16 mars : jeudi 3° semaine de carême. Deux oreilles et seulement une langue, le message est clair, n’est-ce pas !

Il y a 2 handicaps qui sont habituellement associés, on parle toujours des sourds-muets. Si vous avez été attentifs aux lectures, vous comprenez pourquoi j’aborde cette homélie en évoquant ce handicap. La 1° lecture était centrée sur l’écoute et l’Evangile sur le parler. Pour préparer cette homélie, je suis quand même allé vérifier si les sourds étaient aussi muets et j’ai compris que c’était bien complexe ! Certains sourds parlent et ils parlent même très forts puisqu’ils ne s’entendent pas ! On en a parfois l’expérience au cours de confessions où certains retraitants font une véritable confession publique à cause de leur surdité ! Mais il est aussi vrai que certains muets le sont parce qu’ils n’ont jamais entendu un son depuis leur plus jeune âge, alors comment prononcer un son qui n’aurait jamais été entendu ? Leurs cordes vocales pourraient fonctionner, mais le processus est bloqué parce que, ce qui est déterminant, c’est d’entendre en premier. Vous voyez, c’est complexe puisque les deux handicaps ne sont pas sans lien mais pas forcément liés, non plus !

En tout cas, la liturgie d’aujourd’hui a choisi de lier ces deux handicaps et, comme son propos n’est pas de faire un cours de médecine pratique, nous pouvons tout de suite imaginer qu’il nous faudra faire une lecture spirituelle de ces textes. Ce qui est clair, c’est que la liturgie a choisi de commencer par réfléchir sur l’écoute, c’était la 1° lecture et ensuite sur le parler, c’était l’Evangile, comme pour nous dire que, seuls ceux qui savent vraiment écouter seront capables de parler avec justesse, d’avoir une parole qui porte. Vous connaissez l’aphorisme qui explique que Dieu, en ne nous donnant qu’une langue, alors qu’il nous avait donné deux oreilles, a voulu nous faire comprendre qu’il nous fallait écouter deux fois plus que nous ne parlons !

Commençons donc par la 1° lecture, commençons par entendre ce que la lecture voulait nous dire pour que nous devenions de bons écoutants. Vous aurez remarqué que cette lecture ne parlait pas de l’écoute fraternelle, ni de l’écoute conjugale, des thèmes qui seront abordés dans les deux week-ends à venir avec les groupes qui viendront chez nous. La lecture est tout entière centrée sur l’écoute du Seigneur. Ça ne signifie pas que, pour la bible, l’écoute conjugale ou fraternelle ne serait pas importante, mais ça signifie que tout doit commencer par l’écoute du Seigneur. L’écoute du Seigneur est l’attitude fondamentale qui pourra ajuster les oreilles de notre cœur pour toutes les autres formes d’écoute.

Dans cette lecture, vous l’aurez remarqué, on entend le Seigneur se plaindre douloureusement en constatant que son peuple ne l’écoute pas. Pourtant tout avait commencé par une belle promesse : je serai votre Dieu, et vous, vous serez mon peuple. C’est une promesse d’Alliance et, justement, quand on se passe les alliances dans un couple, on comprend très vite la nécessité de s’écouter, mais on expérimente aussi, très vite que l’écoute, la véritable écoute, l’écoute bienveillante, ce n’est pas simple ! La plupart des crises que traversent les couples vient d’un déficit d’écoute, mais on pourrait sans doute en dire autant des crises communautaires. Eh bien, dans cette lecture, Dieu nous dit que dans son couple, ça ne marche pas très fort parce que l’écoute n’est pas au top !

Lui, il écoute vraiment, la lecture d’hier nous le rappelait : Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? L’oreille de Dieu est toujours tendue pour entendre le cri des hommes. Rappelons-nous que lorsque le peuple était en esclavage en Egypte, du milieu du buisson, Dieu dit à Moïse : J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Les yeux de Dieu sont ouverts, les oreilles de Dieu sont tendues, mais, hélas, la réciproque n’est pas vraie. Et pourtant Dieu ne cesse de rappeler que sans dialogue, que sans écoute réciproque, aucun couple ne peut tenir, ni le couple que forment les hommes et les femmes, ni le couple que forme Dieu et son peuple. Alors, Dieu multiplie les appels à l’écoute, hier, déjà, la lecture commençait par ces mots : Maintenant, Israël, écoute ! Quan les 10 Paroles de vie sont données, elles commencent par un commandement qui est la clé pour que tous les autres puissent être respectés : Ecoute Israël ! Et cet appel est si fondamental qu’il fait partie du Credo des juifs que nous aimions chanter dans le passé : Shema Israël !

Mais voilà, ces appels répétés du Seigneur ne sont pas suivis d’effets. Et c’est la grande désolation de Dieu parce qu’il sait que cette écoute est la clé fondamentale qui permettrait à son peuple de mener une vie harmonieuse. Ecoutons la douleur de Dieu qui s’exprimait dans les paroles de la 1° lecture : Mais ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille, ils ont suivi les mauvais penchants de leur cœur endurci ; ils ont tourné leur dos et non leur visage. Pourtant Dieu n’a pas ménagé ses efforts, il le rappelle, il a envoyé les prophètes qui ont rappelé à temps et à contre-temps cette nécessité de l’écoute, mais rien n’y a fait. Bilan, ce sont les dernières paroles de la lecture : La vérité s’est perdue, elle a disparu de leur bouche. Voilà où conduit le fait de ne pas écouter le Seigneur, c’est terrible : La vérité s’est perdue, elle a disparu de leur bouche.

Mais Dieu ne baisse pas les bras, il continuera d’évoquer tout ce qui pourrait être rendu possible si son peuple se mettait à l’écouter. Nous connaissons les belles paroles du psaume 80,15 : Ah ! Si mon peuple m’écoutait, Israël, s’il allait sur mes chemins ! Aussitôt j’humilierais ses ennemis, contre ses oppresseurs je tournerais ma main. « Mes adversaires s’abaisseraient devant lui ; tel serait leur sort à jamais ! Je le nourrirais de la fleur du froment, je te rassasierais avec le miel du rocher ! » Ah si mon peuple m’écoutait ! C’est tellement décisif que Dieu ne lâchera jamais. Ils ne l’ont pas écouté quand il leur parlait par les prophètes, il décide donc d’envoyer son Fils avec cette certitude énoncée dans la parabole des vignerons homicides : ils écouteront mon Fils, ils respecteront mon Fils. On connait la suite de l’histoire que nous méditerons prochainement. Mais malgré ses échecs répétés, malgré son peuple qui reste rebelle et n’en fait qu’à sa tête, Dieu continuera d’espérer. Et, aujourd’hui, nous sommes la génération sur laquelle Dieu concentre son espérance. Nous sommes la génération à qui il redit : Ah ! Si mon peuple m’écoutait, Israël, s’il allait sur mes chemins ! Aussitôt j’humilierais ses ennemis, contre ses oppresseurs je tournerais ma main. « Mes adversaires s’abaisseraient devant lui ; tel serait leur sort à jamais ! Je le nourrirais de la fleur du froment, je te rassasierais avec le miel du rocher ! Je ne sais pas où chacun d’entre nous en est de ses résolutions de carême, si nous ne les avons encore pas trop usées, il est toujours temps de s’y mettre ! Et une bonne manière de s’y mettre, c’est de nous décider à écouter le Seigneur, comme nous l’a fait chanter le refrain du psaume : Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur !

Quand les oreilles de notre cœur seront ouvertes, nous pourrons alors demander au Seigneur de délier nos langues, comme nous le voyons dans l’Evangile. Mais faisons les choses dans l’ordre sinon, nous risquons bien souvent de parler pour ne rien dire ! Demandons d’abord la grâce de l’écoute pour que, ensuite, nous puissions parler juste. Nous lirons dans les jours saints les poèmes du serviteur dans le livre d’Isaïe. Dans ces poèmes, il y a ces merveilleuses paroles que nous écouterons le mercredi saint : Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Vous avez entendu pour soutenir par la parole celui qui est épuisé, pour avoir un langage de disciple, il faut d’abord, chaque matin, se laisser ouvrir l’oreille pour devenir des femmes et des hommes d’écoute. Demandons vraiment cette grâce les uns pour les autres et particulièrement pour tous ceux qui, dans les jours qui viendront, devront exercer ce ministère d’écoute.

Cette publication a un commentaire

  1. NGENDAKURIYO

    Merci père Roger. Vous nous aviez manqué.

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