2 février : donner sa vie jusque dans le détail !

Dans mon diocèse de Belley-Ars pendant une dizaine d’années, j’ai habité à la maison diocésaine. Il y avait avec nous, un prêtre exégète qui était venu passer sa retraite chez nous, il était l’un des plus grands spécialistes des psaumes. Malgré sa science ou peut-être grâce à sa science, il était d’une très grande humilité. Lui, le grand spécialiste, il avait accepté d’animer un cours d’initiation biblique pour ceux qui ne connaissaient rien à rien et qui voulaient découvrir l’univers de la Bible. Il m’a raconté cette histoire savoureuse. Il faisait taper ses cours par une jeune stagiaire à l’évêché. Et un jour, cette jeune, pas très versée dans les choses de la Foi, est rentrée chez elle en disant à sa mère : tu sais, on en apprend de belles à l’évêché, j’ai tapé le cours d’un prêtre très savant et il affirme que Jésus était juif ! Sa mère lui dit : va vite le voir pour lui dire qu’en écrivant trop vite, il a dû faire une erreur, parce que Jésus n’était pas juif, il était chrétien, c’était même le meilleur des chrétiens !

Eh bien, si, Jésus était juif … n’en déplaise à tous ceux chez qui l’antisémitisme, toujours en train de couver, serait prêt à s’enflammer pour n’importe quel motif. Jésus était juif et on ne peut rien comprendre au christianisme si on n’a pas quelques connaissances sur le judaïsme, c’est particulièrement vrai en ce jour. Nous fêtons la Présentation de Jésus au Temple et il était dit dans les premiers mots de l’Evangile : « Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi. » C’est bien clair, c’est une coutume de la loi juive qui est à l’origine de cette fête chrétienne que nous célébrons aujourd’hui. Ça signifie que si nous voulons mieux comprendre ce que nous célébrons, il nous faut connaître un peu cette coutume juive. Alors, allons-y et vous verrez que ça va devenir très intéressant.

40 jours après la naissance d’un enfant, les parents étaient invités à une triple démarche. Il y a, exactement 40 jours, c’était Noël, voilà pourquoi nous faisons, aujourd’hui, mémoire de cette démarche de Marie et Joseph se rendant au Temple pour accomplir ce que toute famille juive devait accomplir. Il y a là, déjà, un premier point d’attention. Marie et Joseph n’ont pas dit : notre enfant n’étant pas comme les autres, nous ne sommes pas obligés de faire comme les autres ! Non, ils ont compris que, en Jésus, c’était Dieu qui venait au milieu des hommes pour épouser la condition des hommes afin de mieux nous sauver, eh bien, pas question de se distinguer, ça serait à l’inverse de ce que Dieu voulait. Ils avaient déjà accompli, le 8° jour, le rite de la circoncision qui est moins célébré chez les catholiques puisqu’il a été décidé de faire du 1° janvier, une fête de Marie. Heureusement, on a gardé, dans la liturgie la mémoire de cette triple démarche qu’accomplissaient les parents le 40° jour. Arrêtons-nous quelques instants sur chacune des 3 démarches.

1/ Il y avait un premier rite à accomplir pour la purification de la maman. Vous pourriez vous étonner qu’une femme soit obligée d’être purifiée après avoir donné la vie. Certains esprits mal tournés, et il y en a toujours, pourraient même imaginer que c’est bien le signe que chez tous les croyants il y a un rapport malsain à la sexualité ! Eh bien, pas du tout et c’est même le contraire ! Pour le faire comprendre, il faut que je vous explique un rite que nous faisons à la messe. 

Après la communion, vous aurez remarqué que l’un des prêtres lave le calice. Il a contenu le sang du Christ, avant de le ranger, on le lave en versant suffisamment d’eau pour qu’il ne reste plus de trace. En faisant cela, on dit qu’on purifie le calice. Eh bien, c’est dans ce même sens qu’il faut comprendre la purification d’une femme au 40° jour de son accouchement. Elle a porté son enfant pendant 9 mois et l’a mis au monde, dans ce grand mystère de la vie, la femme était comme configurée à Dieu, car, finalement, Dieu seul peut donner la vie. Portant ce mystère de vie, la femme était devenue sacrée et quand elle a donné la vie, elle reste, c’est pourquoi pendant toute cette période, l’homme respecte tellement sa femme qu’il ne s’en approche pas par les gestes de la sexualité. Au 40° jour, la femme va reprendre sa vie de femme et ce rite de la purification rappelle qu’elle sort d’une période non pas où elle était impure mais où elle était sacrée comme le calice qui a contenu le sang du Christ. C’est très beau ! Et, pour ce rite de purification, il fallait offrir un agneau et une tourterelle, les pauvres obtenaient une dérogation en offrant juste un couple de tourterelles ou deux petites colombes. C’est ce que va offrir Marie, nous dit l’Evangile, se plaçant délibérément du côté des pauvres.

2/ Le deuxième rite, c’était celui de la présentation de l’enfant à Dieu. Avant même que Khalil Gibran n’ait écrit ce si beau texte, les parents reconnaissaient que « vos enfants ne sont pas vos enfants » ! Voilà pourquoi il y avait ce rite de présentation de l’enfant à Dieu pour reconnaître qu’il était un don de Dieu.  Ce rite est bien développé dans l’évangile que nous avons entendu, on le reconnait dans le geste de Syméon qui prononcera aussi ces belles paroles qui accompagnent désormais, chaque soir, notre prière dans l’office de Complies. Je ne développe pas plus parce qu’il n’y a aucune difficulté à comprendre ce rite.

3/ Le plus intéressant, c’est le 3° rite de cette démarche du 40° jour dans le judaïsme. Pour les garçons premiers-nés et c’était bien la situation de Jésus, il y avait un 3° rite à accomplir, c’était le rachat de l’enfant. Oui, parce que dans le judaïsme, le garçon premier-né était voué au Seigneur comme les premières récoltes étaient offertes à Dieu, comme les premiers animaux étaient offerts en sacrifice. Dieu était tellement grand que, dans le judaïsme, on avait conscience qu’il fallait lui offrir ce qu’il y a de meilleur. Nous, souvent, on lui offre les restes, les restes de notre temps, les reste de notre argent … ! Dans le judaïsme, c’était l’inverse d’où cette coutume des prémices offerts à Dieu y compris chez les enfants. Oui, mais tous les garçons premiers-nés n’allaient quand même pas être prêtres dans le Temple, c’est pourquoi on les rachetait par une somme d’argent offert à un prêtre. Et c’est là que ça devient intéressant dans notre fête chrétienne qui s’appuie sur l’Evangile que nous avons entendu.

Le rite du rachat est bien évoqué dans le texte, Luc dit : il est écrit dans la Loi : « Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. » Mais vous aurez remarqué qu’à aucun moment, il n’est question de la somme d’argent payée par Marie et Joseph pour racheter cet enfant comme le préconisait le judaïsme afin que les parents puissent quand même garder cet enfant pour eux. Si Marie et Joseph n’ont pas payé, ce n’est pas parce qu’ils auraient été radins, cherchant à passer à travers un rite qui coûte ! Non ! Ils avaient juste bien compris que cet enfant n’était pas totalement leur enfant. 

Et donc, s’ils l’avaient racheté, ils auraient été infidèles à la mission confiée par le Seigneur, ils se seraient appropriés Jésus qui était fondamentalement et avant tout le Fils de Dieu. Vous voyez combien ces rites issus du judaïsme et une lecture attentive des textes de l’Evangile peut nous permettre de découvrir de véritables pépites.

Et, alors, nous pouvons aussi comprendre pourquoi cette fête du 2 février a été choisie comme jour de fête pour toutes les personnes consacrées. Et il y en a pas mal ici puisque, sans être canoniquement des religieuses ou religieux, les membres de Foyer n’en sont pas moins des personnes ayant choisi de se consacrer, de consacrer leur vie au Seigneur. Jésus n’a pas été racheté pour que sa vie soit totalement consacrée à sa mission qui était précisément de racheter l’humanité. Prions pour que, en ce jour qui est leur fête, l’Esprit-Saint soit à nouveau répandu sur tous ceux qui ont consacré leur vie, consacré le meilleur d’eux-mêmes au Seigneur. Que la grâce les accompagne afin qu’ils ne soient jamais tentés de reprendre ce qu’ils ont offert en le rachetant d’une manière ou d’une autre par de sombres arrangements avec le Seigneur. Et, pour nous garder vigilants, nous pourrions repartir avec cette parole du père Chistian de Chergé : Nous avons donné « en gros » notre vie au Seigneur. Mais cela nous coûte fort qu’il nous la prenne en détail ! »

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    Donc c’est bientôt la mise en quarantaine !

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