18 novembre : vendredi 33° semaine ordinaire. Goûter la Parole comme on goûte du bon vin !

Hier, nous étions mis en présence d’un rouleau scellé, le livre de vie qui contenait l’explicitation du dessein bienveillant de Dieu. Dans la lecture d’aujourd’hui, il est toujours question d’un livre, mais, comme nous sommes 5 chapitres plus loin, c’est donc d’un autre livre qu’il s’agit qui, bien évidemment, n’est pas sans rapport avec l’autre livre. Le texte nous parle cette fois d’un petit livre qui n’est plus entre les mains de Dieu, lui-même, mais d’un ange. Il est présenté́ à Jean avec cette invitation : « Va prendre le livre ouvert dans la main de l’ange … Prends, et dévore-le. »  Ceux qui sont familiers des Ecritures reconnaissent tout de suite dans cette invitation l’invitation qui était faite, naguère, au prophète Ezéchiel au chapitre 3 : « Fils d’homme, mange ce qui est devant toi, mange ce rouleau, et va parler à la maison d’Israël. » Ce livre, bien sûr c’est la Parole de Dieu et, d’ailleurs, on se rend compte qu’il a la même saveur pour Jean que pour Ezéchiel : dans la bouche, il est doux comme du miel. Mais l’Apocalypse précise tout de suite que, si dans la bouche, il est doux comme du miel, dans les entrailles, il a goût d’amertume. Le chapitre 3 d’Ezéchiel ne le disait pas explicitement, mais, très vite, le prophète allait découvrir que cette Parole n’est pas qu’une sucrerie agréable, elle l’oblige à prophétiser, au nom de Dieu, en annonçant des événements douloureux et ces annonces ne plaisent pas à tout le monde ce qui rendra la vie du prophète plus difficile que celle d’un vendeur de sucreries !

Comme le texte d’aujourd’hui ne comporte aucun symbole compliqué à décrypter, nous pouvons rester sur cette invitation que nous adresse la lecture à nous nourrir de la Parole car, au-delà des siècles, c’est bien à nous que s’adresse l’invitation de l’ange. Et cette invitation est d’autant plus importante que, grâce aux lectures des deux derniers jours, nous avons mieux compris l’importance des Evangiles, en particulier, et des Ecritures, en général, pour connaître le dessein bienveillant de Dieu. Les lectures nous rappelaient avec force symboles que tout est dit dans les Evangiles, dans les Ecritures et qu’il n’y avait pas besoin de chercher ailleurs. Dès lors, on comprend l’importance qu’il peut y avoir de se laisser nourrir par les Ecritures. Dès que je m’éloigne d’elles, dès que je cherche ailleurs, je risque de me déconnecter de la révélation du dessein bienveillant de Dieu.

Le père Yves Saoût, mon inspirateur du moment, raconte dans son livre cette anecdote terrible qui a sans doute beaucoup compté dans sa décision de travailler l’Apocalypse et de nous faire profiter de son travail. Une mère de famille est venue le voir pour lui demander conseil, il ne précise pas si c’était en Bolivie ou en Afrique, mais c’est dans un pays pauvre ! Elle lui raconte que son fils est rentré de l’école terrorisé ; des camarades voulaient le forcer à entrer dans leur groupe religieux qui avait toutes les allures d’une secte. Pour lui mettre la pression, ils lui ont dit : « si tu ne viens pas chez nous, tu recevras sur ton front la marque de la bête » le fameux 666 sur lequel j’aurai l’occasion de revenir demain. On imagine la terreur de ce jeune : se réveiller un matin, avec cette marque indélébile sur son front, quelle horreur ! Eh bien, voilà ce qui arrive quand on quitte les Evangiles et aussi l’Eglise et qu’on se met à la remorque de pseudo-prophètes qui semblent citer les Ecritures mais qui, en fait les utilisent sans les connaître vraiment. En tout cas sans en connaître les règles d’interprétation ce qui fait sombrer dans le fondamentalisme et toutes ses déviances. Ce que je dis maintenant n’est plus dans le livre du père Saoût, mais moi, j’aurais proposé à cette maman de suggérer la réponse suivante pour son fils : même pas peur ! J’ai déjà une marque indélébile sur mon front, c’est celle qui m’a été donnée le jour de mon Baptême !

Cette histoire raconte une situation extrême qui ne nous arrivera pas, mais, par-delà cet exemple, entendons l’importance de nous nourrir de la Parole de Dieu, une Parole lue en Eglise, pour rester capables d’interpréter avec justesse le dessein bienveillant de Dieu. S’éloigner de la Parole c’est prendre un grand risque que Paul décrit très bien dans la lettre aux Ephésiens : nous risquons de devenir comme des petits enfants, nous laissant secouer et mener à la dérive par tous les courants d’idées, au gré des hommes qui emploient la ruse pour nous entraîner dans l’erreur. Eph4,14 Continuons ! Vous aurez remarqué que l’ange donne un ordre très particulier à Jean, il ne lui dit pas comme à Ezéchiel : mange la Parole, il lui dit : dévore cette Parole ! Quand la Parole ne nous dit rien, ne nous nourrit pas, demandons-nous si nous la mangeons avec suffisamment d’appétit !

Alors peut-être que certains diront : oui, mais moi, je n’ai pas vraiment de goût à lire la Parole, je n’ai pas beaucoup d’appétit pour me laisser nourrir par la Parole. Vous savez ce qu’on dit : l’appétit vient en mangeant ! Au début, peut-être faudra-t-il se forcer un peu et ensuite, on y prend vite goût ! Et vous savez, si on profitait déjà à plein de tous les textes qui nous sont offerts chaque jour, on aurait une bonne nourriture. 3 psaumes chaque matin, plus une lecture, plus le cantique évangélique, quel petit déjeuner ! Mais voilà, peut-être qu’on les enfile un peu trop vite pour qu’ils nous nourrissent vraiment ! Ensuite, il y a les 3 textes de la messe : 1° lecture, psaume et Evangile. Au cours du chapelet, il y a souvent des paroles de l’Ecriture qui sont données ou évoquées et ça recommence à la prière du soir. Oui, ce n’est pas de nourriture que nous manquons, mais d’appétit !

Le problème, c’est qu’avec ce que nous dit l’Apocalypse, on pourrait redouter les effets que produit la Parole puisque l’Ange prévient qu’elle laissera dans nos entrailles un goût d’amertume. Oui, c’est vrai, mais avant de laisser de l’amertume dans les entrailles, elle est comme du miel dans la bouche. C’est une nouvelle version du double effet kiss cool, pour ceux qui se rappellent cette publicité des années 90 ! Avant de chercher à comprendre pourquoi la Parole va donner de l’amertume dans les entrailles, je voudrais que nous tirions du positif de cette mise en garde. Puisque, dans la bouche, elle a le bon goût, la douceur du miel, c’est une invitation à garder longtemps la Parole en bouche, vous savez comme on garde du bon vin en bouche en le faisant rouler sous la langue pour qu’il dégage tous ses arômes. Les béotiens boivent sans goûter et après ils osent dire, même avec un grand cru : bof ! Les amateurs de bon vin, quand c’est du bon vin, bien sûr, jamais ils ne laissent descendre le nectar sans l’avoir fait tourner en bouche. Alors, eux, ils deviennent capables de parler de la saveur de ce qu’ils ont bu ! J’aurais aussi pu utiliser la comparaison avec les vaches qui passent leur journée à ruminer ce qu’elles ont mangé trop vite, mais avouez que la comparaison avec le vin est quand même plus noble et plus suggestive !

Mais quand même, pourquoi la Parole laisse-t-elle cette amertume dans les entrailles ? Chacun de nous pourrait essayer de répondre en se référant à sa propre expérience. Quand est-ce que j’ai ressenti de l’amertume après avoir médité la Parole ? Pour moi, il me semble qu’il y a deux raisons.

  • La 1°, c’est qu’en méditant sérieusement la Parole, je mesure de plus en plus l’écart qu’il y a entre ce que je vis réellement et ce que la Parole me propose de vivre. Et ce qui me désole, c’est de constater que ma conversion se vit au rythme de la comptine des enfants : trois pas en avant, trois pas en arrière, trois pas sur l’côté, 3 pas d’l’autre côté !
  • La 2° raison, c’est qu’en méditant sérieusement la Parole, je mesure de plus en plus l’écart qu’il y a entre ce que le monde vit et ce que la Parole l’invite à vivre pour parvenir au Bonheur  … cet écart est encore plus grand que celui que je constatais dans ma vie ! Et ce qui me désole, c’est de voir qu’il y a tant de gens qui semblent ne pas avoir d’appétit pour se nourrir de la Parole alors qu’ils se fatiguent et s’appauvrissent à courir après ce qui, non seulement les nourrit pas, mais, plus grave, les détruit, les dessèche.

Ayant mis au jour les rasions qui peuvent provoquer cette amertume, nous sommes sûrement invités encore plus fortement à nous nourrir de la Parole. Et cela pas seulement parce que nous avons envie de retrouver le plus vite possible en bouche, le goût du miel ! Non, nous avons besoin de nous en nourrir encore et toujours parce que c’est la Parole qui hâtera notre conversion. Rappelons-nous ce que disait le Seigneur par la bouche d’Isaïe : Ma Parole ne remonte pas vers moi sans avoir produit tous es effets. A force de m’en nourrir, elle finira par porter du fruit. Et puis, si je me nourris de la Parole, il y a bien plus de chance que les paroles que j’adresse aux autres, à ceux qui sont loin de la Foi produisent aussi du fruit. Rappelons-nous : ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur ! Si mon cœur est plein de la Parole, mes paroles seront le débordement de ce qui m’habite. 

Mais voilà, ce n’est pas forcément de la Parole que mon cœur est plein. Et c’est peut-être aussi pour cela qu’il y a un goût d’amertume, c’est que la Parole que je laisse descendre en moi après l’avoir savourée en bouche, elle rencontre des trucs pas ragoûtant en moi et c’est le mélange du suave et du pas ragoûtant qui peut produire de l’amertume. Alors, Jésus, s’il te plait, viens purifier mon cœur, comme tu as purifié le Temple, pour que Ta Parole puisse produire tous ses fruits.

Laisser un commentaire