15 octobre 4° homélie pour la retraite des prêtres. Pour visiter un monument, on ne s’y prend pas tous de la même manière !

… Et c’est la dernière homélie ! Demain matin, nous célèbrerons avec la communauté des moines et c’est l’évêque qui prêchera.

Je sais que j’ai une drôle de manière de visiter les monuments et ça étonne parfois-même, ça choque ceux avec qui je visite ! Je ne m’intéresse pas beaucoup aux détails ou en tout cas, je ne m’intéresse jamais en premier aux détails. Quand je visite une cathédrale, j’aime la regarder un moment de l’extérieur sans arrêter mon regard ni sur le tympan, ni sur d’autres détails. Et quand je rentre, je me plante au milieu pour admirer l’équilibre, la majesté et je rêve de voir ce qu’on ne voit pas : la charpente, les fondations. Et après seulement, j’irai voir l’un ou l’autre détail en déambulant, mais sans jamais y passer beaucoup de temps. On me dit qu’en agissant ainsi je perds beaucoup, sûrement … mais, je n’y peux rien, ce qui m’impressionne le plus ce sont les grands équilibres. Cette manière de visiter s’explique peut-être par une anomalie génétique, je suis d’une famille de maçon !

Si je vous raconte cela, c’est parce que la 1° lecture que nous avons entendue, l’hymne aux Ephésiens, c’est un véritable monument. Je n’ai donc pas envie de vous en décrire les détails en la commentant verset après verset, mot après mot. D’ailleurs ça serait impossible, dans le cadre d’une homélie, pour y parvenir, il faudrait se donner toute une semaine de retraite. Mais en plus, je vous l’ai dit, spontanément, ce n’est pas ma manière de visiter les monuments.

En la lisant, en l’accueillant, je suis émerveillé par son équilibre, par l’architecture du mystère du Salut qui nous est dévoilée. Et je vous suggère de prendre du temps, aujourd’hui pour contempler cette architecture qui révèle les grands équilibres du mystère de la foi. Tout y est : La Trinité, l’élection, l’incarnation, la rédemption, l’eschatologie… Tout est évoqué, intégré : quel équilibre que nous ne pouvons pas nous lasser de contempler et pour lequel nous pouvons rendre grâce en nous exclamant comme nous le faisons régulièrement à la messe : Il est grand le mystère de la Foi !

Mais, comme dans ma manière de visiter, il y a quand même toujours l’un ou l’autre détail sur lequel je m’arrête, je voudrais juste attirer notre attention sur ce verset : « Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ. » Nous nous interrogeons ou bien on nous interroge sur la volonté de Dieu : quelle est la volonté de Dieu sur moi ? Je fais remarquer qu’en associant le mot volonté à celui de bonté, Paul nous interdit d’interpréter la volonté de Dieu comme on l’entend trop souvent : Dieu aurait tout décidé pour nous, sans nous et sans forcément se préoccuper de nos aspirations profondes. Cette hymne nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ. Et quelle est donc la volonté de Dieu ? Jésus l’avait déjà exprimée de manière très claire : la volonté de mon Père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. Voilà la volonté de Dieu et cette volonté n’est pas négociable. Maintenant, dans le détail, les choses sont moins claires. On peut sans doute parler d’appel particulier mais parler de volonté de Dieu quand on réfléchit à son orientation de vie, ça me semble abusif. Pour illustrer cela, j’aime bien utiliser un exemple tiré de la vie de Marthe Robin.

Un jour, un prêtre vient la voir, il arrive à l’âge de la retraite et plusieurs propositions lui sont faites, il ne sait laquelle choisir. Il va voir Marthe et lui dit à peu près cela : « dans ce moment de ma vie, je n’arrive pas à reconnaître la volonté de Dieu » et Marthe lui répond : « mais enfin, la volonté de Dieu est claire, c’est que vous soyez près du cœur de Jésus ! » 

Comme je le disais hier, Marthe refusait qu’on vienne la consulter comme une cartomancienne capable de prédire l’avenir, par contre, elle est très à l’aise pour réaffirmer la volonté de Dieu : c’est que nous soyons près du cœur de Jésus … après, peu importe la forme concrète que ça prendra ! Pour nous engager dans des situations particulières, de manière habituelle, nous n’aurons pas de consignes divines qui nous montreront qu’il faut prendre tel chemin plutôt que tel autre. Mais le grand défi, quelles que soient ces situations particulières, c’est que nous demeurions fidèles à la volonté de Dieu qui est que nous restions près du cœur de Jésus. 

Il me semble que c’est ce que nous révèle l’hymne aux Ephésiens, avec, évidemment, des mots et une théologie plus élaborée que celle de Marthe. La volonté de Dieu, c’est une volonté de Salut que sa bonté a prévu dès avant la fondation du monde, c’est-à-dire avant-même le péché ! Oui, nous pouvons nous asseoir et, avant de nous arrêter sur les détails, prendre le temps de contempler cette grande architecture du mystère du Salut pour mieux rendre grâce et pour nous mettre encore plus et de manière très concrète au service de cette volonté de Dieu, qui désire qu’aucun de ceux qu’il nous a confiés ne se perde.

Quant à l’Evangile, il continue d’exprimer la compassion douloureuse de Jésus à l’égard des pharisiens et des docteurs de la Loi précisément parce qu’ils sont en train de se perdre. Et, dans le passage entendu il montre deux raisons à leur égarement : ils refusent d’écouter les prophètes et ils enlèvent la clé de la connaissance empêchant d’entrer parce qu’eux-mêmes refusent d’entrer. J’aimerais lier ces deux paroles fortes qui sont adressées comme des reproches à ceux qui se perdent pour les aider à revenir sur le chemin du Salut.

Les prophètes, ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui, c’est toujours compliqué de les écouter parce qu’ils remettent en cause tellement de choses dans notre comportement, dans notre manière de penser. De tout temps, on cherche à les faire taire et tous les moyens peuvent devenir bons pour faire taire ceux qui cherchent à nous empêcher de vivre et de penser en rond ! Ce qu’ils disent pourrait pourtant nous aider à sortir de nos ornières. Mais par paresse, par peur de quitter un certain confort, nous refusons le message, nous refusons d’entrer dans ce qu’ils nous disent et du coup, évidemment, nous ne relayons pas ce qu’ils disent et c’est ainsi que nous enlevons la clé de la connaissance.

Nous pouvons tous nous interroger sur notre manière de réagir face à ce qui nous dérange, par exemple, les prises de parole du Magistère. Avant de critiquer certaines de ces prises de position, est-ce que nous cherchons à comprendre quel peut en être le côté prophétique ? Et si nous n’adhérons pas pleinement, si nous refusons d’entrer dans ces vues, est-ce une raison suffisante pour ne pas en parler et ainsi enlever la clé de la connaissance en estimant qu’il n’est pas nécessaire d’embrouiller ceux qui me sont confiés ?

Que l’Esprit-Saint nous aide à entendre tout ce qui vient de lui dans toutes les prises de position de l’Eglise même quand elles nous bousculent. Qu’il nous aide à ne jamais faire un tri sélectif dont le critère serait uniquement nos convictions, légitimes certes, mais pas forcément universelles ! Que jamais nous n’enlevions les clés de la connaissance au seul prétexte que nous refusons d’entrer.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    « Mais par paresse, par peur de quitter un certain confort, nous refusons le message, nous refusons d’entrer dans ce qu’ils nous disent »…

    Merci, amen !!!

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