19 avril : mardi de la semaine pascale. Celui ou celle à qui on pardonne beaucoup montre beaucoup d’amour !

Tout au long du temps pascal, nous lirons, dans la première lecture, un extrait du livre des Actes des Apôtres. Tous les événements rapportés, surtout ceux de ces jours, font suite à la Pentecôte et non à Pâques. C’est très clair aujourd’hui, puisque nous avons entendu la 2° partie du discours de Pierre après la Pentecôte, puis dans les jours suivants nous verrons ce que font les apôtres après la Pentecôte, comment s’organise la 1° communauté après la Pentecôte. Mais si nous lisons tout cela après Pâques, ce n’est pas une erreur puisque tous ces textes vont nous montrer comment se diffuse la puissance de vie du ressuscité, ils vont nous inviter à contempler les fruits du Salut acquis dans le mystère pascal et que les apôtres ont eu l’audace de répandre après avoir reçu la force du Saint-Esprit. Aujourd’hui, nous assistons, ébahis, à la conversion de tant de personnes profondément touchées par la proclamation de Pierre qui n’a fait que relire tous les évènements liés au mystère pascal. Qu’il en soit ainsi pour nous au cours de cette retraite, où nous aussi, nous allons méditer sur la puissance du mystère pascal. Que cette contemplation nous conduise, nous aussi sur le chemin d’une vraie conversion.

Voilà pour la 1° lecture car, c’est surtout sur l’Evangile que j’aimerais m’arrêter. Vous connaissez la conclusion que tire Jésus du geste d’amour dont il a bénéficié, chez Simon le pharisien, de la part de cette femme pécheresse qui a toutes les chances d’être Marie-Madeleine, il dit : « ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. » Et il rajoute : « Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. »

J’aime particulièrement cette parole de Jésus parce qu’elle vient remettre les pendules à l’heure ! Nous, nous aimerions que chaque pardon soit un pas de plus vers l’impeccabilité, je prends ce mot au sens littéral, c’est-à-dire vers une vie sans péché. Qu’il ou elle me jette la première pierre, celui ou celle qui n’a jamais rêvé de pouvoir arriver devant son confesseur en disant : ce mois, zéro péché ! C’est vrai que pour vous, comme pour moi, c’est humiliant de confesser nos péchés soit parce qu’ils sont trop récurrents, soit parce qu’ils marquent tellement notre éloignement avec notre désir de nous donner toujours mieux. Ce n’est donc pas seulement par orgueil que nous aimerions pouvoir dire : zéro défaut ! Ce n’est pas que par orgueil que nous rêvons d’impeccabilité ! C’est aussi pour que notre témoignage soit plus limpide et cela quel que soit notre état de vie, quelle que soit notre vocation.

S’il y a une chose qui est sûre, c’est que Jésus ne répondra jamais à notre désir d’impeccabilité parce qu’il sait que ça serait un cadeau empoisonné. Ce qu’il attend, c’est que les pardons reçus, les nombreux pardons nous rendent miséricordieux, nous permettent de déployer beaucoup d’amour. Rappelons-nous toujours cette conclusion de Jésus chez Simon : « Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » et donc, à l’inverse, celui à qui on pardonne beaucoup et souvent montrera beaucoup d’amour. On voit que ça a été vrai dans la vie de Marie-Madeleine, cet évangile nous le montre si bien et c’est là-dessus que j’aimerais méditer avec vous, sachant qu’il y aurait eu beaucoup d’autres points de ce texte qui auraient mérité d’être développés.

Tout d’abord le texte nous montre Marie-Madeleine en larmes près du tombeau. Elle n’a pas dû avoir beaucoup de répit depuis vendredi, ses larmes ont été ses plus fidèles compagnes. Devant cet excès d’amour de Marie-Madeleine à l’égard de Jésus, nous connaissons les interprétations déviantes qui ont pu être présentées. Ceux qui parlent d’une liaison secrète n’ont rien compris et ne sont pas des lecteurs attentifs de l’Evangile. Car, justement, au cours du repas chez Simon, Marie-Madeleine a compris que Jésus était un homme totalement différent de ceux qui l’avaient approchée jusqu’à maintenant et qui avaient profité de son corps. Ce texte magnifique du repas chez Simon nous montre les gestes osés que Marie-Madeleine a pu avoir à l’égard de Jésus et c’est là qu’elle a bien vu qu’il ne réagissait pas comme les autres hommes. Quand elle le touchait, lui, il ne la regardait pas comme les autres hommes la regardait. Enfin, elle avait trouvé quelqu’un qui s’intéressait à elle, à son cœur qui ne la regardait que dans les yeux parce qu’il cherchait uniquement à réveiller l’amour endormi en elle. On comprend qu’elle en soit inconsolable de la perte d’un tel homme, de cet homme qui lui a rendu sa dignité.

Je souligne un autre détail qui nous montre cet amour extraordinaire de Marie-Madeleine à l’égard de Jésus : elle a la chance de voir 2 anges, ce n’est quand même pas rien de voir deux anges ! Vous en voyez tous les jours, vous, des anges ? Je m’excuse, mais, elle, elle s’en fiche des anges, c’est Jésus qu’elle veut ! Alors, après, quand elle voit cet homme qu’elle prend pour le jardinier, elle n’hésite pas une seule seconde : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Vous avez entendu : « j’irai le prendre », elle ne doute de rien ! Comment une femme pourrait-elle, toute seule, porter un cadavre inerte ? Il n’y a rien de plus lourd qu’un corps inerte. Mais elle ne doute de rien parce qu’elle sait que l’amour lui donnera des ailes, donc décuplera ses forces. Elle en est tellement persuadée qu’elle est déjà partie pour ne pas perdre une seconde ! Il ne lui a rien dit, elle ne sait pas dans quelle direction chercher, mais elle est déjà partie, la preuve, quand il commence à parler, elle se retourne, c’est bien le signe qu’elle était déjà partie !

Et alors, c’est merveilleux, elle entend son prénom prononcé comme Jésus seul savait le prononcer. Elle avait déjà dû être étonnée de s’entendre appelée « femme » parce que ce mot de « femme » n’était pas une appellation froide, anonyme. « Femme » c’est le si beau nom disant la dignité de l’être féminin dans le livre de la Genèse, c’est tellement vrai que c’est avec ce mot que Jésus appellera souvent sa mère. Alors, Marie-Madeleine, à part Jésus, il n’y en a pas beaucoup d’autres qui avaient dû l’appeler ainsi, « Femme » ; les hommes devaient lui donner un tas d’autres noms mais beaucoup moins glorieux ! Oui, de s’entendre appelée « femme » ça avait déjà dû éveiller son attention. Mais, quand elle s’entend appelée « Marie », alors elle comprend. Et sa réponse ne se fait pas attendre : « Rabbouni ! » Cette réponse remplie d’affection ne manque d’aucun respect. Rabbi, en hébreu, c’est maître, c’est avec ce nom respectueux que Marie-Madeleine a choisi de s’adresser à Jésus, mais, pour autant, elle ne lui dit pas rabbi, elle dit « Rabbouni » en y mettant toute son affection. Jésus avait su se faire proche d’elle, mais dans un infini respect tout en sachant répondre justement à son besoin de tendresse, de la même manière, à son tour, elle se fait proche de lui, manifestant sa tendresse, sans manquer d’aucun respect. La proximité de Marie-Madeleine ne choque pas Jésus, ce qui le chagrine, ce sont plutôt nos relations trop guindées, trop distantes, trop convenues avec lui !

Et, voyez-vous, la preuve que Marie-Madeleine ne lui manque d’aucun respect, c’est qu’elle ne se jette pas à son cou mais à ses pieds ! Comme j’aime le dire en faisant un clin d’œil aux apparitions de Paray-le-Monial, elle se jette à « ses pieds qui ont tant aimé le monde ! » Oui, avec ses pieds, Jésus a fait tant de kilomètres pour aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus. C’est pour cela que Marie-Madeleine s’était occupée de ses pieds au cours du repas chez Simon et c’est encore pour cela qu’elle se jette à ses pieds parce qu’ils restent le signe le plus visible, le plus manifeste de son amour pour elle et pour tous les hommes. Je ne pense pas que Jésus la repousse quand il lui dit : « Ne me retiens pas. » Il veut juste lui signifier que, désormais, ce n’est plus à elle de s’occuper de lui, comme elle l’avait fait chez Simon, maintenant, c’est lui qui va s’occuper d’elle et de tous les hommes, car sa résurrection puis son ascension qu’il évoque, lui permettront d’être présent à tous et à chacun en même temps, ce qu’il ne pouvait pas faire dans sa vie terrestre. Il ne lui interdit pas la relation, mais il commence à l’initier à un autre mode de relation qui sera encore plus grand.

Oui, c’est bien vrai, Jésus avait parfaitement raison : celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour mais celui à qui on a beaucoup pardonné montrera beaucoup d’amour ! C’est ce « beaucoup d’amour » que Jésus espère de nous en nous offrant si souvent son pardon, beaucoup d’amour à son égard, beaucoup d’amour entre nous. C’est ce « beaucoup d’amour » que Jésus désire bien plus que notre impeccabilité ! C’est pour cela qu’il choisit une pécheresse pardonnée, au cœur débordant d’amour, pour l’envoyer vers ses apôtres qui sont, dans le moment, eux-mêmes, des pécheurs en attente de pardon. Ainsi, Jésus voulait signifier que l’évangélisation la plus féconde sera toujours réalisée, non par des témoins impeccables, tentés par l’orgueil et l’auto-suffisance, mais par des pécheurs pardonnés laissant déborder cet amour qu’ils ont reçu sans aucun mérite et qu’ils veulent propager. Puissions-nous être de ceux-là !

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