14 juin : Fête du Saint Sacrement

Il y a des dimanches où les lectures tombent pile-poil … au moins l’une d’entre elles et ce dimanche, c’est le début de la 1° lecture qui a attiré mon attention. On a l’impression que le texte a été écrit, il y a quelques jours pour nous aider à faire le bilan de ce que nous venons de vivre, je vous relis ces quelques lignes en osant changer 2 ou 3 mots seulement : « Souviens-toi de ces longues semaines de confinement que tu as vécues et qui ont été comme un désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposé pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté pour te faire sentir la faim. » C’est saisissant d’entendre cela, non ? D’accord, j’ai changé quelques mots, mais pas tant que ça et je n’ai fait qu’actualiser sans dénaturer le message.

Il me faut tout de suite faire une remarque préalable parce qu’il y a quelques mots qui pourraient être très mal interprétés. Le Seigneur ton Dieu t’a imposé tout cela pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur. Il est évident que ce n’est jamais Dieu qui envoie des épreuves. La Bible a été écrite il y a, environ, 3000 ans, elle a été écrite par des hommes qui avaient une certaine conception de Dieu, de l’histoire. Dieu a envoyé des prophètes qui, en son nom, corrigeaient tout ce qui était à corriger dans cette conception et finalement, il a envoyé Jésus qui nous a révélé que Dieu est Amour ou, comme j’aime le dire, à la suite d’un jésuite, Dieu n’est qu’amour. Si Dieu est Père, un Père qui n’est qu’amour, il ne peut pas envoyer des épreuves.

En commentant la nouvelle traduction du Notre Père qui a fort heureusement fait disparaitre une formulation ambigüe qui laissait entendre que Dieu pouvait être à l’origine des tentations qui nous conduisent au mal, le pape François a affirmé avec force : « Dieu n’est pas aux aguets pour tendre des pièges et des guet-apens à ses enfants. Un père ne tend pas des pièges à ses enfants. Les chrétiens n’ont pas affaire avec un Dieu envieux, en compétition avec l’homme, ou qui s’amuse à le mettre à l’épreuve. Ce sont là les images de nombreuses divinités païennes. Par contre, comme l’enseigne Jésus, quand le mal se présente dans la vie de l’homme, il combat à ses côtés, pour qu’il puisse en être libéré. Notre Dieu est un Père qui combat toujours pour nous, non contre nous. » Donc, Dieu n’est en rien responsable de cette pandémie, comme on a pu l’entendre ou le lire. Mais on l’avait déjà entendu à propos du SIDA qui aurait été une punition de Dieu contre les comportements déviants. Non, ça ce n’est pas le Dieu des chrétiens comme l’a affirmé le pape dans les paroles que je viens de vous lire.

Par contre, comme Dieu est un Père plein d’Amour et qu’il nous accompagne dans les épreuves que nous vivons, il va, en toutes circonstances, chercher à nous aider à tirer les bonnes leçons de ce que nous vivons, y compris des épreuves dont il n’est pas responsable. Ceci étant dit, je crois que nous pouvons réentendre plus sereinement les paroles de la 1° lecture : « Souviens-toi de ces longues semaines de confinement que tu as vécues et qui ont été comme un désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposé pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté pour te faire sentir la faim. » C’est vrai que ce temps de confinement nous a fait passer par une vraie pauvreté, on pourrait en donner de nombreux signes, je veux en évoquer trois qui me permettront de faire le lien avec cette fête du Saint-Sacrement que nous célébrons aujourd’hui.

La 1° pauvreté que nous avons tous douloureusement expérimentée et qui a fait naître une très grande faim, c’est la pauvreté relationnelle et nous n’en sommes pas encore totalement sortis. Quelle privation douloureuse pour les petits-enfants de ne plus pouvoir serrer dans leurs bras leurs grands-parents et réciproquement. Quelle privation douloureuse de ne plus pouvoir visiter les personnes en Epad. Quelle privation douloureuse de ne plus pouvoir se retrouver entre amis pour prendre l’apéro, pratiquer un sport ensemble. Alors bien sûr, il y a eu les rencontres par skype, que ce soit au niveau professionnel ou familial ou amical. Mais un apéro-skype, ce n’est quand même pas pareil ! Grâce à cette épreuve, nous avons sans doute réalisé que notre trésor le plus précieux, ce sont nos relations et pas des relations virtuelles. Avoir 5000 amis sur Facebook, c’est une chose, serrer dans ses bras ceux qu’on aime ou les rencontrer en présentiel, comme on dit aujourd’hui, c’est tout autre chose.

La 2° pauvreté que nous avons tous douloureusement expérimentée et qui a fait naître une très grande faim, c’est la découverte de notre fragilité, de notre vulnérabilité. Et encore, nous étions dans une région privilégiée, nous n’avons pas connu les drames vécus en Alsace ou dans l’Oise. Mais, surtout, au début de la pandémie, chacun pouvait légitimement se demander si lui ou les siens seraient encore vivants la semaine suivante. Cette vulnérabilité s’est imposée à nous alors que nous ne voulions plus la voir dans notre société qui mettait un argent fou dans la recherche la plus performante et qui s’est retrouvée en si grand danger faute de masques, de simples masques ! Inévitablement nous devons nous interroger sur nos priorités.

Enfin, la 3° pauvreté, elle nous concerne plus, nous les croyants car ça a été vrai pour toutes les religions, c’était l’impossibilité de nous retrouver pour prier ensemble et, pour nous chrétiens, de recevoir le Corps du Christ. En bien des lieux, l’Eglise a su faire preuve d’une inventivité exceptionnelle. Mais chacun a pu comprendre sans qu’il soit nécessaire de développer de grands discours théologiques qu’une messe par internet, même si elle est célébrée par le pape lui-même ne remplace pas une assemblée de chrétiens en vrai, même si cette assemblée est modeste. Les chrétiens forment un Corps et la foi, ce n’est pas seulement chaque membre en relation individuelle avec son Dieu. Nous avons besoin de faire corps, donc de nous retrouver.

« Souviens-toi de ces longues semaines de confinement que tu as vécues et qui ont été comme un désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposé pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté pour te faire sentir la faim. » Ces 3 pauvretés que je viens de développer et toutes celles que vous auriez pu rajouter nous ont fait sentir la faim. En cette fête du Saint Sacrement, entendons Jésus qui se présente à nous comme le Pain de Vie, celui qui vient répondre à nos aspirations les plus profondes, celui qui vient étancher notre soif, apaiser notre faim, visiter toutes ces pauvretés. Est-ce que la faim que nous avons expérimentée va nous tourner vers Lui ? Est-ce que nous allons nous décider à construire ce fameux monde d’après avec Lui, en le prenant comme guide ? L’enjeu est grand, très grand, le pape a osé dire : « Vous savez que d’une crise comme celle-ci on ne sort pas pareil, comme avant : on en sort meilleurs ou pires. » Il n’y aura pas de voie moyenne comme nous les aimons tant parce qu’elles nous permettent de ne pas nous engager vraiment ! Non, nous sortirons meilleurs ou pires … c’est à nous de choisir ! Comme nous connaissons notre inconstance, nous savons que nous avons bien besoin de la force du Seigneur, pour que nous devenions tous meilleurs et le monde avec nous.

Cette publication a un commentaire

  1. Willem richard

    Le Saint Sacrement, est-ce une faim en soi ?
    La pandémie, est-ce aussi une faim en soi ?
    Quant à la vraie pauvreté, celle-ci est peut-être une vraie richesse pour nous faire renaître et nous faire revivre en plénitude : souvent nous parlons de crise salutaire.

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