29 novembre : mardi 1° semaine de l’Avent. Pour entrer dans une meilleure intelligence du livre d’Isaïe.

Le père Gilles Drouin l’a bien souligné le week-end dernier, le livre biblique qui accompagne le temps de l’Avent, c’est le livre d’Isaïe parce que c’est le livre biblique dans lequel il y a le plus de promesses. Or le temps de l’Avent nous fait précisément méditer sur l’accomplissement de la grande promesse de Dieu qui répond au très grand désir des hommes. Ce désir, il a été exprimé par un cri de supplication qu’on retrouve si bien exprimé dans le livre d’Isaïe : « Ah ! Seigneur, si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! » Is 64,1

Puisque ce livre va nous accompagner pendant un mois, il n’est sans doute pas inutile de s’arrêter quelques instants sur sa structure et le contexte historique de l’époque. Peut-être un mot d’abord sur le nom d’Isaïe, qui se dit, en hébreu, Yesha’Yah. Si je vous donne le mot hébreu, ce n’est pas pour faire savant, de toutes façons, je ne connais pas l’hébreu, mais c’est parce que vous reconnaissez, à la prononciation que ce nom est assez proche du nom de Jésus, Yehoshua ; de fait, Yesha’Yah et Yehoshua, c’est très proche. Le nom d’Isaïe, on peut donc le traduire par : « le Seigneur est le Salut. » Et c’est bien vrai, le livre d’Isaïe va nous montrer comment le Seigneur sauve et surtout, ce que le Seigneur est capable de faire pour déployer le Salut qu’il veut offrir aux hommes qui se tourneront vers Lui.

Avant de dire un mot sur le contexte historique, je dis un mot sur la structure du livre. Vous savez sans doute qu’il y a 3 parties dans le livre qui correspondent à 3 époques différentes et donc à 3 auteurs différents dont les textes ont été regroupés sous le patronage d’Isaïe. Si vous lisez les commentaires des exégètes, ils parlent du second Isaïe et du troisième Isaïe. C’était un procédé assez courant à l’époque de regrouper sous un même patronyme des textes venant d’auteurs différents mais qui étaient unifiés par une même pensée. A l’époque, les auteurs étaient plus libres et sans doute moins marqués par l’individualisme qu’aujourd’hui, peu soucieux de faire respecter le droit de propriété de leurs écrits ! Le message était plus important que l’auteur qui s’effaçait volontiers en tant que personne. Et comme, il tenait à son message plus qu’à sa notoriété, il rattachait ses écrits à un auteur indiscutable qui représentait bien le courant de pensée dans lequel il s’inscrivait. Il y a donc 3 parties dans le livre.

  • La 1° partie du livre, c’est la partie que nous lisons actuellement, ce sont les chapitres 1 à 39, je vais y revenir plus en détail, mais je survole d’abord les deux autres parties. 
  • La 2° partie, ce sont les chapitres 40 à 55, cette 2° partie, on l’appelle souvent le livre de la Consolation d’Israël parce qu’elle commence justement par ces mots : consolez, consolez mon peuple ! Dans la semaine sainte, nous lisons un certain nombre de passages de cette 2° partie qu’on appellent les poèmes du Serviteur Souffrant. 
  • Et la 3° partie, ce sont les chapitres 55 à 66. Je ne détaille pas, ça nous suffit pour le moment !

Revenons sur la 1° partie puisque ce sont des textes de cette partie que nous lisons en ce moment, des textes qui contiennent ces magnifiques promesses. Au début de cette partie, il y a une dizaine de chapitres que nous lirons plus tard, dans la proximité de Noël même si nous en avons eu un avant-goût avec le texte d’aujourd’hui, ces chapitres forment ce qu’on appelle le livret de l’Emmanuel. Ils annoncent comment Dieu va sauver son peuple, ils nous font entrevoir sa stratégie, Dieu va sauver en venant au milieu de son peuple, en se faisant l’Emmanuel, Dieu avec nous. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans quelques semaines, à l’approche de Noël.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur le contexte historique de la première partie du livre, celle que nous lisons actuellement. Le 1° nous donne un indice précieux de datation, nous sommes au temps d’Ozias, de Yotam, d’Acaz et d’Ézékias, rois de Juda. Ce qui signifie qu’Isaïe exercera son ministère de prophète des années 740 à 700. C’est une période compliquée, même si en apparence, le royaume de Jérusalem semble prospère. Un peu d’histoire pour comprendre ce qui se passe. Israël, vous le savez est un tout petit pays et un petit pays qui n’a pas su garder l’unité que, vers l’an 1000, le Roi David lui avait donné en unifiant les 12 tribus dans un seul Royaume. L’unité lui avait donné une certaine force, la division va forcément l’affaiblir.

Dans l’histoire d’Israël, vers 930, il y aura ce qu’on nomme le schisme, la partition du pays en deux petits royaumes, le Royaume du Nord avec Samarie comme capitale et, c’est lui, qui, dans la Bible, est appelé Israël ou encore Ephraïm. Et le Royaume du Sud avec Jérusalem comme capitale et qui, dans la Bible est aussi appelé Royaume de Juda. Affaibli par cette partition, le pays se retrouve coincé entre deux grandes puissances : au Sud l’Egypte qui, c’est vrai, est en train de perdre peu à peu de son prestige et de sa force au bénéfice de la grande puissance du Nord, l’Assyrie. Ce qu’on pourrait appeler la politique étrangère de ces deux royaumes va varier au cours du temps, mais ils seront rarement en phase. Quand l’un cherche à combattre l’Assyrie, l’autre cherche à s’en attirer les bonnes grâces ! Ces manœuvres aboutiront à la disparition du Royaume du Nord qui se fera avaler par l’Assyrie et disparaitra vers 720. A Jérusalem, pendant ce temps-là, comme je le disais, on vit dans une certaine tranquillité, sûr que ce qui est arrivé au Royaume du Nord ne pourra pas nous arriver. C’est contre cette tranquillité que va prêcher Isaïe parce qu’elle est en train d’anesthésier le peuple et ses dirigeants qui vivent dans un certain luxe et aussi un certain laxisme par rapport à la Loi. Isaïe rappellera qu’il n’y a que la fidélité au Seigneur qui pourra mettre le Royaume à l’abri des problèmes. Nous connaissons bien cet avertissement formulé de manière si percutante que Dieu va lancer : Si vous ne tenez à moi, vous ne tiendrez pas ! Is 7,9

Ainsi donc, toutes les promesses du livre sont comme conditionnées par ce choix fondamental. Tout cela ne pourra arriver que si le peuple et ses dirigeants s’engagent sur la voie de la fidélité au Seigneur. Alors le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, etc … D’ailleurs vous avez remarqué que tout cela est au futur, comme pour bien souligner que ça n’adviendra que comme conséquence d’une fidélité renouvelée au Seigneur. Pour le moment, il faut rester sur ses gardes car le loup assyrien se lèche déjà les babines à l’idée de faire subir à l’agneau Jérusalem ce qu’il a fait subir à l’agneau Samarie ! Pour soutenir la fidélité de son peuple, Dieu fait entrevoir à Isaïe son projet de se faire encore plus proche en envoyant Celui qui sera issu de la souche de Jessé et sur qui reposera l’Esprit, Esprit de sagesse et de discernement, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte du Seigneur. Celui qui ne jugera pas sur l’apparence, qui ne se prononcera pas sur des rumeurs, qui jugera les petits avec justice, qui se prononcera en faveur des humbles du pays. Quand Isaïe écrit ces paroles, qu’a-t-il compris du projet de Dieu ? Nul ne peut le dire ! Sans doute imagine-t-il que Dieu lui annonce la venue d’un roi qui sera vraiment un roi selon son cœur. Ce qui est sûr, c’est que les chrétiens, relisant ces textes y verront une annonce claire du Messie.

Oui, très beau, mais il y a quand même un problème et pas un petit problème ! Parce que Dieu a déchiré les cieux, il a fait mieux qu’envoyer un bon roi, en Jésus, il est venu lui-même habiter au milieu des siens. Mais qu’est-ce qui a changé ! Le loup habite-t-il avec l’agneau ? En Jésus, Dieu est venu mais le mal ne s’est pas arrêté. Alors, est-ce que Dieu a raté son coup ? Est-ce que Dieu a fait des promesses qu’il n’était pas capable de tenir ?

Non, bien sûr ! Jésus a fait tout ce qu’il a pu, tout ce qu’il devait faire, il a totalement accompli la prophétie d’Isaïe, de fait, il n’a jugé personne sur l’apparence, il a jugé avec justice, avec droiture, en se prononçant en faveur des humbles du pays. Tout cela il l’a fait et il l’a bien fait, mais, comme St Jean le dira : Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas accueilli. Ce n’est pas Dieu qui a raté son coup, ce sont les hommes qui ont cherché à mettre Dieu en échec. Mais les hommes n’ont ni le pouvoir, ni la puissance de mettre Dieu définitivement en échec. En effet, si Dieu n’a pas été accueilli par tous les siens, il n’a pas non plus été refusé par tous les siens. C’est sûr, s’il avait été accueilli et reconnu par tous les siens, la totalité de la prophétie d’Isaïe aurait été accomplie, il n’y aurait plus de mal ni de corruption sur la terre. Mais Dieu n’a pas dit son dernier mot ! Et, parce qu’il y en a quand même qui ont accueilli Jésus, l’Evangile poursuit sa course, plus lentement que ce qui avait été prévu, mais l’Evangile continue sa course quand même. C’est pour cela que Jésus peut exulter et proclamer la louange du Seigneur : Il sait que rien ni personne ne pourra arrêter la croissance de ce germe d’Evangile. La question nous est posée : serons-nous de ceux qui, aujourd’hui lui permettront de grandir et de porter du fruit ?

Laisser un commentaire