17 mars : encore dans l’actualité !

Hier, c’était avec la guérison de Naaman, ce général syrien devenu lépreux, que la liturgie rejoignait notre actualité. La lèpre était, en effet, perçue comme une maladie extrêmement contagieuse et on confinait tous ceux qui étaient suspectés d’avoir contractés la maladie … toute ressemblance avec une situation existante n’était donc pas fortuite ! Aujourd’hui, les deux textes, chacun à leur manière, rejoignent encore notre actualité. Ils vont nous aider à en tirer parti sans nous laisser engluer dans des discussions qui tournent en rond dans lesquelles le Malin s’introduit avec délectation pour nous plonger dans le repli sur nous-mêmes.

Commençons par la 1° lecture tirée du livre de Daniel qui nous rapporte des faits se déroulant dans la période de l’Exil à Babylone. L’Exil, c’est une humiliation imposée aux vaincus, c’est aussi l’expérience d’un déracinement dans lequel on perd tout et on se retrouve à la merci des vainqueurs. Mais l’Exil, pour un juif, c’est d’abord une expérience douloureuse et d’une douleur dont on a du mal à mesurer l’intensité. Douleur parce qu’ils se retrouvent immergés au milieu des païens et on sait l’importance que les juifs accordaient à la pureté. Je m’excuse pour la comparaison, mais être immergé en territoire païen, c’était à peu près comme se retrouvé enfermé dans une porcherie. Mais douleur aussi parce qu’on est loin du temple et qu’on ne peut plus aller y prier, offrir des sacrifices. 

Nous connaissons tous le Ps 136 qui évoque la douleur des exilés qui sont loin du Temple : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes. C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, + et nos bourreaux, des airs joyeux : Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. » Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! Que ma langue se colle à mon palais. »

C’est exactement cette expérience que sont en train de vivre tous les chrétiens de France, d’Italie et, sûrement d’autres pays encore depuis que les mesures de confinement interdisent de se rassembler pour la célébration de l’Eucharistie. Mesurons la chance que nous avons de ne pas être soumis à cette privation et prenons-les tous dans notre intercession. Mais ce texte est justement extraordinaire pour ceux qui sont privés d’Eucharistie et, c’est pour eux que j’aurais aimé le commenter, mais peut-être que par la magie du blog, ces quelques mots leur parviendront ! Je sais qu’il parviendra à Sophie dans son confinement et, de toutes façons, cette méditation ne nous sera pas inutile car, un jour ou l’autre, à cause d’un problème de santé ou de tout autre problème, nous pouvons tous nous retrouver en situation de privation par rapport à l’Eucharistie, la prière communautaire …

Dans sa prière, Azarias, nous ouvre une porte de sortie, par le haut, quand nous nous retrouvons dans cette situation de privation. Azarias, nous le connaissons bien, parce qu’à chaque fois que nous chantons le Cantique des 3 enfants, nous prononçons son nom, il fait partie avec Ananias et Misaël des 3 jeunes amis de Daniel qui sont plongés dans la fournaise. Nous, nous savons qu’ils vont en ressortir miraculeusement indemnes, mais il n’est pas difficile d’imaginer qu’ils n’en menaient pas large quand ils y ont été placés. Non seulement, ils sont loin du Temple, mais ils risquent de mourir loin de la Terre promise. C’est dans cette situation qu’il prononce la prière de la 1° lecture.

Cette prière commence par une supplication : « À cause de ton nom, ne nous livre pas pour toujours et ne romps pas ton alliance. Ne nous retire pas ta miséricorde. » Puis elle fait un état des lieux : « Nous voici, ô Maître, le moins nombreux de tous les peuples, humiliés aujourd’hui sur toute la terre, à cause de nos péchés. Il n’est plus, en ce temps, ni prince ni chef ni prophète, plus d’holocauste ni de sacrifice, plus d’oblation ni d’offrande d’encens, plus de lieu où t’offrir nos prémices pour obtenir ta miséricorde. » Privé de Temple, voilà la situation ! Et alors, puisqu’ils risquent de mourir, j’extrapole sans confession ni communion, Azarias adresse cette prière qui ouvre une porte de sortie vers le haut pour tous ceux qui sont privés : « Mais, avec nos cœurs brisés, nos esprits humiliés, reçois-nous, comme un holocauste de béliers, de taureaux, d’agneaux gras par milliers. Que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi, car il n’est pas de honte pour qui espère en toi. » 

Pour ceux qui sont privés, l’offrande de leur vie, telle qu’elle est, remplace tous les sacrifices. Et n’est-ce pas le message que nous laisse Marthe ? Elle aura communié bien moins souvent que nous et pourtant elle aura été bien plus proche de Jésus que nous ! C’est bien par l’offrande répétée de sa vie, en union avec l’offrande que Jésus a fait de sa propre vie qu’elle a pu vivre cette intimité avec lui. C’est exactement ce chemin de l’offrande que prennent tant de malades et je l’ai même vu prendre par des détenus. Ainsi nous pouvons comprendre que le chemin de l’offrande est bien plus qu’un pis-aller quand nous sommes privés des sacrements, il peut devenir une voie royale puisque c’est le chemin de Jésus comme l’a si bien résumé la lettre aux Hébreux : « en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. » Oui, quelle belle première lecture qui nous ouvre tant d’horizons !

Rassurez-vous, mon commentaire de l’évangile sera moins long, je ferai juste deux remarques !

La 1°, c’est que ce temps que nous vivons risque, à terme, de créer quelques difficultés qui pourront générer des tensions à l’intérieur de la communauté. Alors, il nous est bon d’entendre que nous devrons aller jusqu’à nous pardonner mutuellement jusqu’à 70 fois 7 fois et vous avez bien compris que Jésus ne donne pas ce nombre pour indiquer combien de fois il faudra nous pardonner pendant cette période de confinement, mais c’est le nombre de fois par jour … et cela d’ailleurs avec ou sans confinement !

La 2° remarque que je veux faire, c’est qu’il ne raconte pas la parabole pour nous culpabiliser, mais pour que nous puissions nous émerveiller. Parce que celui qui nous pardonne 70 fois 7 fois par jour, c’est le Seigneur. Si vous pensez que c’est exagéré, reprenons notre journée depuis notre réveil : première pensée pour le Seigneur ou pas ? Avons-nous eu une parole de bénédiction pour la journée qui s’ouvre ? Il peut déjà y avoir 2 pardons reçus à 30 secondes du réveil ! Ensuite : en ouvrant notre fenêtre l’avons-nous béni pour sa création ? En rencontrant la 1° sœur de communauté qui s’est trouvée sur notre route avons-nous appelé la bénédiction du Seigneur sur elle… et sur les suivantes ? Je vais arrêter là, mais vous voyez que 490 pardons dans la journée, c’est possible ! C’est notre trésor, ce pardon que le Seigneur nous offre si souvent, c’est de l’or en barre, ça vaut 60 millions de pièces d’argent ! Serions-nous radins au point de ne pas vouloir offrir 100 pièces sur les 60 millions reçues ? 

Cet article a 3 commentaires

  1. wilhelm richard

    je vous demande pardon, mais votre homélie vaut bien plus que tout son pesant de cacahuètes, c’est un vrai régal en ce temps de Carême.

    1. Père Roger Hébert

      merci ! Le confinement me laisse plus de temps pour préparer en me tenant à l’écoute de ce que l’Esprit-Saint veut dire par mes paroles.

      1. wilhelm richard

        Il nous est demandé de rester à l’intérieur sans sortir ! …. pour mieux s’en sortir !
        moi, je vous conseille de rester tout intérieur pour mieux ressortir ce que l’Esprit va vous dire !

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