16 décembre : Il vient pour toi … si tu reconnais que tu fais partie des aveugles, boiteux, lépreux, sourds et tellement pauvres !

Depuis un certain temps, j’avais l’habitude de donner un commentaire plutôt long sur la 1° lecture et juste quelques mots concernant l’Evangile, aujourd’hui, je vais inverser en donnant la priorité à l’Evangile. Nous sommes à 8 jours de Noël, donc les textes vont commencer à concentrer notre regard, notre réflexion sur le grand mystère que nous nous apprêtons à célébrer. Et pour que cette célébration puisse vraiment nous combler, il est nécessaire d’évacuer un certain nombre de fausses attentes. Parce que, de tout temps, les hommes ont attendu de Dieu ce qu’il ne pouvait, ni ne voulait donner. Ce qui a créé, comme je le disais dimanche, des malentendus terribles qui ont éloigné certaines personnes de la foi : puisque Dieu ne répond pas à mes attentes, à mes désirs, à quoi bon m’encombrer d’une foi qui ne me sert à rien ! C’est le raisonnement que font ceux qui sont déçus. Alors, il faut sans cesse repréciser qui est Dieu et ce qu’il veut et peut donner aux hommes.

Jean-Baptiste, dans sa prison, est plongé dans un grand questionnement. Parce que, lui aussi, comme beaucoup, il avait dû rêver. Jean-Baptiste, c’était un homme droit, très exigeant avec lui-même, la manière dont il était habillé et la composition de ses repas le prouve s’il en était besoin. Du coup, comme souvent pour les gens très exigeants avec eux-mêmes, il ne supporte pas la médiocrité chez les autres. Sur les rives du Jourdain, il accueillait, pour les baptiser, tous ceux qui avaient été touchés par sa prédication. Cette prédication, nous en avons quelques échos, elle appelait à mener une vie débarrassée de tout compromis. Les gens étaient touchés, d’autant plus qu’il n’hésitait pas à parler de la colère de Dieu qui pourrait s’abattre sur les récalcitrants. Alors, ils demandaient le Baptême, geste symbolique par lequel, ils manifestaient leur désir de noyer leur vie ancienne avec ses péchés pour pouvoir, en étant purifiés, repartir et mener une vie droite qui soit totalement en accord avec la loi du Seigneur.

Oui, mais voilà, ceux qui étaient venus le voir et qui avaient fait cette belle démarche et pris ces beaux engagements, au bout de quelques jours, ils étaient vite repris par les mauvaises habitudes. Ils faisaient sûrement la douloureuse expérience de leur pauvreté fondamentale. Oui, c’est sûr, ils étaient attirés par la prédication de Jean-Baptiste, mais comme je l’ai déjà dit, le drame, c’est que, Jean-Baptiste, s’il montrait parfaitement ce qu’il fallait faire, il ne pouvait pas donner la force de l’accomplir. Alors, peut-être que pas mal de gens qui étaient venus le voir, se retrouvaient déçus en constatant qu’ils restaient empêtrés dans leur médiocrité. Et Jean-Baptiste lui-même devait être pas mal déçu de voir que tous ses efforts donnaient bien peu de résultats, en tout cas, pas les résultats escomptés. Il pensait que, grâce à sa prédication, la société changerait considérablement et que, peu à peu, tout le monde en viendrait à mener une vie aussi radicale que lui, loin des tentations pour ne plus retomber dedans.

C’est sûrement l’écho de cette déception que nous entendons dans l’Evangile d’aujourd’hui, avec la question qu’il envoie poser à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Parce que, Jean-Baptiste avait mis beaucoup d’espérance en Jésus qui était venu à lui. Il savait que, lui, Jean-Baptiste, avec sa prédication virulente et son baptême de purification, il ne pouvait que montrer ce qu’il fallait faire, mais qu’il ne pouvait pas donner la force de l’accomplir. Et il avait compris que Jésus était bien plus puissant que lui, c’est pourquoi il dira tout de suite où se situe la grande différence entre eux. Jésus baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu, c’est-à-dire qu’il ne se contentera pas de dire ce qu’il faut faire, en donnant l’Esprit-Saint, il donnera aussi la force de l’accomplir et ça change tout.

Du coup, Jean-Baptiste espérait que Jésus allait reprendre les grands thèmes de sa prédication et que, donnant la force d’accomplir ce qu’il disait, la société allait très vite changer. Ce qu’il n’avait pas réussi à faire, il était sûr que Jésus parviendrait à le réaliser et qu’il verrait, avant de mourir, cette société nouvelle dont il rêvait. Or, il est en prison, il comprend que sa fin est proche et les échos qui lui parviennent de ce que fait Jésus et des résultats qu’il obtient sont assez décevants pour lui. Il va mourir et il n’aura rien vu alors que le Messie est là. On comprend son inquiétude et sûrement sa déception : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

Vous aurez remarqué qu’à cette question, Jésus ne répond pas par une longue discussion. Sous les yeux des envoyés de Jean, l’Evangile nous dit que Jésus va « guérir beaucoup de gens de leurs maladies, de leurs infirmités et des esprits mauvais dont ils étaient affligés, et à beaucoup d’aveugles, il va donner la vue. » Jésus n’est pas venu pour changer la société, il ne sera pas le Messie politique que bien des gens attendaient et sans doute, Jean-Baptiste en faisait-il partie. Cette attente n’était pas mauvaise en soi, ces gens-là espéraient que, grâce à la prédication du Messie, les gens seraient désireux de retrouver une pratique plus radicale de la loi et pour cela qu’ils élimineraient tout ce qui les empêchait de vivre cette radicalité de la Loi. Or, l’un des obstacles, dans le moment, était la présence des romains qui occupaient le pays. Ces païens dominants et pécheurs, il fallait les éliminer. Pour eux, c’était clair, que le Messie devait le faire. Et certains s’en réjouissaient car, ainsi, Israël retrouverait sa splendeur perdue.

Mais Jésus n’a pas voulu de cette mission politique qui consistait à éliminer les gêneurs qu’il s’agisse des occupants ou de ceux qui avaient une vie déviante. Jésus n’est pas venu pour éliminer, il est venu pour sauver les pécheurs, pour redonner à chaque être humain sa dignité, parce que chaque être humain est un enfant de Dieu. C’est donc avec les pécheurs qu’il passe tout son temps et il ne leur dit pas : je vous pardonne une fois, mais si vous recommencez, ce n’est plus la peine de venir me voir ! C’est aussi avec tous les malades, les méprisés, les exclus qu’il passe son temps pour leur redonner cette dignité que personne ne leur reconnait. Voilà ce que Jésus fait devant les envoyés de Jean-Baptiste. Et ce qu’il fait, il l’accompagne d’une parole : « les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. » Si Jésus cite cette parole, c’est parce qu’il veut montrer qu’il accomplit bien ce qui était annoncé de l’action du Messie dans le prophète Isaïe (35,5). 

Jean-Baptiste connaissait les Ecritures, quand ses envoyés reviendront vers lui et lui rapporteront tout ce que Jésus a dit, nul doute qu’il aura compris qu’il fallait qu’il renonce à certains de ses rêves et qu’il entre dans les vues de Dieu. Tout cela a sûrement été une épreuve pour Jean-Baptiste, ce n’est jamais facile de renoncer à ses rêves. Ce n’est jamais facile de réaliser qu’on était en train de se servir de Dieu pour mieux faire passer ses propres idées, ses propres projets. Mais cette purification, nous devons régulièrement la vivre nous aussi car il peut nous arriver, à nous aussi, de rêver d’un Dieu qui réponde parfaitement à l’idée que je me fais de lui, de rêver d’un Dieu qui agisse comme je rêve qu’il agisse pour moi et pour les autres.

En tout cas, heureusement que Dieu est comme il est et non pas tel que je le rêve ! Heureusement que Jésus a bien accompli la mission telle que Dieu lui a confié et non pas telle que les hommes la rêvaient parce que moi je n’ai pas de mal à me reconnaître comme faisant partie des aveugles, des boiteux, des lépreux des sourds, des pauvres et je me réjouis donc de savoir que Jésus est venu pour moi et pour tous ceux qui sont assez humbles pour se reconnaitre aussi aveugles, boiteux, lépreux, sourds et tellement pauvres. Que cette retraite nous aide à le reconnaître, alors nous aurons la joie d’accueillir Jésus puisqu’il vient pour nous !

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