9 mai : 6° dimanche de Pâques : Comment vivre le commandement de l’amour ?

Je ne suis pas de service ce dimanche, je vous offre une homélie réchauffée !

         Certains textes d’évangile, dès que nous les entendons, nous comprenons qu’ils vont avoir un effet « poil à gratter » ! Par exemple quand Jésus invite à pardonner 70 fois 7 fois à la même personne, on n’a pas besoin de grand commentaire pour réaliser qu’on ne sera jamais dans les clous ! L’Évangile d’aujourd’hui ne nous fait pas le même effet, il nous parle de joie, il nous parle d’amour, il est donc forcément plus agréable à écouter.

         C’est vrai, pourtant il n’est pas aussi limpide que cela. Il y a quand même des questions à se poser. Comment se fait-il que Jésus associe le mot commandement au mot amour ? L’amour, pour nous, ça ne se décrète pas ; c’est un sentiment qui jaillit du plus profond de nous-mêmes. Et pourquoi précise-t-il, dans d’autres passages d’évangile, que ce commandement est nouveau ? En effet, contrairement à ce que beaucoup disent, le Premier Testament est plein de ces appels à l’amour. Bien sûr, il y a le très beau livre du Cantique des Cantiques, mais il y a aussi tant d’autres passages. Alors, prenons le temps d’examiner ces deux questions : pourquoi l’amour est-il un commandement et pourquoi Jésus dit que ce commandement est nouveau ?

         D’abord, pourquoi Jésus associe ces deux mots qui nous paraissent si loin l’un de l’autre : amour et commandement ? Si Jésus commande l’amour, c’est peut-être parce que ce n’est pas si évident que ça d’aimer ! Si on nous commande quelque chose, c’est toujours parce que ce n’est pas évident de le vivre. Par exemple, si on vous commande de ne pas dépasser le 50 km/h en ville, c’est parce que spontanément vous iriez plus vite. Il faut, en effet, se gendarmer, et c’est bien le cas de le dire, pour ne pas dépasser les 50 km/h. Comme ce n’est pas évident, on nous le commande, autrement on ne le ferait pas et pourtant, c’est vital. 

Ainsi donc, si Jésus nous commande d’aimer, c’est parce que ce n’est pas si évident que ça et pourtant c’est vital. Vous avez peut-être que, en grec, il y a trois verbes pour dire aimer. « Philein » qui désigne l’amour d’amitié. Un philosophe c’est un ami de la sagesse et tous les mots qui contiennent « phil » désignent des amis de ceci ou de cela. Il y a encore le verbe « erein » qui désigne l’amour passion on retrouve cette racine dans le mot érotique par exemple. Enfin, il y a le verbe « agapein » qui désigne l’amour sous sa forme la plus désintéressée, l’amour qui s’offre. Toutefois, il faut bien le reconnaître, aucune de ces formes n’est aussi évidente que cela à vivre. Il y a des amitiés déçues ou trahies, il y a des passions qui s’éteignent et des amours qui s’endorment. Ce n’est donc pas aussi évident que cela d’aimer, voilà pourquoi Jésus en a fait un commandement. En parlant de l’amour comme d’un commandement Jésus précise que, en régime chrétien, l’amour n’est pas une matière à option. Un chrétien ne peut pas dire moi mon truc c’est le service, ou bien c’est la prière, ou encore c’est la formation, je préfère cela à l’amour qui m’est beaucoup moins naturel. Depuis que Jésus a fait de l’amour un commandement, ce n’est pas possible de dire cela, l’amour n’est pas matière à option. Et, s’il en a fait un commandement, c’est parce que Jésus est réaliste, il sait que nous ne vivons pas dans un monde de bisounours !

         Mais alors, en quoi ce commandement est-il nouveau ? Dans l’Évangile, il y a plusieurs passages où Jésus parle de ce commandement de l’amour. Et, dans certains de ces passages, il cite même le Premier Testament : « tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. » Et, certaines fois, il rajoute : « et ton prochain comme toi-même. » Du coup, s’il peut citer le Premier Testament, c’est que l’amour n’est pas un commandement nouveau ! Pourtant, en certains passages, ce n’est pas le cas aujourd’hui, quand il formule ce commandement, Jésus dit qu’il est nouveau. La nouveauté, elle est contenue dans un tout petit mot : « aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés. » La nouveauté, elle est dans le mot : comme. En utilisant ce petit mot, Jésus veut que nous comprenions bien de quoi il parle, quand il parle d’amour. C’est d’un amour qui va jusqu’au bout dont Jésus parle. Un amour qui va jusqu’à la vie donnée et pas seulement pour ceux qui nous aiment. C’est un amour qui ne trie pas entre les personnes qui seraient aimables et celles qui ne le seraient pas. La première lecture nous a rappelé que Dieu ne fait pas de différence entre les personnes. Bref, nous pourrions relire tout l’Évangile en repérant comment Jésus aime de manière très concrète et nous dire que c’est à cet amour-là que nous sommes appelés. Il précise même que c’est la condition pour passer du statut de serviteurs à celui d’amis.

         Évidemment, la réaction de bon sens face à ce commandement nouveau, c’est de dire : « très bien Seigneur, je comprends ce que tu me demandes de vivre mais ce n’est pas possible pour moi. Je me connais trop bien, je sais que j’en suis incapable. » Oui, ça, c’est le bon sens ; mais l’Évangile est folie comme le dira Saint-Paul. Ceux qui veulent rester dans le bon sens, dans le rationnel, le raisonnable, le maîtrisable ne peuvent rien comprendre à l’Évangile. En effet, nulle part, Jésus ne nous dit que cet amour, cette qualité de l’amour nous devrons y parvenir par nos propres forces. La deuxième lecture l’explicitait de manière merveilleuse en disant que la source de l’amour vrai est en Dieu.

         J’aimais bien expliquer cela dans les homélies de mariage en prenant l’image de la fontaine de champagne. Vous avez sûrement participé déjà un repas de mariage où, à la fin de ce repas, on fait une fontaine de champagne. Vous connaissez le principe : on met les verres en pyramide, on débouche une bouteille, on remplit le verre du dessus qui, en débordant, remplit les verres du dessous. Cette fontaine de champagne, elle me fait penser à l’amour de Dieu. Parce que Dieu ne nous aime pas au compte-goutte, il aime d’un débordement d’amour. Et son amour nous fait autant de bien qu’une bonne coupe de champagne bien frais. Alors, pour aimer COMME Jésus, tendons notre verre ! C’est-à-dire, approchons-nous de Dieu, fréquentons Jésus dans les sacrements et la prière. C’est bien ce que nous venons faire chaque dimanche en participant à la messe ! Nous venons tendre notre verre qui se vide si rapidement pour que le Seigneur le remplisse et qu’ainsi nous puissions vivre de cet amour et le donner. Plus nous nous tiendrons sous cette fontaine de l’amour de Dieu et moins il y aura de risques que nous nous retrouvions à sec !

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