17 mars : mercredi 4° semaine de carême. Ne soyons pas oublieux !

Après quelques homélies un peu longues, en voilà une d’un format plus normal ! 

De la 1° lecture, j’aimerais garder cette caractéristique de Dieu qui nous est présenté comme celui qui n’oublie pas, enfin qui n’oublie pas ce qu’il ne faut pas oublier et qui oublie ce qu’il convient d’oublier. C’est-à-dire que c’est à peu près l’inverse de nous ! Nous, nous oublions trop souvent ce qu’il ne faudrait pas oublier : il nous arrive d’oublier un rendez-vous, d’oublier de passer un coup de fil à quelqu’un qui en aurait pourtant bien besoin, d’oublier de prendre des nouvelles de la santé d’une personne qui s’est pourtant confiée à notre prière. 

Et surtout, il nous arrive tellement souvent d’oublier tout ce que le Seigneur a fait pour nous depuis tant d’années ! Il suffit que nous traversions une difficulté pour emboucher la même trompette que ceux de Jérusalem dont la plainte nous est rapportée dans la 1° lecture : « Le Seigneur m’a abandonné, mon Seigneur m’a oublié ! » Mon Dieu qu’il faut être « oublieux » pour prononcer de telles paroles ! Il faut oublier toutes ces marques de l’amour prévenant de Dieu à notre égard, un amour qui ne cesse de nous accompagner même si nous n’en avons pas toujours conscience.

Car c’est le propre de l’amour prévenant que de rester discret. Vous connaissez sans doute cette histoire racontée par Thérèse de Lisieux que je reprends à ma manière. Un père décide d’aller faire, le lendemain, une ballade en montagne avec son fils. A partir de là, il y a 2 possibilités qu’elle nous laisse imaginer. 1° possibilité, le papa, dans la nuit se réveille en disant : je me rappelle que ce chemin est dangereux avec des pierres qui risquent de faire chuter mon enfant, je vais donc mettre le réveil très tôt et j’irai de grand matin dégager le chemin pour être sûr qu’il n’arrive rien à mon enfant. 2° possibilité, le père et le fils partent, de fait le chemin est dangereux, le fils tombe, s’ouvre le genou, le père le prend dans ses bras et court pour l’emmener chez le médecin pour le faire recoudre. Dans ce 2° cas, le fils sera très reconnaissant à son père en disant ou au moins en pensant qu’il a le meilleur des papas ! Dans le 1° cas, le fils ne saura jamais ce que son père a fait pour lui et si, par la suite, il lui arrive quelque chose, il pourra penser que son père ne s’occupe pas vraiment de lui ! Dans le 2° cas, le père a manifesté un amour rédempteur et on ne peut oublier cela, ceux qui ont été tirés de grands abimes et qui ont vécu une puissante conversion, en principe ne l’oublie pas. Dans le 1° cas, le père a manifesté un amour prévenant et cela, on risque de l’oublier car, comme je le disais, la caractéristique de l’amour prévenant, c’est de rester discret. 

Alors avant de gémir en pensant ou disant : « Le Seigneur m’a abandonné, mon Seigneur m’a oublié. » Demandons que le Saint-Esprit ouvre les yeux de notre cœur pour que nous puissions voir les marques de son amour prévenant dans notre vie et que nous ne devenions pas « oublieux » ! Je disais en commençant que nous fonctionnons à l’inverse de Dieu. Lui, il n’oublie jamais l’essentiel et l’essentiel c’est nous, chacun de nous : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. » Dieu n’oublie jamais l’essentiel par contre, notre péché, il s’empresse de l’oublier et le curé d’Ars disait dans une très belle formule, quand même assez étonnante, que Dieu oubliait même notre avenir pour mieux nous pardonner dans le présent. Oui, il oublie notre avenir, c’est-à-dire qu’il oublie que nous allons recommencer pour mieux nous offrir son pardon quand nous revenons à lui. Mais nous, nous fonctionnons à l’inverse : nous oublions l’essentiel, nous souffrons d’un manque de mémoire spirituelle, par contre la vacherie que quelqu’un nous a fait, il y a un certain temps, elle reste bien gravée dans notre mémoire ! Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Refaçonne-nous une mémoire à l’image de ta mémoire, Seigneur, nous t’en supplions !

Quand les textes d’Evangile sont tirés de St Jean et qu’ils sont des discours de Jésus, c’est toujours une terreur pour les prédicateurs ! Chaque texte est comme un feu d’artifices et on pourrait s’arrêter et faire une homélie sur chaque phrase ! Mais il faut choisir ! Alors, j’ai choisi de m’arrêter sur cette affirmation de Jésus qui dit : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre. » Cette affirmation de Jésus, les membres de Foyer peuvent vraiment la confirmer et la mettre en lien avec ce que Jésus disait à la fin du texte : « Amen, amen, je vous le dis : l’heure vient, et c’est maintenant, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. » Oui, dans les Foyers nous sommes témoins du travail du Seigneur, toujours à l’œuvre, pour faire sortir de leurs tombeaux ceux qui acceptent d’écouter sa voix, ceux qui acceptent de se laisser rejoindre par sa Parole et guérir par ses sacrements. C’est bien ce que le Seigneur avait soufflé à Marthe et qu’on trouve dans le texte fondateur qui parle de ces foyers devant devenir « la maison de son cœur ouvert à tous » et dans lesquels on sera témoin de grandes résurrections spirituelles.

Personnellement, bien avant de connaître le texte fondateur, à une époque où je n’avais aucune attirance particulière pour Marthe et où, malgré tout, mais peut-être parce qu’on ne le savait pas, il m’avait été demandé de prêcher des retraites à La Flatière. Très vite, j’ai été le témoin de ces résurrections spirituelles et très vite j’ai compris que ça ne pouvait pas être ma prédication qui était à l’origine de telles résurrections. J’ai vraiment découvert que le Père était toujours à l’œuvre, et que Jésus aussi, était à l’œuvre dans les Foyers et que leur grande œuvre c’était de redonner la vie à ceux qui pouvaient arriver comme de véritables morts vivants cachant tant bien que mal leurs grandes détresses. J’ai découvert que la fécondité d’une retraite provenait d’une belle alchimie qui mêlait les charismes du prédicateur mais aussi et peut-être surtout les vies données des membres de Foyer à la suite de Marthe et bien sûr, le travail puissant du Saint-Esprit.

Mais je suis aussi de plus en plus convaincu que nous devons nous soucier de ce qu’on pourrait appeler le « service après-vente » ! Jésus dit dans ce texte que « l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. » Cela nous fait penser à la résurrection de Lazare qui a entendu, au fond de son tombeau la parole de Jésus lui disant : « Lazare, viens dehors ! » Dans les retraites, cette même parole de puissance a rejoint nombre de retraitants qui ont osé croire qu’elle était pour eux et ils ont été tirés de leurs tombeaux. Mais il ne faudrait pas oublier la suite, Jésus a fait ce qu’il devait faire, l’impossible, il n’y a que lui qui puisse le faire, mais le possible, il nous le confie : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Nous le savons, les morts étaient entourés de bandelettes, à la voix du Seigneur, Lazare est sorti mais avec ses bandelettes, on peut imaginer qu’il marchait comme un pingouin ! Sur le moment, il n’a pas dû s’en plaindre : il venait de sortir du tombeau, il n’allait quand même pas rouspéter ! Mais Jésus a bien vu qu’il ne pouvait pas le remettre sur le chemin de la vie dans cet état, c’est pourquoi il dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » L’impossible il l’a fait et le possible, il nous le confie et c’est ce que j’appelle le service après-vente. Certes, il n’y a pas que les Foyers qui doivent être soucieux de ce « service après-vente » les paroisses dans lesquelles ces personnes vont revenir, du moins on peut l’espérer, doivent aussi en porter le souci, mais certaines sont bien pauvres et démunies, tous les curés n’ont pas forcément ce charisme d’accompagnateur qui permettra de continuer le travail opéré par Jésus. Que le Saint-Esprit nous inspire ce que nous avons à proposer pour assurer ce « service après-vente » pour que ceux qui ont été tirés de leurs tombeaux puissent être déliés de tout ce qui les empêche d’aller librement. Rappelons-nous cette affirmation de Paul disant : c’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. Oui Seigneur, montre-nous ce que tu attends de nous pour que nous collaborions de manière encore plus féconde à ton œuvre de libération.

Laisser un commentaire