15 juin : mercredi 11° semaine ordinaire. Demander une double part d’Esprit pour agir avec une intention droite !

C’est un très beau texte que celui que nous avons entendu en 1° lecture, cette passation non pas de pouvoir, mais de mission entre Elisée et Elie. Je ne peux pas le commenter car j’ai choisi de m’arrêter sur l’Evangile. Mais je souligne juste cette belle demande d’Elisée : « Que je reçoive une double part de l’esprit que tu as reçu ! » Personnellement, c’est une demande que j’ai souvent faite quand j’accompagnais un être cher qui m’avait beaucoup apporté, je demandais au Seigneur de recevoir une double part de son esprit. Et j’aime l’audace de cette demande, Elisée ne demande pas l’une ou l’autre qualité d’Elie, il ne demande pas une part de l’Esprit qui reposait sur Elie, mais une double part ! N’ayons pas peur d’être audacieux dans nos demandes !

Venons-en au texte d’Evangile que nous venons d’entendre, nous le connaissons très bien puisque nous le lisons chaque année le mercredi des Cendres. Si nous le réentendons aujourd’hui, c’est simplement parce que nous avons commencé une lecture continue du sermon sur la montagne dans l’évangile de Matthieu et que ce texte fait partie de ce sermon prononcé par Jésus à la suite de la proclamation des Béatitudes. Je ne vais donc pas commenter l’invitation à l’aumône, à la prière et au jeûne comme dimension constitutive de la vie chrétienne puisque nous le faisons chaque mercredi des Cendres. Je voudrais plutôt m’arrêter sur l’introduction, sur le verset qui permet à Jésus de faire une mise en garde salutaire : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. »

Il nous arrive parfois de nous dédouaner quand nous ne réussissons pas quelque chose en disant : oh, ce n’est pas si grave, c’est l’intention qui compte ! Ce n’est pas toujours juste de raisonner ainsi. L’importance de l’intention ne dispense pas de chercher à atteindre nos objectifs ! Si je veux faire du bien à quelqu’un et que je ne le fais pas ou que je le fais mal, je ne peux pas m’en sortir en disant : c’est l’intention qui compte … j’avais une bonne intention, la réalisation n’est pas géniale, mais, comme c’est l’intention qui compte, ce n’est pas si grave que ça ! Non, ce raisonnement ne tient pas !

Pourtant, on a raison de dire que c’est l’intention qui compte, mais à condition de bien comprendre ce que ça veut dire. Et, Jésus, dans cet évangile nous permet de le comprendre. Il va nous mettre en garde contre une manière de pécher qui peut nous sembler étonnante, car je peux aussi gravement pécher en faisant le bien. Habituellement, on associe le péché au mal, mais, là, Jésus va nous montrer qu’on peut aussi pécher en faisant le bien. Pratiquer l’aumône ou le partage, la prière, le jeûne ou la maitrise de soi, voilà des choses qui sont extrêmement bonnes, constitutives de la vie chrétienne, mais l’intention avec lesquelles je les pratique peut tout gâter, peut tout pervertir. Certes, le bien que j’ai fait à mon prochain restera un bien profitable pour lui, mais pour moi, si l’intention n’était pas droite, il n’a aucune retombée positive, il peut même devenir source de péché.

En effet c’est bien un grave péché d’orgueil, de vanité que d’agir d’abord en espérant être vu et, ainsi, pouvoir recueillir des compliments de la part de ceux en faveur de qui nous agissons ou de la part de ceux qui nous voient agir. C’est un grave péché d’égoïsme que de faire du bien à une personne en espérant un retour sur investissement ! Voilà pourquoi Jésus nous demande, à chaque fois que c’est possible, de faire le bien dans le secret pour n’être vu que de Dieu. 

Mais, même là, il peut y avoir encore un péché qui se cache car je peux aussi chercher à briller aux yeux de Dieu ou chercher à me constituer un placement pour l’avenir. C’est ce que me disait un jour une grand-mère que je félicitais pour son attitude si bienveillante à l’égard d’une voisine très difficile, elle m’a répondu malicieusement, en montrant le ciel avec son doigt : c’est un placement pour l’avenir ! Agir ainsi, c’est un péché grave car c’est une négation de la miséricorde inconditionnelle du Seigneur. Le Seigneur ne nous accordera pas le ciel en récompense de nos bonnes œuvres de même qu’il ne nous le refusera pas à cause de nos péchés. 

Le petit refrain qui revient sans cesse dans la bouche de Jésus : « ton Père qui voit dans le secret te le rendra », ce petit refrain, il faut donc bien le comprendre. En faisant ces bonnes actions, je n’accumule pas un capital qui me permettra d’avoir droit au ciel, ce n’est pas ainsi que le Père du ciel me rendra mes bonnes actions. Le ciel, encore une fois, il est un don inconditionnel de l’amour du Père et Jésus a donné sa vie pour qu’il soit ouvert à tous. D’ailleurs le premier qui a reçu la promesse solennelle d’y entrer fut une crapule, on l’appelle le bon larron, mais il n’est devenu bon que dans les derniers instants de sa vie, il était d’abord une crapule ! Le ciel est un don de l’amour inconditionnel et Jésus a versé son sang pour que tout homme puisse y être accueilli. Non pas qu’il aurait fallu que Jésus attendrisse le Père par le don de sa vie, mais il fallait qu’il arrache les âmes qui s’étaient laisser piéger par le Malin et pour être victorieux dans ce combat, il a accepté de verser jusqu’à la dernière goute de son sang. « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra », cette promesse de Jésus est donc plutôt à entendre comme la promesse d’une joie que nul ne pourra nous ravir. Celui qui agit dans la gratuité du don, celui-là connaîtra une joie que rien, ni personne ne pourra lui enlever.

Par contre, dès que j’agis pour en retirer des bienfaits, quels qu’ils soient, le ver est déjà dans le fruit. Vous voyez que cette petite maxime, souvent mal utilisée, « c’est l’intention qui compte » nous invite à faire un examen de conscience approfondi en ne nous attachant pas seulement à demander la lucidité sur le mal que nous accomplissons, mais aussi sur le bien que nous pouvons faire avec une intention plus ou moins tordue. Evidemment, agir dans une gratuité pure, ce n’est pas naturellement à notre portée et c’est bien pour cela que nous venons à la messe, nous avons besoin de nous laisser envahir par l’amour du Seigneur qui, Lui, agit et aime dans la gratuité absolue de manière permanente. Qu’il nous envahisse et purifie toutes nos intentions pour que, non seulement nous fassions le bien, mais que nous le fassions avec une intention droite. Avec, en plus, une double part d’Esprit-Saint, ça devrait bien être possible !

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