paroles de libération qui nous redonneront vie : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » et « Je te le dis, lève-toi, prends ton brancard, et rentre dans ta maison. »

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