La 1° lecture était tirée du livre de Jérémie, à la lecture de ce livre, on se rend bien compte que la vie de ce prophète aura été comme une annonce de ce que sera la vie du Christ. Jérémie s’est donné totalement pour accomplir la mission qu’il avait reçue et, en retour, il n’a eu que des ennuis. Très souvent, on cherchera à le faire mourir lui infligeant toutes sortes de souffrances. Comme Jésus, Jérémie sera bien mal récompensé par les hommes de son temps qui refuseront d’écouter ses paroles. Figure du juste, injustement rejeté, nous comprenons pourquoi nous le lisons dans cette dernière ligne droite du carême.
Et, dans le texte d’aujourd’hui, il y a une demande de Jérémie que le Seigneur va exaucer, mais, comme lui seul sait exaucer les demandes que nous lui adressons, c’est-à-dire pas du tout comme nous l’avions imaginé ! Je reprends les derniers mots de la lecture qui formulaient justement cette demande : Seigneur de l’univers, toi qui juges avec justice, qui scrutes les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause. Dans un moment où il n’en pouvait plus, Jérémie avait donc demandé au Seigneur cette grâce : je veux voir la revanche que tu vas infliger à mes adversaires.
Cette revanche qu’il espère, Jérémie ne la verra pas de son vivant, mais, selon la belle expression que Benoit XVI avait utilisé pour les Funérailles du pape Jean-Paul II, il l’a vue de la fenêtre de la maison du Père. Oui, en réponse à la demande de Jérémie, Dieu infligera bien une revanche à ses adversaires et aux adversaires de tous les justes injustement persécutés, il enverra Jésus, le Fils éternel pour les sauver ! Telle est la revanche de Dieu. Dieu prend sa revanche en poussant l’amour à l’extrême. Jérémie n’avait sûrement pas imaginé ce scénario ! Personne ne pouvait imaginer un tel scénario. Il n’y a que Dieu pour imaginer un tel scénario. Et, puisque Dieu n’est pas soumis au changement, c’est encore ainsi qu’il agit aujourd’hui !
Une partie de l’assemblée que nous formons a participé ce matin au temps de prière de guérison, ce que je suis en train de dire nous indique une guérison que nous pourrions tous demander : la guérison de toutes nos idées tordues sur Dieu, ces idées qui peuvent nous perturber et qui se sont installées en nous par suite d’une présentation pas très ajustée du mystère de Dieu ou par suite de blessures liées à notre enfance. Demandons cette guérison profonde qui nous permettra de ne plus jamais douter que Dieu est amour et même qu’il n’est qu’amour.
Après, il faut aussi avoir des idées claires pour bien comprendre ce que signifie « Dieu n’est qu’amour » ! Ça ne signifie pas qu’il est un papy gâteux qui nous passera tous nos caprices et que, puisqu’il n’est qu’amour, nous pouvons en profiter pour faire tout le mal que nous avons envie de faire puisque, au final, son amour nous lavera de nos péchés et nous accueillera. Oui, Dieu pardonne toujours, mais, le mal que nous faisons, a toujours des conséquences sur nous et sur les autres ce qui signifie que nous devrons toujours être conscients des conséquences nos actes. Je donne un exemple pour me faire comprendre. Si j’abuse de l’alcool, je peux être pardonné, mais mon foie restera malade et le pardon reçu ne me donnera pas miraculeusement un foie tout neuf ! De même mes excès d’alcool auront blessé mon entourage et le pardon reçu n’effacera pas miraculeusement ces blessures et leurs conséquences. Croire que Dieu n’est qu’amour ne doit donc pas nous conduire à vivre dans le laxisme.
Dans l’Evangile, ce qui a retenu mon attention, c’est la réponse des gardes aux prêtres et aux pharisiens qui les avaient envoyés arrêter Jésus : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » Ils ont été tellement touchés par la prédication de Jésus que, courageusement, ils ne l’ont pas arrêté ce qui ne pourrait que leur causer des difficultés. Et, de fait, à leur retour, ils se font sévèrement réprimander par ceux qui les avaient chargés de cette mission. Oui, ils sont courageux ces gardes, mais, hélas, leur courage ne durera pas. Dans une dizaine de jours, nous entrerons dans les jours saints et nous entendrons le récit de l’arrestation de Jésus par ce même détachement de gardes, venus avec des bâtons et des épées.
Ils ne diront plus : Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! Ils l’arrêteront sans ménagement et sans se préoccuper de savoir s’ils ne seraient pas en train de participer à la plus grande injustice de toute l’histoire de l’humanité. Quelle inconstance ! Certes, ils étaient sans aucun doute manipulés car leurs chefs, depuis cette arrestation ratée, avaient dû les reprendre en mains pour qu’ils n’aient plus aucune hésitation et qu’ils soient totalement convaincus que Jésus était bien le pire ennemi de leur religion et un dangereux imposteur dans sa prétention à se présenter comme le Messie.
Oui, ils étaient manipulés, mais ils avaient oublié ce qu’ils avaient dit après l’avoir entendu : Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! La passion de Jésus sera d’ailleurs un festival d’inconstance généralisée. Dans la foule qui criera à Pilate « à mort, crucifie-le » il y avait forcément des gens qui, d’une manière ou d’une autre, avaient bénéficié de la bonté de Jésus. Eux aussi seront manipulés, mais pour crier ces mots qui conduiront Jésus à la mort, c’est e signe qu’ils avaient oublié ce que Jésus avait fait pour eux ou pour les leurs. Quelle inconstance de leur part aussi !
Là encore, nous pouvons nous reconnaître et demander, nous aussi, d’être guéris de nos inconstances. Un jour, nous sommes tout feu tout flamme et le lendemain, nous retombons dans la tiédeur vis-à-vis du Seigneur et dans la médiocrité vis-à-vis des autres. Nous aussi, nous sommes manipulés, mais cette fois, c’est par le Malin qui nous fait oublier tout ce que le Seigneur a fait pour nous depuis notre plus tendre enfance. Alors, nous nous mettons à accuser le Seigneur, de lui reprocher de très mal s’y prendre avec nous, avec ceux que nous aimons, avec tous ceux qui souffrent. Quel drame ! Car, pour proférer de telles paroles, il faut avoir oublié tout ce que Jésus a fait pour nous, sa flagellation acceptée par amour, son sang versé par amour, son pardon accordé sur la croix, toujours par amour. Ne devenons jamais oublieux !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce d’obtenir cette double guérison : guérison de toutes nos idées tordues sur Dieu qui nous plongent soit dans la peur soit dans le laxisme et guérison de notre inconstance résultant de notre incapacité à fixer dans nos cœurs les marques de l’immense amour du Seigneur pour nous.