Je ne sais pas si vous avez déjà vu des vidéos montrant des haltérophiles soulevant des poids énormes, c’est assez surprenant de voir ce qu’un homme est capable de soulever ! Eh bien, avant de soulever, on les voit ajuster la ceinture qu’ils portent pour ne pas se casser le dos, ils la resserrent d’un ou deux crans et ils y vont … et souvent ils y arrivent ! Vous avez entendu ce que Dieu disait à Jérémie dans la 1° lecture : « Toi, mets ta ceinture autour des reins et lève-toi, je fais de toi un prophète pour les nations. » « Mets ta ceinture autour des reins », quand j’ai lu cette phrase, j’ai tout de suite pensé aux images d’haltérophiles et je me suis dit que le pauvre Jérémie, si Dieu lui donnait ce conseil qui est même plus qu’un conseil, c’est qu’il allait en porter lourd dans son ministère de prophète ! Et, de fait, quand on lit la suite, on voit bien que le programme qu’annonce le Seigneur n’est pas particulièrement réjouissant : « Tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux. »
Bon, eh bien, merci Seigneur de m’avoir appelé ! Ce qui était vrai au temps de Jérémie sera encore vrai au temps de Jésus, nous l’avons entendu dans l’Evangile qui fait suite à celui de dimanche dernier et qui nous parle de l’adversité à laquelle Jésus aura à faire face, dès le début de son ministère et jusqu’au bout de son ministère. Et, bien sûr, rien n’a changé, ceux qui, aujourd’hui, sont appelés par le Seigneur ont, eux aussi, à vivre des épreuves. Heureusement, il n’y a pas que des épreuves, mais à un moment ou à un autre, il y a des épreuves à traverser, des épreuves directement liées à la mission reçue ou des épreuves venues de nulle part, sans raisons apparentes. Comment ne pas penser à cette immense épreuve que traversent Anne-Dauphine Julliand et Loïc, son époux, ainsi que le dernier enfant qui leur reste. Après avoir perdu successivement leurs deux filles, Thaïs et Azylis, mortes d’une maladie orpheline, c’est leur fils Gaspard qui est décédé si tragiquement. Ils étaient rayonnants et Anne-Dauphine témoignait de manière si extraordinaire et avec une grande foi après le décès de leurs deux filles, pourquoi ce nouveau drame ?
Il n’y a évidemment pas de réponse, c’est un grand mystère. Mais du coup, ça devient aussi un véritable scandale, au sens biblique du mot. Dans la Bible, le scandale, c’est ce qui fait trébucher sur le chemin de la foi. Pourquoi ces épreuves, alors qu’on répond généreusement à l’appel du Seigneur ? On imaginait plutôt qu’un tapis rouge serait déroulé devant nous, un tapis rouge qui nous accompagnerait tout au long de notre vie jusqu’au paradis. Ne serait-il pas normal que le Seigneur bénisse celles et ceux qui lui donnent généreusement leur vie ? Je précise bien que lorsque je parle de répondre à l’appel du Seigneur, je ne parle pas seulement des ministres ordonnés ou des consacrés que nous fêterons mercredi. Quand je parle de répondre à l’appel du Seigneur je parle bien de tout baptisé. L’évocation d’Anne-Dauphine Julliand le montre bien. Sans doute les épreuves ne sont-elles pas les mêmes selon nos états de vie et les âges de la vie que nous traversons, mais une vie sans épreuve, ça n’existe pas : épreuves dues à la santé, au travail, aux enfants qui galèrent ou qui font les 400 coups, épreuves affectives, épreuves de la traversée d’une nuit de la foi, épreuves de se sentir incompris … que chacun rajoute les siennes à cette liste déjà longue mais qui pourrait s’allonger pas mal encore !
Quand nous galérons et que nous repensons à ce que, par ailleurs, nous pouvons faire pour le Seigneur, pour son Eglise, pour notre famille, notre communauté, nous avons envie de reprendre la fameuse réplique de Thérèse d’Avila : « Seigneur, si c’est ainsi que vous traitez vos amis, ne vous étonnez pas de ne pas en avoir plus ! » Et, dans ces moments-là, nous avons bien l’impression que le Seigneur est loin. J’aime bien cette anecdote concernant mon cher curé d’Ars qui a traversé, lui aussi, des moments difficiles et qui faisait l’expérience que c’était dans ces moments difficiles que le Seigneur semblait le moins répondre. Il était donc en oraison dans son église et à la fin de ce temps d’oraison d’une sécheresse épouvantable, il se lève, regarde le crucifix en face et dit : « En tout cas, moi, Seigneur, j’étais là ! » Cette affirmation ironique était une question : et toi, tu étais où ? Pourquoi ne réponds-tu pas ? Oui, c’est vrai, c’est ce que nous ressentons souvent dans ces moments d’épreuve.
Dans ces moments-là, la seule chose qui peut nous faire tenir, c’est de nous appuyer sur la promesse que le Seigneur faisait à Jérémie et que nous avons entendue à la fin de la lecture : « Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer. » « Je suis avec toi, ils ne pourront rien contre toi ! »Quand on entend ça, on a quand même envie de dire : « Ils ne pourront rien », il faut voir parce qu’il y en a quand même un certain nombre qui ont laissé leur peau ! » Oui, c’est vrai elle est longue la liste des martyrs, les martyrs de sang qui ont donné leur vie en une fois et les martyrs de l’amour qui la donnent goute d’amour après goute d’amour. Oui, mais justement, comment ont-ils eu la force de rester fidèles et aimants jusqu’au bout alors qu’ils n’avaient pas tous une étoffe de héros ? La réponse est simple : parce que le Seigneur était avec eux.
Ceux qui sont en moment aux prises avec des épreuves difficiles pourraient légitimement se demander : Mais est-ce que ce ne sont pas des belles paroles tout ça ? Quand, moi-même, je suis confronté à de grosses difficultés, j’aime me rappeler cette vidéo que j’avais vue il y a déjà pas mal de temps et qui m’avait tirer les larmes des yeux. Vous avez peut-être entendu parler de cette course si éprouvante qu’on appelle l’ironman, c’est un triathlon de l’extrême puisqu’il propose un enchainement de 3,8 km de natation, 42 km de course à pieds et 180 km en vélo. Un jour, un père a décidé de faire vivre cette expérience extraordinaire à son fils lourdement handicapé, un film a d’ailleurs été tourné sur ce sujet. Ce n’est pas fréquent dans une homélie, mais j’aimerais vous montrer quelques images, non pas du film, mais de la fameuse course elle-même. Ces images parleront encore plus que mes paroles. Je resterai à mon siège, même si je ne vois rien, mais je l’ai déjà vu et revu et, comme je veux redire un mot après le film, je préfère retenir mes émotions !
Je fais juste deux remarques :
1/ Ce fils, la plupart du temps, il ne voyait pas les efforts de son père car le père était derrière sauf pour la natation. Ainsi en va-t-il pour nous quand nous sommes en galère, nous ne voyons pas la présence du Seigneur parce qu’il est derrière. Mais si nous pouvons encore avancer, c’est clair que c’est parce qu’il pousse !
2/ A l’arrivée, le père plein de délicatesse a laissé son fils lever les bras en premier pour célébrer la victoire. Ils ne sont évidemment pas arrivés premiers, mais ils sont allés au bout. Dans les derniers mètres, le père aurait pu pousser le fauteuil d’un bon coup pour pouvoir aussi lever les bras. Il ne l’a pas fait, il a voulu qu’on reconnaisse que c’était d’abord la victoire de son fils. Ainsi en va-t-il avec Dieu qui, jamais ne nous volera nos victoires, même si c’est à lui que nous les devons.
A chaque fois que vous traverserez une épreuve, regardez cette vidéo qu’on retrouve facilement ou au moins repensez à cette vidéo et mettez-vous, en pensée dans le fauteuil à la place du jeune. Fermez les yeux et essayez d’imaginer tout ce que votre Père du ciel est en train de déployer comme énergie pour vous emmener jusqu’à la victoire. Alors vous pourrez goûter à la vérité de cette promesse qu’il faisait à Jérémie et qu’il ne cesse de nous faire : « Je suis avec toi, ils ne pourront rien contre toi ! » Y aurait-il plus beau commentaire de l’hymne à l’amour entendu dans la 2° lecture que cette vidéo qui nous dit l’amour infini du Père pour chacun d’entre nous, amour dont il décuple la puissance quand nous sommes en galère.
Références vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=HuoooUrtnfI
Puisque dans mon homélie, j’évoque aussi le drame que vivent Anne-Dauphine Julliand et son mari, je vous donne un lien pour que vous puissiez lire et écouter ce qu’ils ont dit aux funérailles de leur fils et écouter l’homélie si exceptionnelle du prêtre qui les accompagnait.
Merci bcp père Roger. Soyez bénis