Faudra-t-il que le Seigneur te paie 12€ pour que tu lui accordes un peu de temps ?

C’est une homélie ancienne puisque je ne prêche pas en ce moment, mais comme certains regrettent ce silence, je la publie !

         J’ai reçu la semaine dernière cette délicieuse histoire que je résume. C’est l’histoire d’un enfant de 5 ans qui est déjà couché quand son papa rentre du travail. Le père va l’embrasser dans sa chambre et l’enfant en profite pour lui demander : « Papa, combien tu gagnes par heure ? » Le père est un peu fâché par cette question et explique à son fils que ça ne le regarde pas. Comme l’enfant insiste le père répond : 12 € de l’heure et il s’apprête à quitter la chambre quand l’enfant lui dit : « Papa, est-ce que tu peux me prêter 6 € ? » Le père est furieux de voir son fils autant intéressé par l’argent et quitte la chambre, très mécontent. Un moment plus tard, le père réfléchit et se dit : Peut-être qu’il avait vraiment besoin d’acheter quelque chose avec ces 6 €, d’ailleurs ce n’est pas dans ses habitudes de demander de l’argent. Il retourne donc dans la chambre et trouve son fils qui ne dort toujours pas. Le père s’excuse de sa réponse un peu dure et donne 6 € à son fils. C’est alors qu’il le voit sortir son porte-monnaie pour ranger l’argent et là, il constate que son fils a déjà 6 € dans son porte-monnaie. Son père se fâche à nouveau : « Pourquoi voulais-tu plus d’argent si tu en avais déjà ? » Et son fils lui répond : « Si je t’en ai demandé, c’est que je n’en avais pas assez ! Mais tu vois Papa, maintenant que j’ai 12 €, je voudrais t’acheter une heure de ton temps ? Je te les donne, mais s’il te plaît, arrive demain une heure avant à la maison. J’aimerais manger et parler avec toi. » Inutile de vous dire que le père a été profondément ému et qu’il a craqué devant une demande exprimée en ces termes.

         Ce père, j’imagine que s’il rentrait tard du travail, c’était pour permettre à sa famille de mieux vivre. Il avait accepté des responsabilités qui lui donnaient une charge de travail supérieure pour obtenir un salaire plus important et permettre ainsi à sa famille de mieux vivre. Oui, mais voilà tous les soirs, il était obligé de sacrifier l’urgent à l’essentiel. L’urgent, c’était les mails à envoyer, les dossiers à superviser et à signer et toutes ces urgences qui le mangeaient ne lui permettaient plus d’accorder assez de temps à l’essentiel : sa famille. Il a fallu ce coup de génie de son enfant pour qu’il en prenne conscience.

         Voyez-vous, je me demande si Jésus n’a pas raconté la parabole que nous venons d’entendre pour nous aider à réaliser que nous aussi, trop souvent, nous sacrifions l’essentiel sur l’autel de l’urgence. Vous avez remarqué qu’il y a plusieurs séries d’invitation à ces noces. Les premiers qui refusent, on ne sait pas pourquoi ils refusent peut-être qu’eux-mêmes ne le savent pas ! Dans la seconde vague, ils ont tous de bonnes raisons pour ne pas répondre : il y a un champ ou un commerce dont il faut s’occuper. C’est ce que je disais, ils gèrent les urgences, et du coup passent à côté de l’essentiel.

         Mais vous me direz, dans cette parabole, il y a quand même quelque chose qui ne colle pas. Parce qu’il faut être quand même un peu fou pour refuser de participer à un repas de mariage surtout quand ce mariage est un mariage princier. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, le texte nous dit au début que c’est un roi qui célèbre les noces de son fils. Je ne suis pas sûr qu’il y en ait beaucoup qui aient refusé les cartons d’invitation qu’on leur proposait pour participer au mariage de Charlène et d’Albert à Monaco ou de William et Kate en Angleterre. Alors OK, l’histoire que Jésus raconte, veut nous faire comprendre la folie de ceux qui sacrifient l’essentiel sur l’autel de l’urgence, mais cette histoire ne tient pas debout : jamais quelqu’un ne sera assez fou pour refuser de participer au repas des noces d’un prince. Oui, c’est ce qu’on a envie de dire, mais il faut voir si c’est aussi sûr que ça ! 

         Ne nous arrive-t-il pas de temps en temps, voire assez souvent pour certains, d’être de ceux qui refusent de participer à ce repas des noces princières ? Parce que, chaque dimanche, nous sommes invités à la messe. Or, la messe, on le redit à plusieurs occasions au cours de la prière eucharistique, c’est le repas de l’Alliance, c’est à dire le repas au cours duquel le Christ se lie à nous dans une Alliance d’amour aussi forte et passionnée qu’un mariage. Or, chaque dimanche, c’est la même chose, il y en a qui ont plein de bonnes excuses pour ne pas venir, il y a plus urgent. Ce ne sont pas forcément des champs dont il faut s’occuper, ou un commerce à faire tourner, mais il y a le sport, le bricolage, la grasse matinée, la télé. En ne venant pas à la messe, en donnant la priorité à d’autres préoccupations, ils sacrifient l’essentiel sur l’autel de l’urgence ou du moins sur l’autel de ce qu’ils considèrent comme plus urgent, plus agréable, plus nécessaire. 

         Mais dites-moi, ne croyez-vous pas qu’il devient vraiment essentiel que nous nous occupions de notre foi ? Il y a de plus en plus de gens qui sont déboussolés, qui ne savent plus pourquoi ils se lèvent le matin. Il y a de plus en plus de gens qui sont désemparés devant l’avenir qui nous est promis si l’argent continue à gouverner le monde. Il y a de plus en plus de gens qui sont perdus devant les comportements des jeunes. Bref, les défis qui se dressent devant nous sont chaque jour un peu plus redoutables, eh bien devant ces défis, certains pensent qu’il est plus urgent de profiter de la vie, de son lit, de transformer son corps en dieu qui réclame toujours plus de soins, d’améliorer le confort de sa maison. Ne croyez-vous pas qu’il devient vraiment essentiel que nous nous occupions de notre foi ? Ne croyez-vous pas qu’il devient vraiment essentiel que nous nous mettions tous à soigner notre cœur pour tisser à nouveau ces relations d’amour qui ouvriront un véritable avenir à tous les hommes, de toutes les sociétés et dans tous les temps ? Alors certains disent : mais moi, je n’ai pas besoin d’aller à la messe pour ça, j’ai toujours envie de leur dire : prétentieux ! Tu crois vraiment que tu as des réserves d’amour suffisantes en toi et que tu arriveras à trouver au fond de toi cet amour qu’il te faut distribuer sans limites ? 

         Je me demande si un de ces soirs, il ne va pas y avoir une visite générale de Dieu dans toutes les maisons des baptisés. J’imagine que l’histoire que je vous ai racontée au début va se reproduire, mais en inversant les rôles. C’est le Père céleste qui va nous dire : tiens, je t’ai préparé 12 € parce que demain j’aimerais manger et parler avec toi. Pensez-y la prochaine fois que vous n’aurez pas envie d’aller à la messe !

Cet article a 4 commentaires

  1. Adéline

    <3
    (c'est un petit coeur penché sur la droite)

  2. Wilhelm richard

    Voilà que je me réveille pour vous écrire : j’avais plein de choses pas urgentes à faire mais il fallait le faire tout de suite !!!
    Il est l’or mon Seigń´or pourrait résumer la situation mondiale actuelle où l’économie prend la premiere place au profit (je ne l’ai pas fait exprès) de l’homme et de son âme !

  3. Igor

    Merci infiniment père Roger.Soyez béni,tes homélies m’aident beaucoup.

  4. Franchellin Jean Marc

    « que servira t-il donc à l’homme de gagner le monde entier s’il ruine sa propre vie »?

Laisser un commentaire