6 mai : jeudi 5° semaine de Pâques. Quel amour que l’amour du Seigneur !

Cette première lecture devait être particulièrement importante pour qu’on l’entende deux jours de suite ! C’est vrai que ce qui se joue dans ce chapitre 15 des Actes est de toute première importance puisqu’il s’agit de cette Assemblée de Jérusalem qui devra statuer sur l’entrée des païens dans l’Eglise. Il faut que nous soyons conscients que c’est notre statut de chrétien qui s’est joué dans cette assemblée puisque nous sommes les descendants de ces païens. Je rappelle que le terme de païen, dans l’Ecriture, désigne ceux qui ne sont pas juifs, c’est-à-dire vous et moi. Car même si j’ai eu un lointain ancêtre qui était hébreu et qui se trouvait peut-être dans l’épopée de la traversée du désert, ça fait belle lurette qu’il n’a plus mal aux dents ! Les délibérations de l’Assemblée de Jérusalem nous concernent donc de manière toute particulière. Je ne retiendrai que deux points pour ne pas trop mettre le prédicateur de demain en situation difficile puisqu’il devra commenter les conclusions de cette Assemblée, à moins qu’il ne préfère s’en tenir au commentaire de l’Evangile !

Le 1° point que je souligne, c’est la place de Pierre dans ce processus d’accueil des païens dans l’Eglise. Peut-être que, déjà dans l’Eglise primitive, on aimait souligner que c’était Paul l’apôtre des païens. Mais quand Pierre prend la parole au cours de l’assemblée de Jérusalem, il tient à rétablir la vérité : c’est lui qui a ouvert la porte de la foi aux païens avec l’épisode du Baptême de Corneille. C’est ce qu’on peut comprendre derrière ces mots qu’il prononce : « Frères, vous savez bien comment Dieu, dans les premiers temps, a manifesté son choix parmi vous : c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. » C’est assez clair : « c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. » Alors, c’est vrai, Pierre n’insiste pas trop sur le fait qu’il a été très hésitant à baptiser Corneille et qu’il a fallu que l’Esprit-Saint le devance pour qu’il ose ce geste. Il ne fait pas non plus allusion au rétropédalage qu’il a effectué juste après sous la pression des judaïsants. Tout cela est aussi vrai, mais, il n’en reste pas moins vrai que c’est lui qui a ouvert la porte de la foi aux païens et qu’il a donc raison d’affirmer : « c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. » 

Est-ce que ces paroles seraient la trace d’une querelle d’égos entre Pierre et Paul ? Je ne le pense pas même si, nous le savons, ils ont eu parfois des vraies discussions d’hommes ! Mais leur égo, ils savaient le mettre de côté pour le service de l’Eglise. Ça me rappelle cette belle parole que m’avait dite mon évêque quand il m’avait demandé de devenir Vicaire Général, le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’étais pas enthousiaste car il avait un caractère compliqué et je connaissais aussi très bien mon caractère, j’avais donc peu des étincelles que ça allait faire quand nous allions nous frotter. Et il m’avait dit : « Pour le service de l’Eglise, vous, comme moi, nous devons être capables de passer par-dessus les aspérités de nos caractères ! » Je crois que Pierre et Paul y sont parfaitement parvenus, sans doute bien mieux que mon évêque et moi !

Si Pierre précise que c’est par lui que les païens ont entendu la parole de l’Evangile, ce n’est donc pas dans le cadre d’une querelle d’égo, mais il insiste pace que c’est une dimension essentielle du ministère pétrinien. Ce n’est pas pour rien que Pierre est représenté avec des clés, c’est justement parce que c’est lui qui a ouvert les portes de la foi aux païens. Et le pape Jean-Paul II commentant son ministère, qu’on définit parfois en disant que le pape a le ministère des clés, disait que le Christ a confié les clés à Pierre pour qu’il ouvre. Certes dans la parole de Jésus, il est bien question d’un pouvoir d’ouvrir et de fermer mais Jean-Paul II avait souligné que la grande mission, c’était d’ouvrir afin que la grande mission de Jésus puisse s’accomplir : qu’aucun homme ne soit perdu ! C’est pour cela que le pape François est toujours à l’affut de trouver une ouverture possible pour rejoindre ceux dont l’Eglise se trouve un peu loin et qui risquent de rester au bord du chemin. Aujourd’hui encore, quand le pape veut ouvrir, ça fait grincer des dents, comme la décision de Pierre avait fait grincer des dents à Jérusalem, mais il en va, aujourd’hui comme hier, de la vérité de l’Evangile. Il nous faut donc prier pour le pape pour qu’il continue à exercer ce ministère des clés comme un ministère d’ouverture et qu’il puisse l’exercer avec détermination et discernement.

Le 2° point que je voulais souligner se trouve encore dans la déclaration de Pierre qui affirme : « Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés. » On croirait lire une affirmation de Paul dans la lettre aux Romains, comme quoi les oppositions que nous soulignons parfois entre Pierre et Paul sont quand même exagérées. Hier, le père Emmanuel nous invitait déjà à être attentif à cette vérité de foi en rappelant cette parole de Pierre : « Il n’y a pas d’autre nom que le nom de Jésus par lequel nous puissions être sauvés » Et il expliquait que l’enjeu des débats à l’Assemblée de Jérusalem était bien autre chose qu’une querelle entre progressistes et tradis puisqu’il s’agit d’une vérité de foi essentielle : Jésus est-il, oui ou non, l’unique sauveur ? Si la loi est déterminante au point de devenir incontournable, comme le prétendaient les judaïsants de l’assemblée, alors Jésus n’est plus l’unique sauveur, il y a deux canaux de Salut : la loi et la foi. Nous le savons ce débat sera réactivé dans l’histoire de l’Eglise au moment de la Réforme de Luther. Là, il ne s’agissait plus de la loi juive mais du statut des œuvres dans le Salut. Luther réaffirmera contre vents et marées la doctrine de la justification par la foi seule. Aujourd’hui, vous le savez, cette question ne nous sépare plus puisqu’il y a eu ce fameux accord luthéro-catholique sur la justification en 1998 qui met un terme à ce débat, mais hélas pas à nos divisions ! Aujourd’hui nous sommes d’accord pour dire que nous ne sommes pas sauvés par les œuvres mais que nous ne sommes pas non plus sauvés sans les œuvres !

Ces débats, ceux de l’Assemblée de Jérusalem, ceux qui ont été réactivés dans l’histoire de l’Eglise, montrent qu’il est finalement difficile pour beaucoup, voire pour tout le monde d’accueillir la gratuité du Salut. Si vous passez devant un magasin de chaussures et que vous voyez les chaussures qui vous plaisent avec une étiquette « gratuit » vous flairez une arnaque, avec Dieu, il y a tellement de chrétiens qui ont peur d’une arnaque. On nous dit que son amour est gratuit mais il nous le fera bien payer un jour d’une manière ou d’une autre ! Eh bien, non, avec Dieu, il n’y aura jamais d’arnaque, c’est gratuit parce qu’il y en a un qui a payé pour nous, c’est ce qui doit nous tenir dans une gratitude permanente. « Oui, nous le croyons, et nous ne cessons de nous en émerveiller, c’est par la seulegrâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés. »

Juste un mot de l’Evangile qui se médite plus qu’il ne se commente ! « Comme le Père m’a aimé,moi aussi je vous ai aimés. » Nous avons bien du mal à réaliser ce que ça veut dire : nous sommes aimés par Jésus du même amour dont lui-même est aimé par le Père. L’amour du Père pour Jésus est un amour infini, parfait, eh bien, c’est de cet amour dont nous sommes aimés par Jésus. Dans quelques instants, quand nous allons l’accueillir dans notre cœur, il va demeurer en nous et déployer cet immense amour dont il est aimé par le Père. En nous qui sommes pécheurs, en nous qui sommes si inconstants à l’aimer, à demeurer en lui, il va déployer l’amour dont il est aimé par le Père. Et ce qu’il nous demande, c’est de garder cet amour. « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour. » Et l’Evangile de demain explicitera clairement de quoi parle Jésus quand il parle de commandements : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’est de l’amour dont Jésus nous aime qui est l’amour-même du Père pour lui qu’il veut que nous nous aimions. Cela semble impossible et pourtant Jésus nous le demande, alors où est le secret pour y parvenir ?

Avant dans les mariages, à la fin du repas, on faisait une fontaine de champagne, j’ai l’impression que ça se fait moins. Vous savez on mettait les verres en pyramides, on débouchait le champagne qu’on versait dans le verre au-dessus de la pyramide et on versait sans s’arrêter, évidemment le verre du dessus ne pouvait contenir tout le champagne qu’on versait sur lui, alors ça débordait et, en débordant, ça remplissait les verres du dessous. Cette fontaine de champagne m’a toujours fait penser à l’amour de Dieu. Oui, son amour est bienfaisant comme un bon champagne bien frais et quand Dieu nous aime, ce n’est jamais au compte-gouttes, c’est toujours d’un débordement d’amour. Pour aimer, il suffit donc de se tenir sous la fontaine de champagne, c’est bien ce que Jésus nous demande à travers ce verbe demeurer et de laisser couler sur les autres le débordement de l’amour que nous recevons. En vivant de cette manière, nous ne serons plus jamais à sec d’amour, nous ne serons plus jamais radins en amour. Comme il a raison, Jésus, de conclure par ces mots : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. »

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Et ceux qui sont au Champomy pour le moment peuvent aussi faire déborder…
    Magnifique ! 😉

  2. wilhelm richard

    Avec vos homélies qui ne manquent pas d’air, toujours en train de nous rebooster !!
    Jamais de coup de pompe et toujours droit dans ses bottes : c’est une bonne affaire qui marche !!!
    Il suffit donc de vous suivre à la trace pour être sur le bon chemin.

    1. Père Roger Hébert

      Ah les commentaires de Richard commençaient à me manquer !

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