16 novembre : j’ai contre toi que tu as perdu ta ferveur première !

Traditionnellement, au cours des derniers jours de l’année liturgique, l’Eglise nous fait entendre des textes qui nous invitent à veiller et même à nous réveiller ! Jusqu’à l’entrée en Avant, les textes de la semaine qui vont nous aider à nous réveiller sont tirés de l’Apocalypse. Au cours de la semaine, j’aurais sûrement l’occasion de présenter en quelques mots ce livre de l’Apocalypse pour nous aider à mieux comprendre ce qu’il veut nous faire entendre. Mais, aujourd’hui, comme demain, puisque nous allons lire deux des 7 lettres aux Eglises d’Asie Mineure, je voudrais plutôt commenter ces lettres et le commentaire plus général viendra par la suite.

Elles sont très belles ces 7 lettres et très stimulantes ! Avant de venir, j’ai eu l’occasion de prêcher la retraite des prêtres du diocèse de Valence où se situe Chateauneuf-de-Galaure et j’avais justement choisi de prendre comme guide, ces 7 lettres de l’Apocalypse. Nous le savons, le livre de l’Apocalypse est un livre plein d’images, plein de situations étonnantes. Eh bien, ces 7 lettres sont un peu comme le compte-rendu de la visite pastorale que le Seigneur Jésus, lui-même, berger par excellence du troupeau de l’Eglise, aurait effectué dans ces 7 communautés. Le ton de chaque lettre va donc être très particulier, puisqu’adapté à la situation que vivait chacune de ces communautés. 

Aujourd’hui, c’est la lettre à l’Eglise d’Ephèse qu’il nous a été donné d’entendre. Comme tout évêque qui fait une visite pastorale, le Seigneur adresse donc, dans cette lettre, un compte-rendu de sa visite pastorale. Et, comme tout évêque, il commence par souligner ce qu’il a vu de positif, ce qui va dans le sens de l’Evangile vécu : « Je connais tes actions, ta peine, ta persévérance, je sais que tu ne peux supporter les malfaisants ; tu as mis à l’épreuve ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas ; tu as découvert qu’ils étaient menteurs. Tu ne manques pas de persévérance, et tu as tant supporté pour mon nom, sans ménager ta peine. » 

Il faudrait s’arrêter pour pouvoir commenter un peu ces éléments positifs, mais, dans le cadre de cette homélie, je n’ai pas le temps, retenons que cette communauté d’Ephèse est une belle communauté persévérante, qui supporte beaucoup et qui ne ménage pas sa peine. Ça serait pas mal si le Seigneur, lui-même, venant faire une visite pastorale au Cap des Biches écrive, dans sa lettre compte-rendu, que nous sommes une communauté persévérante, capable de beaucoup supporter et dont chaque membre, en fonction de ses moyens, ne ménage pas sa peine. 

Oui, mais voilà, ça ne satisfait pas le Seigneur parce que la suite est un reproche terrible : « Mais j’ai contre toi que ton premier amour, tu l’as abandonné. » Et c’est bien cette parole qui vient nous réveiller. Pour le Seigneur, il ne suffit pas d’être persévérant, de durer malgré les épreuves, de se dépenser. Ce qui compte le plus pour lui, ce n’est pas que nous transpirions pour lui, ce qui compte le plus, c’est que nous gardions bien ardent notre amour premier. Mais de quoi parle exactement le Seigneur quand il emploie cette expression d’amour premier et pourquoi la perte de cet amour premier lui cause-t-elle tant de chagrin ?

En grec, il y a 3 mots pour parler de l’amour. Il y a le mot « philos » qui évoque l’amour d’amitié, il y a le mot « eros » qui parle d’un amour passion qui se s’exprimera jusque dans le langage des corps et puis, il y a le mot agapê qui désigne l’amour qui se donne. 

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » dit Jésus, et c’est justement de cet amour agapê dont il parle, de même St Paul dans sa très belle hymne à l’amour que nous connaissons bien au chapitre 13 de la 1° épîtres aux Corinthiens. Le reproche que fait donc Jésus à cette communauté, c’est que les membres ont abandonné leur agapê premier. Ces chrétiens d’Ephèse, immergés en milieu païen, quand ils ont décidé de devenir chrétiens, ils ont dû faire des choix engageants. La force de leur agapê s’est manifestée par ces choix : pour dire oui à Jésus, ils acceptaient de nombreux renoncements. En effet, il n’y a pas de vrai « oui » qui ne soit accompagné de vrais « non. » Eh bien, voilà que peu à peu, il se sont installés dans la routine, ils travaillent toujours pour Jésus, ils se dépensent pour lui, mais il n’y a plus de vraie ferveur, ils n’ont plus, comme on dit, « le feu sacré. » Ils deviennent un peu comme des fonctionnaires qui font bien leur travail mais sans grande passion.

Voilà donc la parole qui vient nous réveiller en ce début de semaine : où en sommes-nous de notre amour premier ? Où en sommes-nous de cet amour qui, pour entrer dans la communauté, nous a fait faire des choix radicaux ? Pour savoir si nous continuons à dire un vrai « oui » d’amour au Seigneur, il y a donc un test assez simple. Il ne suffit pas de nous satisfaire de tout ce que nous faisons pour le Seigneur, parce qu’on peut beaucoup se dépenser mais le faire sans élan et ça finit par nous fatiguer et fatiguer les autres ! Il s’agit de vérifier si, pour dire sans cesse « oui » au Seigneur, nous sommes encore capables de dire « non » aux suggestions du Malin. Certains de ces « non » pourront nous coûter, ils deviendront de véritables choix crucifiants, mais ils seront le seul moyen de vérifier que nous n’avons pas perdu notre amour premier. Alors, à chacun de nous de regarder cela dans le concret de sa vie, nos histoires, nos situations, nos mauvais penchants ne sont pas les mêmes, il nous faut donc descendre dans le détail pour vérifier comment nous nous comportons.

Et, si nous nous rendons compte que cet amour premier est en train de s’affadir, eh bien, tel l’aveugle de l’Evangile, crions vers le Seigneur jusqu’à ce qu’il se penche vers nous et nous demande : Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Alors, nous pourrons répondre : « Seigneur, que je retrouve mon amour premier ! »

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    Une p’tite blague de « premier amour »… (amour premier, premier amour… 😉 )
    Claire et Louis sont en couple. Que se passerait-il s’ils se séparaient ? 🙂
    Eh bien… Claire perdrait l’ouïe, et Louis ne verrait plus clair…
    Faites-lui retrouver la vue !!! (et à moi aussi, Seigneur !) 🙂

    1. Père Roger Hébert

      à la hauteur de Richard !

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