Avant-hier, je parlais de la nécessité de décrypter les textes qui annoncent des catastrophes, des punitions en expliquant qu’on ne connaissait encore pas tout de Dieu quand ces événements ont été vécus et quand, plus tard, les textes qui les rapportaient ont été écrits. Et puis, il y avait cet imaginaire collectif qui invitait, pour leur donner plus de poids, à mettre dans la bouche de Dieu des avertissements de bon sens.
La 1° lecture me permet d’enfoncer ce clou car, après l’accalmie d’hier, on retrouve un texte virulent ! On a changé de prophète puisque, désormais, nous lisons Michée, mais les paroles restent très dures. « Malheur à ceux qui préparent leur mauvais coup et, du fond de leur lit, élaborent le mal ! » Et un peu plus loin, « C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : Moi, je prépare contre cette engeance un malheur où ils enfonceront jusqu’au cou. » Je l’ai déjà dit, les punitions annoncées comme venant de la main de Dieu ne sont, en fait, que les conséquences des actes mauvais, des choix tordus du peuple et de ses dirigeants. C’est l’illustration du proverbe biblique : qui sème le vent récolte la tempête ! Et les mots utilisés me permettent de faire une précision complémentaire très importante.
L’invective commence par ce mot : Malheur ! Dans notre tête et, hélas, les titres de certaines bibles viennent renforcer cela, les paroles qui suivent ce mot « malheur » sont entendues comme des malédictions : malheur-malédictions. Du coup, certains sont persuadés que Dieu maudit certaines catégories de personnes et que Jésus reprendra le flambeau en maudissant les riches, les pharisiens, les docteurs de la loi puisqu’il prononce souvent des paroles du type : malheur à vous les riches, malheur à vous les scribes et les pharisiens. Mais il est bien évident qu’ils ne maudissent personne. Dieu et Jésus ne sont qu’amour, ils ne maudissent personne. Par contre, c’est vrai, ils maudissent la richesse parce qu’elle pourrit la vie de ceux qui l’accumulent, c’est pourquoi quand on est riche, il faut vite penser à partager ! C’est vrai qu’ils maudissent le légalisme de ceux qui s’y enferment, de tous ceux qui prônent un respect aveugle des règlements et dénué de tout bon sens, attitude qui renforce l’autoritarisme. C’est pourquoi quand on est guetté par ce légalisme, il faut vite demander la prière des frères pour que le St Esprit vienne assouplir ce qui est bien trop raide !
A partir de maintenant, je vous inviterai à faire un petit exercice de gymnastique mentale. A chaque fois que vous entendrez ou lirez, dans votre Bible, le mot « malheur » vous traduirez en disant : Dieu est en train de pleurer sur eux parce qu’ils sont malheureux. Dieu pleure sur tous ceux qui sont méchants, avares, injustes, orgueilleux, j’en passe et des pires encore ! Il pleure sur eux parce que la conséquence de leurs actes mauvais va se retourner contre eux et les détruire, un jour ou l’autre. Or Dieu ne veut pas la mort du pécheur, ce qu’il veut, c’est qu’il se convertisse pour vivre, pour goûter à la vie qui n’est jamais aussi belle que lorsque je me tourne vers les autres.
Alors, interrogeons-nous, est-ce que nous pleurons assez sur tous ceux qui sont dans le malheur, sur tous les malheureux ? Oui, nous le faisons, d’ailleurs surtout dans nos prières universelles, en tout cas bien plus qu’en sortant notre portefeuille ! Nous le faisons d’autant plus volontiers quand ces personnes sont devenues malheureuses à cause de la méchanceté des autres. Mais est-ce que nous pleurons aussi sur le malheur des méchants ? Est-ce qu’à l’image de Dieu nous sommes capables de pleurer sur eux, parce que, comme Dieu, nous accordons à chaque être humain la même dignité ? Pour être encore plus concret : dans nos familles, dans nos communautés, quand un membre se retrouve plongé, de manière injuste, dans une grande souffrance alors qu’il est si bon, c’est sûr, nous pleurons sur lui. Mais quand la même chose arrive pour celui ou celle que nous ne pouvons pas sentir et qui nous fait des misères, avons-nous la même compassion ?
Et pleurer sur le méchant est déjà une bonne chose, mais elle est loin d’être suffisante. Le Seigneur nous demande bien plus ! Rappelons-nous ce que Dieu dit à Ezéchiel : « je t’ai fait guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : tu vas mourir, et que tu ne parles pas pour avertir le méchant d’abandonner sa conduite, lui, le méchant, mourra de sa faute, mais c’est à toi que je demanderai compte de son sang. » En langage clair, non seulement Dieu nous demande de la compassion à l’égard des méchants, non seulement, il nous met en garde contre tous ces moments où nous pourrions éprouver un certain contentement quand ceux qui nous en font baver éprouvent des difficultés, mais, dans ces paroles, ce que Dieu nous demande, et cela c’est vrai dans nos familles ou dans nos communautés, c’est de pratiquer la correction fraternelle. De ne pas accepter de voir des frères et sœurs partir à la dérive à cause de leur comportement qui les isole ou de leurs difficultés qui les fragilisent sans intervenir. Et, intervenir, ne consiste pas seulement dans le fait d’en parler aux responsables ! Vous allez me dire : c’est difficile, oui, c’est sûr, c’est difficile, mais depuis hier soir, vous n’avez plus le droit de chanter comme des déprimés : j’voudrais bien, mais j’peux point ! Nous avons reçu la perche du St Esprit, c’est le moment de s’en servir !
Quant à l’évangile, il est bien dans la tonalité de ce que nous avons vécu tout au long de cette retraite et, particulièrement, hier soir. En effet, la nième controverse entre Jésus et les pharisiens va être l’occasion de rappeler des paroles du prophète Isaïe qui concerne particulièrement tous ceux qui ont décidé de laisser reposer l’Esprit-Saint sur eux. Avant de les reprendre et de nous les appliquer, une petite remarque. Comme moi, vous avez sans doute été choqués d’entendre que, c’est en sortant de la synagogue que les pharisiens décident de faire mourir Jésus. Quel scandale ! Mais interrogeons-nous quand même : ne nous est-il jamais arrivé, à nous aussi, à la sortie d’une messe, d’un office de flinguer une personne par des paroles malveillantes échangées avec d’autres ou seulement avec des pensées de haines que nous avons entretenues ?
Venons-en aux paroles d’Isaïe appliquée à Jésus et qui peuvent s’appliquer, à sa suite à tous ceux qui veulent que l’Esprit-Saint demeure sur eux. « Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement. Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit. » Je ne pense pas trahir le texte en le traduisant de cette manière : « Puisqu’il a reçu mon Esprit, mon serviteur fera connaître aux nations mon jugement. » Ça signifie que celui sur qui repose l’Esprit-Saint devient un évangélisateur infatigable qui veut annoncer la bonne nouvelle de l’amour inconditionnel de Dieu pour chaque homme de chaque nation. Je continue : « Puisqu’il a reçu mon Esprit, il ne cherchera plus querelle avec les autres et il ne criera pas » Ça se passe de commentaire, c’est assez clair ! Je continue : « Puisqu’il a reçu mon Esprit, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. » Pour ceux sur qui repose le Saint-Esprit, le commérage que le pape François dénonce, y compris dans l’enceinte du Vatican, c’est fini ! Je continue encore : « Puisqu’il a reçu mon Esprit, il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit » Ceux sur qui repose le Saint-Esprit, on les reconnait facilement parce qu’ils n’enfoncent personne, ils soutiennent ceux qui sont en difficulté, ils savent redonner espérance.
Mais alors, ça veut dire que tout ça c’est notre programme puisque nous avons demandé au St Esprit de reposer sur nous et qu’il est venu. Rappelez-vous l’histoire du père Jean-François, on a prié sur nous hier soir pour que ça se voit que nous sommes habités par le Saint Esprit. Et comment on le verra ? A ces signes ! Trop fort le St Esprit !
Je comprends que vous soyez fan d’Annie Cordy avec sa bonne du cure. Avec les derniers mots de votre homélie, me vient plutôt à l’esprit JJ Goldman dont voici une version remixee.
Il suffira d’un signe, chaque matin,
Une vie pas toujours tranquille, d’être témoin,
Un feu qui nous illumine, c’est certain
C’est Dieu qui nous le délivre, par l’Esprit-Saint.