« En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. » C’est ainsi que commençait l’Evangile que nous venons d’entendre. Dommage que le lectionnaire n’ait pas gardé le mot à mot de l’Evangile de St Jean qui dit : « Le 3° jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. » Parce que cette mention du 3° jour ne peut qu’attirer notre attention. Nous le savons, le 3° jour, c’est le jour de la résurrection, nous le proclamons dans le Credo même avec la nouvelle traduction du missel et quelle que soit la formule que l’on prenne, la brève du symbole des Apôtres ou la longue de Nicée-Constantinople. En prenant bien soin de noter que ce miracle de Cana a eu lieu le 3° jour, c’est donc comme un clin d’œil ou, comme on aime le dire aujourd’hui, un clin Dieu, que St Jean nous adresse. Il y a comme un parfum de résurrection dans cet événement des noces de Cana. Qu’est-ce qui me permet de dire cela alors que manifestement personne ne meurt ni ne ressuscite au cours de ces noces à Cana ?
Fondamentalement, on peut dire que la résurrection de Jésus, c’est la victoire de la vie sur la mort, de l’Amour sur le péché. Eh bien, c’est pour que cette victoire puisse éclater que Jésus commence son ministère. Le fait que ce 1° miracle de Jésus ait lieu le 3° jour est comme une annonce de la victoire finale. Son ministère ne fait que commencer mais la victoire est assurée, l’Amour va bien l’emporter sur le péché, la vie l’emportera bien sur la mort, le Mal sera vaincu. Le début annonce la fin victorieuse, ce qui ne veut pas dire que tout sera simple, on sait que la victoire, il l’obtiendra au prix de son sang.
C’est le 1° point que je voulais développer à partir de cette mention du 3° jour. Maintenant reste une question et c’est la réponse à cette question qui m’occupera pour le reste de cette homélie : le 3° jour d’accord, mais le 3° jour après quoi ? C’est sans doute pour éviter d’avoir à répondre à cette question que le lectionnaire a changé l’introduction en disant : « En ce temps-là ! » Pour répondre à la question, il faudrait avoir lu ce qui précède et comme la liturgie ne nous a pas fait lire ce qui précède, la mention du 3° jour a été supprimée. Pourtant c’est intéressant de réfléchir à la question : le 3° jour après quoi ? En lisant la 2° partie du chapitre 1 de l’Evangile de St Jean, nous avons la réponse à la question. Nous voyons Jésus, après son baptême, constituer le noyau de son équipe d’apôtres. André et Jean étaient les deux disciples de Jean-Baptiste qui ont suivi Jésus en 1°. Grâce à André, c’est Simon qui est présenté à Jésus et qui devient Pierre. Ensuite, il y a l’appel de Nathanaël. Le groupe est loin d’être au complet mais le 1° noyau de l’équipe apostolique est constitué dans les 3 jours qui suivent le Baptême de Jésus.
Et c’est là que la mention du 3° jour devient vraiment intéressante. Tous les principes de management expliquent aux leaders qui viennent de constituer le noyau de leur équipe, qu’ils doivent prendre immédiatement un temps conséquent pour les former. Avant d’entrer dans le grand bain de l’action, il faut mettre en place un séminaire de formation et ceux qui ont déjà vécu ce genre de séminaire savent que c’est très, très intensif. Le leader doit, en quelques jours, faire partager sa vision et développer sa stratégie en faisant partager à son équipe ses valeurs fondamentales et en permettant à chacun de trouver sa place dans le dispositif. Que fait Jésus, quand il a constitué son équipe ? Pas de séminaire, il les emmène à un mariage ! Vous allez me dire, oui, mais c’était le 3° jour, donc il avait pu faire 2 jours de formation intensive avant le mariage. Je ne pense pas, je n’ai pas de certitude car, évidemment, je n’y étais pas et l’Evangile de Jean ne nous livre rien sur ces deux jours qui ont suivi la constitution de l’équipe et précédé le mariage. Mais j’imagine qu’ils ont été bien remplis et pas remplis de formation. Mais ces cinq premiers apôtres ont dû avoir quand même quelques affaires à régler. L’Evangile a beau dire : « quittant tout, ils le suivirent » il a sûrement fallu régler quelques problèmes pour que leurs familles ne soient pas complètement démunies à cause de leur départ à la suite de Jésus. Deux jours n’étaient sûrement pas de trop pour tout régler ! Et donc, le 3° jour, c’est le mariage ! Vous pourriez alors penser que le séminaire de formation commencera après le mariage. Non, Jésus est génial, le mariage sera le séminaire de formation.
Jésus qui est invité à ce mariage avec sa mère, invite ses disciples parce qu’ils vont avoir, dans ce mariage, l’essentiel de la formation qui doit leur être donnée. Que vont-ils donc apprendre de si essentiel dans ce mariage ? Je voudrais retenir 3 points.
1° point : Un mariage, en principe, c’est un grand moment de joie. Eh bien, d’emblée, Jésus veut que ses disciples comprennent qu’il est venu faire rimer Foi et Joie. Nous, nous faisons trop souvent rimer Foi et Loi. Ce n’est pas un hasard si Jésus, prend l’eau destinée à la purification pour la changer en vin. Les prescriptions du judaïsme étaient redoutables et extrêmement contraignantes. Eh bien, Jésus, lui, il n’est pas venu pour apporter des contraintes supplémentaires, il est venu faire rimer Foi et Joie. Il est venu, nous dira ce même Evangile de St Jean, pour que « les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Jn 10,10. Il est venu pour que nous puissions vivre, pour lutter et même éradiquer tout ce qui nous empêche de vivre, de nous déployer. Si vous ne l’avez encore pas fait, je vous recommande de visionner la série « The chosen » qu’on trouve en replay gratuitement sur C8. Bon ce n’est pas l’Evangile suivi à la lettre, il y a l’une ou l’autre chose un peu contestable, mais c’est tellement beau ! Le réalisateur nous présente un Jésus tellement joyeux et semeur de joie que ça respire la vérité de l’Evangile. Vous connaissez, au moins de nom, Nietzche, le philosophe, il aimait dire, pour justifier son athéïsme : « il faudrait qu’ils aient l’air un peu plus sauvés pour que je crois en leur Sauveur ! » En conduisant son noyau apostolique à ce mariage, c’est ce que Jésus veut leur faire comprendre : Foi devra rimer avec joie. Attention, Jésus ne veut pas parler d’une joie naïve, béate, facile. Il pourra nous arriver de traverser de terribles épreuves, mais nous avons cette double certitude de foi : il est avec nous et on est sauvé !
2° point : un mariage, c’est une histoire d’alliance, l’un des moments forts du mariage, quelle que soit la culture, c’est l’échange des alliances que les fiancés s’offrent mutuellement. Eh bien, Jésus conduit sa petite équipe pour qu’ils puissent comprendre, en le voyant, qu’il est venu pour renouveler, sceller l’alliance entre Dieu et les hommes. Cela pourrait paraître une formule un peu vague et fumeuse, je la redis de manière plus concrète : Jésus est venu pour que tous les hommes puissent comprendre que Dieu est leur allié. En temps de guerre, on cherche un allié quand on prend conscience que l’adversaire risque d’être trop fort, que l’ampleur et la dangerosité du combat nous dépasse et nous effraie. Chers amis, nous avons tant de combats à mener dans notre vie, certains mènent un combat contre la maladie, le chômage, d’autres contre l’esprit de désunion, de mensonge, de calomnie … je ne veux pas énumérer tous les combats possibles, chacun connait très bien les siens. Ces combats peuvent légitimement nous effrayer tant ils dépassent nos pauvres forces, eh bien, la bonne nouvelle, c’est que nous ne sommes pas seuls, nous avons un allié et quel allié, le Seigneur lui-même ! Voilà ce que Jésus veut clairement faire comprendre en conduisant sa petite équipe à ce mariage.
Enfin le 3° point, je n’ai plus beaucoup de temps pour le développer mais j’espère que vous avez retenu combien contenaient les jarres : chacune contenait 100 litres et il y en avait 6 : c’est donc 600 litres de vin que Jésus a fait alors qu’on était presque à la fin du repas. Jésus a voulu que ses apôtres soient témoins de cela : la foi nous fait entrer dans la surabondance. Nous le savons ce bon vin est le symbole de l’amour, alors comprenons que Jésus ne calcule pas l’amour qu’il donne, il sera toujours dans la démesure. Jésus ne nous aimera jamais au compte-gouttes en nous disant : 3 goutes le matin et 3 gouttes le soir et tu auras ta dose ! Non, Jésus est dans la démesure, dans la surabondance. Il ne donne pas un peu, il se donne totalement et se donnant, il ne peut pas donner davantage. C’est Lui que nous allons recevoir maintenant dans cette Eucharistie, c’est Lui dans la démesure du don, il va se donner totalement alors que nous ne le méritons pas mais il veut se faire notre allié pour que dans notre vie, quelles que soient les épreuves que nous aurons à traverser, Foi et Joie puissent rimer justement parce que nous savons que nous avons un allié qui nous conduira à la victoire dans les combats que nous avons à livrer.
Et vous, est-ce que vous avez eu votre 3ème dose ?