Enseignement Camp ZION – St Malo Août 2022
« Il faut sauver le soldat Hébert ! »
Introduction : Synopsis du Film
Pour que vous puissiez bien comprendre ce que je vais dire, il faut que vous puissiez profiter de mon enseignement, il faut vous rappeler de deux choses essentielles : votre nom et mon nom ! Votre nom, je pense qu’il n’y a pas trop de problème, vous êtes trop jeunes pour avoir perdu la mémoire ! Quant à mon nom, c’est Hébert ! Retenez bien, ça vous servira dans un petit moment !
Maintenant une question : combien parmi vous ont déjà vu le film : Il faut sauver le soldat Ryan ? J’imaginais bien qu’il n’y en aurait pas beaucoup … c’est un film qui commence à dater, 1998, la plupart, vous n’étiez pas nés ! Moi, j’étais déjà prêtre depuis 14 ans ! De toutes façons, ni vous, ni moi n’étions nés au moment des événements que raconte le film. IMAGES du Film ???
Cet homme qui marche dans les allées de ce cimetière militaire américain, c’est justement Ryan. Je vous résume rapidement les faits. L’histoire se passe au cours du débarquement américain sur les plages de Normandie. Aux Etats-Unis, un officier est allé trouver une famille américaine pour leur annoncer que 3 de leurs fils étaient morts, la maman en a fait un malaise de chagrin. Si vous avez vu des films sur le sujet, vous savez que le débarquement a été une véritable boucherie : au fur et à mesure que les barges arrivaient et que les soldats en sortaient, ils se faisaient canarder… et tout cela n’a eu lieu pas très loin d’ici, c’était en Normandie. Alors, évidemment ces pauvres parents, apprenant le décès de 3 de leurs fils sont effondrés et ils pensent au 4° qui est, lui aussi, soldat et qui va peut-être finir comme ses 3 frères laissant ces pauvres parents sans aucun enfant.
Touché par cette situation, l’état-major américain décide de sauver le dernier fils de cette famille, l’ordre est donné : coûte que coûte, il faut sauver le soldat Ryan ! Un commando de 8 hommes va être constitué pour retrouver Ryan et l’extraire de la folie meurtrière des combats. C’est un film assez violent parce que la guerre est toujours violente. Je vais être obligé de raconter la fin du film, ce qui ne se fait pas normalement, mais là, c’est vraiment nécessaire pour mon enseignement. A la toute fin du film, ils ont enfin retrouvé Ryan qui a bien failli mourir… mais ce n’est pas Ryan qui meurt, c’est l’officier, chargé de conduire le commando, qui ramasse une balle perdue. Ryan est sauvé, il est exfiltré. Des années et des années après, il se rend sur la tombe de celui qui a donné sa vie pour lui, il veut lui rendre hommage et cet homme le mérite bien.
Mais comment Ryan a-t-il su tout ce que ce commando a fait pour lui ? Ce n’est pas le chef du commando qui a pu le lui raconter, il est mort. On peut imaginer que ce sont les membres du commando qui lui ont raconté et ils ont dû lui raconter dans le détail tout ce qu’ils avaient subi pour que Ryan puisse rentrer à la maison. Il fallait entrer dans les détails pour que Ryan puisse mesurer la chance qu’il a eu d’être retrouvé et sauvé en sortant de cet enfer de la guerre. Désormais Ryan savait à qui il devait sa vie, qui était venu le chercher avec une telle ardeur et qui lui avait permis de retrouver la maison paternelle en prenant tous les risques … parce qu’il fallait absolument sauver le soldat Ryan. Et pourtant ce soldat Ryan n’avait rien d’exceptionnel, il était un soldat comme tous les autres, il n’avait rien fait d’extraordinaire qui puisse expliquer pourquoi on a déployé un tel dispositif pour le sauver. La seule raison, finalement, c’étaient ses parents qui souffriraient trop s’il venait à être définitivement perdu.
1. Un film qui peut être vu comme une parabole du Salut
Dès que j’ai vu ce film, pour moi, immédiatement, ça a fait tilt, je l’ai tout de suite regardé une deuxième fois parce que j’ai compris que c’était une magnifique parabole du Salut apporté en Christ. Le père du ciel souffre trop de nous savoir perdus, en danger, alors, il n’envoie pas un commando mais son Fils en qui il a entière confiance et il lui dit : Il faut sauver le soldat Hébert. Et là, si vous voulez goûter à l’amour fou de Dieu pour vous, remplacez mon nom par le vôtre !
La mort du Christ a été violente comme l’est ce film car Jésus a dû lutter contre le péché et le péché, c’est sérieux, c’est grave, donc il y a eu de la violence, beaucoup de violence qui s’est décahinée contre Jésus. Le péché peut vite se transformer en mine anti-personnelle qui finira par te déchiqueter. Et de ces mines, il y en a de partout, tu es donc en grand danger, je suis en grand danger. Alors le Père du ciel a convoqué une réunion de l’Etat-Major de la Trinité et il a dit : il faut sauver le soldat Hébert. Jésus a bien compris que cet appel lui était adressé. Il a pris au sérieux cette mission, il est allé jusqu’au bout puisqu’il a versé son sang pour moi, pour toi. Il a pris sur lui tout le mal, mon péché et le tien et celui de toute l’humanité pour que nos péchés ne pourrissent plus notre vie, pour que ces mines anti-personnelles ne nous défigurent plus de manière définitive en risquant, au final, de nous prendre la vie. St Paul aura une formule magnifique pour nous aider à mesurer la portée du Salut apporté en Christ. Elle se trouve dans la lettre aux Galates : « Le Christ m’a aimé et il s’est livré pour moi ! » Ga 2,20.
Tu te rends compte ? Pour moi et pour toi, Jésus a donné sa vie. Et toi, comme moi, nous ne sommes pas des êtres exceptionnels, nous n’avons rien fait d’extraordinaire qui pourrait justifier une telle prise de risques. C’est même le contraire ! Dans le film, il y a cette réflexion d’un membre du commando qui en a tellement marre qu’il dit : mais c’est qui ce Ryan pour qu’on prenne tous ces risques ? A l’intérieur de l’Etat-Major de la Trinité, personne n’a dit : mais c’est qui ce Hébert, c’est qui cette Pouzin, c’est qui ce Drish, c’est qui cette Eugster, ce Grillon pour que Jésus, le nomber two de la Trinité, soit obligé de subir de telles souffrances pour les sauver ! Personne n’a râlé, personne n’a trouvé que les moyens mis en œuvre étaient disproportionnés par rapport à la valeur de ceux qu’il fallait sauver. C’est clair, nous ne le méritons pas, mais l’ordre du Bon Père du ciel ne souffrait aucune contestation : il faut sauver le soldat Hébert et tous les autres avec lui. St Paul nous invite à réaliser cette démesure de l’amour de Dieu à notre égard en disant : « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » Rm 5,7-8
Du coup, avec Paul, je peux vraiment dire, avec des sanglots d’émotion et de reconnaissance dans la voix : Le Fils de Dieu m’a aimé et il s’est livré pour moi ! Ga 2,20 Et je vous en prie, n’oublions pas de rajouter : pour moi qui ne le méritais pas et pour toi qui ne le mérite pas plus que moi ! C’est tellement grand ce que Jésus a fait pour moi et pour toi et pour tous les hommes que je voudrais que nous prenions un peu de temps pour nous y arrêter. Autrement, nous risquons de devenir ingrats, de ne pas vivre suffisamment dans la reconnaissance, dans la gratitude. Nous risquons de vivre comme ces enfants gâtés qui finissent par être détestables tant ils pensent que tout leur est dû. Que ce soit bien clair, Dieu ne nous devait rien ! Il nous avait créé gratuitement, par pur amour, c’était absolument extraordinaire. En nous créant, Dieu avait de grands projets pour nous, pour nous avec Lui. Et voilà que l’homme, l’homme et la femme et tous les hommes après nos premiers parents se sont détournés de Lui, choisissant d’écouter les suggestions mortifères du serpent qui n’avait qu’un seul but : nous détourner de l’amour du Père en nous faisant des promesses qui ressemblent à celles d’un escroc !
En choisissant de nous détourner de Dieu, nous méritions, de sa part la condamnation, le verdict aurait été juste. Mais lui, comme le dit Paul dans la lettre aux Romains, au lieu de nous condamner va nous justifier, il va tout mettre en œuvre pour nous sauver en envoyant Jésus. C’est toujours Paul qui l’exprime de manière si lumineuse : Mais lui, gratuitement, nous fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Rm 3,24. Jésus est venu nous chercher là où nous nous étions perdus et là où nous ne cessons de nous perdre, il est descendu au plus bas pour nous chercher quand nous tombons bien bas. Quand il nous trouve, et surtout, quand nous nous laissons trouver, puisqu’il est le bon berger et puisque le péché nous blesse autant qu’une mine anti-personnelle, il va nous charger sur ses épaules et nous ramener à la maison du Père. C’est ce qu’a fait le commando pour Ryan, c’est ce que Jésus fait pour nous !
Mes amis, je pourrais m’arrêter là parce qu’avec ce que je viens de dire, il y aurait largement de quoi méditer toute la journée et rendre grâce au Seigneur. C’est tellement grand, c’est tellement beau de réaliser que Dieu, le Créateur du Ciel et de la Terre, de l’univers visible et invisible, le grand Big Boss s’est intéressé à moi et à vous en décrétant : Il faut sauver le soldat Hébert et tous les autres avec lui. Mais si je m’arrêtais là, d’abord ça ne serait pas sérieux pour un prédicateur de parler aussi peu et surtout il nous manquerait presque l’essentiel.
Le film n’aurait eu aucun succès s’il s’était arrêté après la décision du Président des Etats-Unis qui annonce : Il faut sauver le soldat Ryan et le sauver coûte que coûte. Ce qui fait l’intérêt du Film, c’est justement la suite : ce que va endurer ce commando pour sauver le soldat Ryan. Je vous l’ai dit, Ryan saura tout ce qui a été mis en œuvre, les risques pris, les souffrances endurées par ce commando pour le sauver grâce au récit que les survivants de ce commando ont pu lui faire. Nous aussi, nous savons ce que Jésus a enduré pour accomplir en notre faveur la mission reçue du Père : il faut sauver le soldat Hébert. Nous le savons dans le détail grâce aux membres du commando qui étaient avec Jésus, je veux parler de ses apôtres qui ont pris bien soin d’écrire dans les Evangiles tous les détails de cette grande opération Salut qui est la plus grande opération jamais menée dans l’histoire de l’humanité. Si nous voulons vivre dans la gratitude, si nous ne voulons pas finir comme des enfants gâtés, blasés, habitués, incapables de reconnaissance, il nous faut donc régulièrement plonger dans cette histoire. C’est ce que nous propose la liturgie, chaque année, au cours de la semaine sainte, et c’est ce que je vous propose de faire maintenant. On pourrait y rester des jours et des jours, je vais aller à l’essentiel.
2. Le film de la passion … car il nous aime avec passion !
Vous savez qu’en français, le mot passion a deux sens :
- La passion, c’est le mot utilisé pour parler des derniers jours de Jésus et les souffrances qu’il a vécues. De fait, le mot passion vient du latin « passio » et aussi du grec « pathos » qui signifie souffrance, vous connaissez peut-être plus le grec qui a donné pathologie.
- Mais le mot passion évoque aussi un amour intense : aimer avec passion, c’est aimer à la folie, c’est ce que je vous souhaite à toutes et à tous !
Jésus nous a donc aimés avec passion et cette passion d’amour l’a conduit à vivre la passion, ces jours de souffrance extrême, dans l’amour extrême. J’aimerais donc rapidement dérouler le film de ces derniers jours et je vais vous expliquer pourquoi c’est si important, je l’explique en revenant au film : il faut sauver le soldat Ryan.
Je vous ai déjà raconté la fin du film en vous expliquant que l’officier chargé de diriger la mission du commando était mort juste après avoir retrouvé Ryan. Une dernière bataille est en train de se livrer avant que Ryan ne soit exfiltré, cet officier est donc juste à côté de lui et après avoir reçu cette balle, il réunit ses dernières forces pour lui dire : « petit, dans ta vie, montre-toi digne de ce qu’on a fait pour toi ! » A ce moment-là, Ryan ne sait encore pas tout ce qui a été fait pour lui, il le découvrira plus tard et, du coup, il mesurera la force de cette dernière parole : « petit, dans ta vie, montre-toi digne de ce qu’on a fait pour toi ! » Nous voulons, nous aussi nous montrer dignes de ce que Jésus a fait pour nous, mais pour cela, nous avons besoin de savoir ce qu’il a fait pour nous et de le savoir dans le détail !
2.1 C’est toute sa vie qu’il a voulu vivre avec la passion de nous sauver
Bien sûr, c’est toute la vie de Jésus qu’il faudrait contempler pour comprendre avec quelle passion il nous a aimés, mais si on faisait cela, il faudrait que le camp dure 3 mois ! C’est vrai qu’il est Sauveur depuis le début.
Je ne donne qu’un exemple mais en naissant dans une étable, il a déjà montré quelque chose d’extraordinaire. Une étable, ça ne sent pas la rose, eh bien, il est né dans une étable comme pour dire à ceux qui pensent que leur cœur ne sera jamais assez « cleen » pour l’accueillir : ne t’inquiète pas, je sais ce que c’est, depuis ces jours de ma naissance dans une étable, plus aucune mauvaise odeur ne me repousse, plus aucun désordre ne me dérange. Jésus, bien avant MacDo, il avait ce slogan : Venez comme vous êtes ! Accueillez-moi, tels que vous êtes ! Je ne développe pas plus, mais vous comprenez qu’on pourrait, comme ça, dérouler tous les événements de la vie de Jésus pour voir avec quelle passion il a aimé celles et ceux qu’il rencontrait nous montrant que c’est avec ce même amour sauveur qu’il voulait nous aimer. Sautons à pieds joints ces 30 années de vie cachée et ces 3 ans de ministère public pour en arriver à la dernière semaine.
2.2 L’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem
Traditionnellement la liturgie fait commencer la passion au moment de l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, ce dimanche s’appelle d’ailleurs : dimanche des Rameaux et de la Passion. En apparence, cet épisode pourrait sembler un épisode heureux, le dernier avant une série d’épisodes tellement douloureux. Mais, il y a un vrai drame dans cet événement, et pour le comprendre, mettez-vous à la place de Jésus, lui, il sait pourquoi il entre dans Jérusalem. Il sait que c’est la dernière fois qu’il y entre, il sait, ou du moins, il pressent que ceux qui l’acclament seront aussi ceux qui le condamneront quelques jours plus tard. Je vais faire quelques remarques que vous pourrez compléter par votre méditation.
Jésus ne refuse pas ces acclamations alors qu’il aurait pu se mettre en colère en disant : bande d’hypocrites, vous m’acclamez aujourd’hui, mais vous me condamnerez demain, je ne veux pas de vos « hosanna » ! Mais non, Jésus ne refuse pas !
- D’abord parce que ce que crient les gens, c’est tellement juste ! Hosanna, en hébreu, ça signifie : « sauve-nous s’il te plait » ou « de grâce sauve-nous. » Comment refuser cette demande puisque c’est pour cela qu’il entre à Jérusalem, c’est pour sauver les hommes ?
- En plus, Jésus ne pose jamais sur les personnes un regard qui les juge et les classe. Oui, extérieurement, on peut considérer comme de l’hypocrisie l’attitude de cette foule qui, un jour, acclame et, l’autre jour, condamne. Mais Jésus ne les considère pas comme des hypocrites parce qu’il sait que c’est au moment où ils l’acclament qu’ils sont vraiment dans la vérité. C’est quand ils crient « de grâce sauve-nous » qu’ils sont vrais … quand ils crieront « A mort, crucifie-le » ils seront le jouet des responsables du peuple qui sont des manipulateurs avertis, mais en étant eux-mêmes manipulés par l’Adversaire, le grand manipulateur ! Ce n’est pas quand nous commettons le péché que nous sommes vrais, mais quand nous vivons dans l’amour.
2.3 Le dernier repas de Jésus
Pour que notre méditation sur le dernier repas de Jésus soit complète, il nous faut prendre ce que disent les synoptiques (Mt, Mc et Lc) et St Jean. Parce que vous savez que St Jean ne raconte pas l’institution de l’Eucharistie, mais le lavement des pieds. Pourquoi cette omission et ce rajout ? L’explication la plus probable, c’est que St Jean écrivant son évangile tardivement a voulu compléter ce que les synoptiques n’avaient pas dit et s’il n’y a pas de récit d’institution en St Jean, il y a le long discours sur le pain de vie qui est une très belle méditation sur l’Eucharistie. Dans notre méditation, il faut donc lire synoptiques et St Jean.
2.3.1 Le lavement des pieds
Je commence par le lavement des pieds, parce qu’il est probable que Jésus ait commencé par là. Le récit de l’Evangile (Jn 13) souligne particulièrement l’attitude de Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds … et d’un certain point de vue, il a raison. Mais moi, je voudrais surtout attirer notre attention sur le fait que Jésus s’est aussi mis à genoux devant Judas et qu’il lui a lavé les pieds. Oui, Judas était là et Jésus s’est mis à genoux devant lui ! Le curé d’Ars disait que, dans le sacrement de la réconciliation, le Seigneur oublie volontairement l’avenir pour nous pardonner dans le présent. C’est vrai, quand il nous pardonne, le Seigneur sait que nous allons recommencer (même si on dit le contraire dans l’acte de contrition … et il faut le dire car c’est notre désir de ne plus pécher), mais il l’oublie volontairement pour mieux nous accorder sa miséricorde dans le présent. Quel amour ! Cette phrase du curé d’Ars me semble parfaitement résumer l’attitude de Jésus devant Judas au lavement des pieds.
Peut-être que ce geste du lavement des pieds lui a été inspiré par une femme. Ce que la femme pécheresse (Marie-Madeleine ?) avait fait pour lui quelques jours avant en lui lavant les pieds avec ses larmes et en les essuyant de ses cheveux, ça avait été tellement bienfaisant qu’il a voulu faire la même chose pour ses disciples, prendre soin d’eux une dernière fois de manière extrêmement concrète. Pour mesurer l’impact de ce geste, il est bon de se dire que c’est le dernier contact physique que Jésus aura avec ses disciples. Quand ils chercheront dans leurs souvenirs en se disant : quelle est la dernière fois qu’il m’a touché, qu’il a eu un geste à mon égard, ils se rappelleront ce geste-là : il m’a lavé les pieds !
2.3.2 L’institution de l’Eucharistie
Je ne veux pas faire un enseignement sur l’Eucharistie, je veux juste inclure l’institution de l’Eucharistie dans le déroulement des événements de la passion pour voir en quoi ce moment est encore un signe du grand amour du Seigneur qui m’a aimé et s’est livré pour moi.
Quand on lit le récit de l’institution de l’Eucharistie dans l’Evangile de Luc, il y a une particularité absolument terrible. A plusieurs reprises, dans les Evangiles, il est question des apôtres qui se disputent pour savoir qui est le plus grand. Luc a placé cette dispute à la fin de l’institution de l’Eucharistie. Dans ce moment si sacré, les apôtres ne trouvent rien de mieux à faire que de chercher à savoir qui est le plus grand ! Jésus prononce les paroles sur le pain et le vin annonçant que c’est son corps livré, son sang versé, les mêmes paroles que le prêtre reprend à la messe au moment de la consécration. Il y a dans ces paroles un poids inouï : son corps va être pris, déchiré comme le pain est rompu, son sang va être versé, répandu. Avec ces paroles Jésus annonce un drame qu’il veut transformer en la plus grande preuve d’amour : vraiment, sa vie, on ne la lui prendra pas, mais il la donne par amour, pour le Salut des hommes.
Ensuite, il distribue le pain consacré et fait boire à la coupe. Puis, il annonce la trahison de Judas qui avait participé au repas, qui avait reçu la communion et qui s’éclipsera juste après. C’est après ces moments si forts, si difficiles qui annoncent des événements tout à la fois extrêmement douloureux et décisifs pour l’histoire du Salut, que les apôtres se querellent, ce n’est déjà pas glorieux de se quereller dans un moment aussi sacré, mais en plus, ils se querellent pour savoir qui est le plus grand. Luc 22,24 ss C’est vraiment lamentable ! Et c’est dommage parce que, souvent, nous passons à côté du réalisme de ce texte.
On imagine bien ce que Jésus a pu ressentir en entendant cette discussion dans ce moment-là. Heureusement que le Père du ciel a envoyé son Fils unique pour sauver le monde et qu’il ne m’a pas envoyé moi ! Parce que, moi, je sais ce que j’aurais fait et dit à la place de Jésus ! Il y aurait de quoi les prendre par les pieds pour les taper contre les murs. Rien de tout cela ! Jésus en profite pour faire encore une catéchèse sur le sens du service et encore mieux que sa patience, il leur fait une promesse solennelle à ce moment-là : « Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. » Lc 22, 28-30.
C’est inouï de voir jusqu’où Jésus a aimé ses disciples et jusqu’où il nous aime. Car moi, qui viens de m’offusquer de ce que les apôtres se chamaillaient à ce moment-là et qui annonce fièrement que je sais ce que j’aurais dit et fait à la place de Jésus, je sais bien que je ne vaux pas mieux qu’eux ! Et qu’il m’arrive, même à la messe, d’être traversé par des idées tordues !
Eh bien, pour moi, pour vous, Jésus manifeste le même amour qu’il a manifesté à Judas dans le lavement des pieds et aux autres apôtres après cette première Eucharistie partagée dans ce contexte si lourd. J’espère que nous n’avons pas de difficulté à nous retrouver aussi lamentables que Judas qui trahit Jésus … que de trahisons dans notre vie ! J’espère que nous n’avons pas de peine à nous retrouver, par moments, aussi lamentables que les apôtres qui se disputent pour savoir qui est le plus grand et qui le font dans ce moment si solennel. Un philosophe contemporain (Martin Steffens) a écrit un beau livre au titre évocateur : « Rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger. » Et St Augustin, lui-même, avouera avec tant d’humilité : « Si Dieu me retirait sa grâce, je deviendrai capable de faire tous les péchés. » (De natura et gratia)
Si nous n’avons pas de peine à nous reconnaître en eux, alors allons jusqu’au bout en reconnaissant que Jésus nous aime comme il les a aimés. Je le redis parce que je ne peux que le redire : que la méditation de ces événements de la passion nous pousse à reconnaître l’immense amour du Seigneur qui nous a aimés et s’est livré pour nous, nous qui ne le méritons pas !
2.4 Gethsémani
Après le temps au Cénacle, Jésus demande à ses apôtres de l’accompagner à Gethsémani qui va être un lieu de très grande épreuve pour lui, un lieu où Jésus va vivre une expérience qui peut tellement nous parler.
Parmi toutes les douleurs ressenties, je commence à parler de la douloureuse épreuve de la solitude que Jésus a vécue. Il a choisi 3 apôtres, sa garde rapprochée, Pierre, Jacques et Jean pour l’accompagner, pour l’aider parce que son « âme est triste à en mourir. » Mt 26,38 Et eux, ils dorment, on pourrait longuement développer ce que Jésus a pu ressentir dans cette amitié trahie au pire moment.
Mais je veux aller droit au but, car cette solitude n’est pas encore l’épreuve fondamentale. La tentation fondamentale, c’est de s’éloigner de la volonté du Père pour éviter la souffrance. Vous savez qu’à la fin du récit des Tentations, il est dit que le diable quitte Jésus jusqu’au moment favorable Lc 4,13 Eh bien, le moment favorable est arrivé pour le diable, pour qu’il puisse, dans un ultime combat, essayer de remporter la victoire. Lui qui avait été battu par K.O. au désert dans le récit des Tentations, il s’était éloigné de Jésus durant tout le ministère public n’osant plus l’attaquer directement. Oh, il ne s’était pas totalement retiré, il attaquait Jésus de manière détournée par ceux qui étaient possédés, mais il n’y avait plus d’attaque frontale comme au désert. Là, à Gethsémani, il revient pour une attaque frontale. Profitant de la souffrance de Jésus, il va chercher à mettre un écart entre la volonté du Père et la volonté de Jésus. Le diable dont le nom signifie diviseur va toujours profiter de nos moments de souffrance pour chercher à nous éloigner de Dieu, des autres et même de nos convictions les plus profondes, il est le diviseur, il cherche donc à diviser, séparer, faire perdre l’unité, l’unification.
Alors, c’est sûr, Jésus veut accomplir la mission reçue du Père : sauver les hommes, mais avec cette mort violente qui se profile, le diable va en profiter pour tenter Jésus qui en vient à demander un autre scénario au Père, un plan B. « Si c’est possible, que cette coupe passe loin de moi. » Lc 22,42 Le diable va donc profiter de cette angoisse de Jésus pour essayer d’introduire un coin (ces coins dont on se sert pour fendre les bûches) entre la volonté du Père et celle de Jésus. Jusqu’à maintenant Jésus s’était nourri de faire la volonté du Père toujours et en toutes choses. Jn 4,34 Là, on est dans le moment où l’humanité de Jésus nous est présentée dans sa plus grande vérité et fragilité, il s’en faudrait d’un rien pour que tout bascule. L’évangile nous dit que Jésus en a transpiré du sang, tellement ce combat a été rude. Lc 22,44.
Et, ce combat, il faut le dire et le redire : il l’a mené pour nous, pour moi, pour vous, pour nous qui ne le méritons pas ! Cette transpiration de sang dans son combat, il l’a versée pour nous, pour moi, pour vous, pour nous qui ne le méritons pas ! Il a combattu pour nous, il a gagné le combat pour que nous ne soyons pas accablés par nos défaites.
Finalement, au terme de ce douloureux combat, Jésus va accepter de renoncer à comprendre comment le Père va s’y prendre pour faire triompher la vie à partir de cette situation tragique. Il passe d’une confiance rationnelle à une confiance relationnelle … et c’est bien ce passage qu’il nous faut faire, nous aussi. Il ne sait pas comment la vie va l’emporter, mais il fait confiance.
2.5 L’arrestation, le procès, la nuit dans la citerne-prison
Le temps me manque pour évoquer sérieusement chacun de ces épisodes. Je ne donne que quelques éléments et vous compléterez en relisant ces textes.
- Il y a d’abord l’arrestation avec ce détachement venu l’arrêter, un détachement emmené par Judas. Quand Judas s’approche de Jésus pour lui donner ce fameux « baiser de Judas » Jésus l’appelle encore « mon ami » ! Et, c’est sûr, Jésus ne prononce pas ce mot « ami » avec ironie. Jésus l’avait dit un jour à ses apôtres : je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis Jn 15,15 … eh bien, jusqu’au bout, il montre que Judas reste son ami. Jamais il ne nous retirera ce titre qu’il nous donne à nous aussi.
- Après, il y a ce geste de Jésus qui reste bon jusqu’au bout et qui va faire un miracle pour réparer l’oreille du serviteur du Grand Prêtre que Pierre avait tranché en pensant bien faire. Lc 22,51
- Ensuite, il y a ce procès truqué mené par ceux-là mêmes qui sont chargés de défendre la vérité de la foi ! On imagine la souffrance de Jésus qui, comme il le dira quelques heures après à Pilate, est venu pour rendre témoignage à la vérité. Jn 18,37 Voir que les responsables de son peuple, les responsables choisis pour être les gardiens de la vérité sont ceux qui la bafouent le plus, quelle épreuve pour Jésus qui est la Vérité.
- Pendant ce temps, Pierre est en train de le renier par 3 fois. Jésus le lui avait annoncé. Qu’est-ce qui, dans ce moment fait le plus souffrir Jésus ?
- Entendre ces faux-témoignages qui lui permettent de comprendre que son sort est scellé ?
- Savoir que Pierre, qu’il a choisi entre tous, est en train de le renier… peut-être que Jésus se pose des questions : a-t-il vraiment fait le bon choix en confiant la responsabilité de l’Eglise à Pierre ? Jean n’aurait-il pas été meilleur ?
- Craindre pour Pierre, comment réagira-t-il quand il réalisera la portée de son reniement ? Judas s’est pendu … pourvu que Pierre n’en fasse pas autant.
On le voit bien c’est un faisceau de souffrances qui broie son cœur et tout cela pour moi pour vous qui ne le méritons pas !
- Au terme du procès, il est sorti du palais du grand-prêtre. C’est sur le chemin qu’il croise le regard de Pierre et qu’il décide, par la force de son regard de faire comprendre à Pierre qu’il sait ce qui vient de se passer.
Mais par la tendresse de ce regard, Jésus choisit de lui montrer qu’un avenir est possible, que la miséricorde pourra le relever. Jésus offrira sa vie pour le Salut de Pierre qui l’a renié … et pour moi qui ne le mérite pas !
- Il passera la nuit dans cette citerne-prison dont l’évangile ne parle pas mais qu’on visite avec émotion à St Pierre in Gallicante. Pourquoi est-on sûr de cela ? Parce que le verdict énoncé par le grand-prêtre doit être ratifié par le sanhédrin. C’est une assemblée de vieux, ils sont sûrement couchés à cette heure-là et, en plus, dans le judaïsme une sentence de procès ne peut être prononcée et exécutée de nuit, il faut donc attendre l’aube. Que faire de Jésus, il y a ces citernes-prisons que les fouilles ont mises à jour, il y passera la nuit. Peut-être que celle dans laquelle Jésus va séjourner fait fonction de collecteur d’égouts … on imagine la souffrance, la détresse. Quand on va là-bas, on invite les pèlerins à méditer le psaume 87 (liturgie) 88 (bible), (Seigneur mon Dieu en cette nuit où je crie …) priez-le, il vous permettra de ressentir tout ce que Jésus a pu ressentir, dans la solitude de cette nuit après tout ce qui vient de se passer et pressentant tout ce qui va se passer. Et tout cela pour moi … qui ne le mérite pas !
- Il y aura la comparution devant Pilate. Un brave type, ce Pilate, mais un lâche. Il aurait pu sauver Jésus, il ne le fera pas pour sauver sa carrière … Malgré tout, Jésus sauvera Pilate en donnant sa vie pour lui, pour celui qui aurait pu le sauver et qui ne l’a pas sauvé ! Il y a encore cette humiliation de voir que la foule lui préfère un bandit, cette foule pour laquelle il a accompli tant de miracles, voilà comment ils le remercient … mais Jésus donnera sa vie aussi pour eux qui ne le méritent pas puisqu’ils crient : à mort ! Il donnera sa vie aussi pour Pilate, le peureux qui aurait pu le sauver et qui ne l’a pas fait … et pour moi qui ne le mérite pas plus, comme vous d’ailleurs !
- Ensuite, c’est la flagellation et le film de Mel Gibson montre que ce n’est pas une petite correction. Les romains savaient faire ! Jésus donnera sa vie aussi pour ceux qui le flagellent et qui ne le méritent absolument pas … mais aussi pour moi qui ne le mérite pas plus !
- Il est ensuite moqué par les soldats qui lui mettent ce manteau sale sur son corps lacéré, qui lui enfoncent cette couronne d’épines sur la tête. Humilié, bafoué, il donnera sa vie aussi pour ces soldats dont la haine se déchaine gratuitement, il donne sa vie pour eux qui ne le méritent pas… et aussi pour moi qui ne le mérite pas plus !
2.6 Le chemin de croix
L’Evangile ne parle presque pas du chemin de croix sinon en mentionnant l’épisode de Simon de Cyrène. La tradition va reconstituer ce qui s’est passé sur le chemin qui le conduisait au Golgotha. Je n’ai pas le temps de méditer sur toutes les stations, il y en a 14. Ici, je veux uniquement m’arrêter sur le fait que Jésus tombe.
La croix est trop lourde pour ses pauvres épaules, surtout après tout ce qu’il vient de subir. Alors, il tombe, une première chute, mais ce n’est pas fini, il y aura aussi de nouvelles chutes et vous savez comment on appelle une nouvelle chute : une rechute. Ça me touche tellement de savoir que Jésus, parce qu’il nous aime, a voulu ressentir ce que nous pouvons ressentir quand nous tombons. Nous, c’est à cause du péché que nous faisons tant de chutes. Lui, Jésus, n’a pas connu le péché, mais il a voulu expérimenter la souffrance que nous ressentons quand nous tombons, il a voulu l’expérimenter pour mieux la porter. Il a préféré que ce soit lui qui soit écrasé par le poids de nos péchés que nous … et, de fait, ils étaient tellement lourds qu’ils l’ont fait tomber.
Chuter, c’est déjà humiliant, mais les rechutes, c’est encore pire ! Je peux vous dire que j’ai vu un certain nombre de ceux que j’accompagnais en prison revenir après avoir été libérés. Ils avaient rechuté, eh bien, quand ils demandaient à me revoir, ils n’étaient pas fiers, la rechute, c’est une très grande humiliation. Et Jésus a voulu connaître cette souffrance pour mieux la porter, il a souffert cela pour tous ceux qui chutent et rechutent, il les a sauvés alors qu’ils ne le méritent pas. Il a donné sa vie pour moi qui chute et rechute afin que, je ne sois pas désespéré par mes chutes et mes rechutes. Oh Jésus est-ce possible que tu m’aies tant aimé ? Mais ce n’est pas fini.
2.7 La mort en croix
On pourrait parler de la souffrance des clous plantés dans sa chair, de ses muscles qui se tétanisent et l’empêchent de respirer. On pourrait parler des quolibets lancés par tous ceux qui sont venus au spectacle.
On pourrait parler de la souffrance de Jésus devant la souffrance de sa mère. On pourrait parler des 7 paroles du Christ en croix. On pourrait parler de cette ultime humiliation qu’on lui inflige de l’exposer quasi nu au regard de tous. Oui, il y aurait tant à dire sur toutes ces souffrances de Jésus sur la croix.
Mais le mieux est sans doute de se taire et de reprendre conscience que tout cela, il l’a accepté pour mieux m’aimer, pour me sauver, moi qui ne le mérite pas. Pour méditer avec réalisme sur ce grand mystère d’amour, ce grand mystère du Salut, j’aime regarder chaque année le film « la Passion » de Mel Gibson et je vous avoue que chaque année, je pleure. Oui, je pleure parce que je n’arrête pas de me dire : c’est pas possible, Seigneur que tu aies vécu tout ça pour moi ! C’est pas possible que ton amour pour moi ait été aussi fort que tu aies pu accepter toutes ces souffrances. Oui, je pleure toujours devant tant d’amour. Je comprends que ce qui dit le mieux ma valeur, ce ne sont pas les actes que je suis capable d’accomplir mais ce que Jésus a fait pour moi. Il nous faut, de temps en temps, repasser dans notre cœur tout ce que Jésus a souffert dans sa passion. Heureusement, comme je le disais, chaque année, la liturgie nous aide à le faire. En tout cas, moi, quand je le fais, à chaque fois, c’est comme si j’entendais le Saint Esprit murmurer aux oreilles de mon cœur ce que disait l’officier à Ryan avant de mourir : Petit, montre-toi digne de ce qu’il a fait pour toi !
3. Alors, la vie Chrétienne, en quoi ça consiste ?
Vivre en chrétien, ça sera chercher à vivre chaque jour un peu plus dans l’amour. Ste Thérèse donnait ce secret si simple mais qui porterait tellement de fruits si on le prenait au sérieux : il s’agit de mettre un maximum d’amour dans chaque instant de nos vies. Et ça, rien ne m’empêche de le vouloir, le faire, même si je suis cloué au fond de mon lit avec une terrible maladie, je peux décider de mettre un maximum d’amour dans chaque instant de ma vie. Pourquoi je dis cela ? Smplement parce qu’il s’agit de répondre amour pour mour : à l’amour reçu, je réponds par l’amour donné.
Mais, attention, si j’essaie de vivre le mieux possible, ce n’est pas pour mériter mon Salut. Dans le passé, dans l’Eglise Catholique, hélas, on a dit des choses comme ça ! Non, nous sommes sauvés gratuitement, grâce à tout ce que Jésus a enduré pour nous. Le père Cantalamessa, un prêtre que j’aime beaucoup, qui murmure à l’oreille des papes et de ses conseillers, depuis plus de 40 ans, puisqu’il est le prédicateur de la maison pontificale, ce bon Père, un grand ami du Saint-Esprit aime dire : Toutes les religions vous diront ce que vous devez faire pour être sauvé, le christianisme est la seule religion qui vous dit ce que Dieu, en Jésus, a fait pour vous sauver ! Nous sommes sauvés grâce à tout ce que Jésus a fait pour nous. Nous, nous n’avons rien à faire sinon à accueillir dans la gratitude. Il ne manquait rien à tout ce que Jésus a fait pour nous sauver et que nous devrions compléter par nos sacrifices. Penser qu’il faut compléter, ça laisserait entendre
- qu’il manquait peut-être quelques coups de fouet dans la flagellation,
- qu’il aurait fallu rajouter quelques chutes sur le chemin de la croix,
- qu’il aurait fallu rajouter quelques clous à la crucifixion pour que ça saigne un peu plus.
- Et je ne sais quoi encore !
C’est grotesque de penser cela. Il ne manquait rien, Jésus a tout fait ce qu’il fallait faire. Toutes les religions vous diront ce que vous devez faire pour être sauvé, le christianisme est la seule religion qui vous dit ce que Dieu, en Jésus, a fait pour vous sauver !
Alors, je sais que dans l’épître aux Colossiens, Jésus va prononcer une phrase qui pourrait laisser entendre le contraire : « Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. » Col 1,24. C’est une phrase difficile à comprendre, voilà comment, moi, je la comprends : il ne manque rien, ça c’est une certitude de foi. Jésus a tout fait ce qu’il fallait et nous sommes sauvés. Mais Jésus veut nous faire une place à ses côtés quand nous souffrons car tous, il nous arrive de souffrir pour des tas de raisons.
Et, c’est comme si Jésus nous disait : quand tu souffres, viens auprès de moi, mets-toi à l’ombre de ma croix, je te fais une place pour que tu puisses vivre tes souffrances en communion avec moi. Et, ces souffrances qui, souvent, te semblent dénuées de sens, en les vivant en communion avec moi, pourront t’apporter un surcroit d’amour, de cet amour dont le monde a tant besoin.
Donc, c’est quoi vivre en Chrétien ? C’est essayer de vivre dans la gratitude pour répondre à cet immense amour que le Seigneur a déployé pour me sauver. Et, attention, ce n’est pas un amour du passé, cet amour m’est offert dans le présent puisqu’il ne cesse de me l’offrir en me pardonnant encore mes rechutes. Oui, quand je ne me montre pas digne de ce qu’il a fait pour moi et que je tombe et retombe dans ces pièges que me tend le Tentateur, alors que je les connais pourtant par cœur, à chaque fois, le Seigneur m’ouvre ses bras. Mais c’est terrible parce que, sorti de ses bras miséricordieux, je me fais encore avoir, c’est encore Paul qui exprime cela si bien : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas assez souvent alors que le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent ! Rm 7,19 Mais, heureusement pour moi et pour vous, comme aime le répéter le pape François : Dieu ne se fatigue pas de nous pardonner ! Trop souvent, c’est nous qui sommes fatigués par notre péché, c’est nous qui avons honte de notre péché et c’est ce qui fait que n’allons pas lui demander pardon aussi souvent qu’il le faudrait. Dieu ne se fatiguera jamais de nous pardonner. De la même manière, le Saint-Esprit, pour m’encourager à vivre mieux, ne se fatiguera jamais de me répéter sans cesse : Petit, montre-toi digne de ce que Jésus a fait pour toi !C’est fou cet amour de Dieu qui a toujours un coup d’avance sur moi, son pardon me devance en permanence pour que, quand je retombe, je puisse déjà voir ses bras ouverts pour me donner l’accolade de la miséricorde. Dans ces conditions, je ne peux plus me décourager, je ne peux plus avoir envie de baisser les bras pour me contenter d’une vie médiocre.
Voilà ce que c’est vivre en chrétien, c’est vivre « en sauvé ». Et ce qui est formidable, c’est de penser que nous sommes tous dans le même bateau : du pape jusqu’au dernier des moins que rien, nous sommes tous des pauvres pécheurs pardonnés par pure grâce. Ce qui nous unit profondément, ce n’est pas de partager les mêmes idées. Non, les idées, elles divisent souvent, il y a le camp de ceux qui pensent comme moi et les autres ! Ce qui nous unit profondément, c’est que nous sommes tous de pauvres pécheurs, mais des pécheurs pardonnés, aimés, pour qui Jésus a accepté de verser son sang.
Montrons-nous dignes de ce qu’il a fait pour nous ! Que tous les chrétiens qui sont tous de pauvres pécheurs pardonnés cherchent à se montrer dignes de ce que Jésus a fait pour eux. Et non seulement de ce qu’il a fait pour eux les chrétiens, mais qu’ils témoignent que Jésus a versé son sang pour tous les hommes de tous les temps. C’est Jésus qui a prononcé lui-même cette parole : la volonté de mon Père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donné. Jn 6,39 Vous avez entendu AUCUN, ce n’est pas moi qui le dis, ce n’est pas le pape, c’est Jésus ! La volonté du Père du ciel, c’est qu’aucune femme, aucun homme, aucun jeune, aucun enfant ne soit perdu. AUCUN !
Oui, c’est par grâce que nous sommes sauvés, c’est-à-dire que c’est gratuitement. Nous ne le méritons pas, mais Dieu l’a fait et, jamais, la Trinité nous présentera l’addition en disant : voilà ce que ça a coûté, la mort du Fils du Dieu : comment tu comptes rembourser ? C’est par grâce que nous sommes sauvés, et nous sommes sauvésgratuitement.
Alors, notre mission, c’est de le dire ! Il y a tellement de personnes qui ne se croient pas ou plus aimables, il y a tellement de personnes qui ont l’impression de ne compter pour personne. C’est terrible ça, comment vivre quand on a l’impression de compter pour personne ?
Vous savez que le suicide est la 2° cause de mortalité chez les jeunes. Ne rien faire, ça serait grave, ça porte un nom précis : non-assistance à personne en danger ! Comment pourrions-nous taire que tous et chacun, nous sommes uniques et précieux aux yeux de Dieu, vous entendez aux yeux de Dieu. Exister, compter pour quelqu’un, c’est déjà merveilleux, mais quand je réalise que c’est aux yeux de Dieu que j’existe, que je compte, que je suis la personne la plus importante, ça change tout ! Oui, aux yeux de Dieu, je compte, le Dieu tout-puissant qui a créé l’univers visible et invisible, je compte à ses yeux. Folie d’amour et c’est ça le cœur de la Foi des chrétiens, ce qui faisait dire à une grande amie du St Esprit, Geogette Blaquière : être chrétien, ce n’est pas croire que Dieu existe, c’est croire que, moi, j’existe pour Dieu. Oui, croire que Dieu existe, il y a plein de gens qui le croient, un peu à la manière de Voltaire qui ne concevait pas d’horloge sans horloger ! Mais croire de cette manière, ça ne change pas la vie ! Par contre, quand je réalise que moi, je compte pour Dieu, je compte tellement que, pour moi, il a lancé la grande opération « il faut sauver le soldat Hébert », alors ça change tout !
C’est ça la mission des chrétiens, le dire et pas seulement avec des mots mais surtout dans des regards et des gestes d’amour. Je suis dans un Foyer de Charité, les Foyers ont été fondés par une femme qui s’appelle Marthe Robin qui a passé l’essentiel de sa vie, paralysée. Elle a écrit un journal pendant quelques années et voilà ce qu’elle écrivait à la date du 22 février 1930 : « Jésus a soif de donner son amour. Il a soif de le donner à tous. Son Cœur adorable s’ouvre devant nous avec plus de compassion, plus de miséricordieuse tendresse que jamais. J’en ai la certitude, ayant entendu ces divines paroles il y a peu de jours dans l’oraison : « Ma fille, va, dis aux hommes combien je suis bon, pour ceux qui m’aiment et prodigue de mes bienfaits. Dis-leur à tous, mais surtout aux pécheurs, que je les aime, et que dans mon amour je n’ai véritablement pour eux que de la tendresse… Ils m’ont tant coûté. Dis-leur aussi que je suis disposé à pardonner à tous ceux qui viennent à moi avec les dispositions requises : c’est-à-dire avec respect et humilité, quelle que soit l’énormité de leurs fautes, quel que soit le nombre de leurs péchés et le temps qu’ils ont vécu dans le péché. » »
Oui, c’est ça notre mission : dire aux hommes combien Dieu est bon et le montrer tellement fort qu’ils ne pourront plus en douter. Nous resterons toujours de pauvres pécheurs pardonnés et c’est notre chance car, comme disait l’autre : « heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière ! » Nous avons donc à devenir ces témoins lumineux de l’amour inconditionnel de Dieu. Alors ceux qui bénéficieront de notre témoignage pourront grandir dans la foi. Et la foi, c’est un cadeau extrêmement précieux. J’aime cette parole qui dit : la foi, c’est comme les essuie-glaces d’une voiture, ça n’empêche pas la pluie de tomber, mais ça permet d’avancer ! C’est sûr que de savoir que Dieu m’aime, ça ne va pas supprimer toutes les difficultés de la vie, mais ça me donner une force, une pêche qui me permettra d’avancer même quand c’est dur. La foi, c’est comme les essuie-glaces d’une voiture, ça n’empêche pas la pluie de tomber, mais ça permet d’avancer !
Certains de vos amis pensent exactement le contraire, ils pensent que la foi, c’est comme un boulet qu’on se met au pied, ça t’empêche de faire plein de trucs que tu aurais pourtant envie de faire et ça t’oblige à faire plein d’autres trucs que tu n’aurais pas envie de faire ! A toi de relever le défi et de montrer que ce n’est pas vrai.
C’est pour ça que vous êtes venus participer à cette retraite, c’est pour faire et refaire cette expérience transformante de l’amour de Dieu afin de mieux pouvoir en témoigner. Seuls des chrétiens au cœur de feu pourront mettre le feu dans les cœurs. Je ne sais plus qui a dit, mais c’est tellement vrai : si vous les jeunes vous ne mettez pas le feu dans les cœurs, le monde va finir par crever de froid … et je rajoute : malgré le réchauffement climatique !
Ce feu que vous allez recevoir ces jours, veillez à l’entretenir parce qu’un feu qui n’est pas entretenu, il finit par s’éteindre. Pour entretenir ce feu, soutenez-vous les uns les autres, vous savez ce qu’on dit : un chrétien isolé est un chrétien en danger ! Oui, Petits, montrez-vous dignes de ce qu’il a fait pour vous !