19 mai : mercredi après l’Ascension. Le saviez-vous ? Dieu est bon !

Dieu est bon ! Je pense que vous le saviez déjà, mais je le confirme. Si vous avez écouté attentivement l’Evangile d’aujourd’hui, vous avez sûrement reconnu que c’est le même que dimanche dernier. D’habitude, quand la liturgie nous donne à quelques jours d’intervalle seulement un même texte, ça me fait râler … surtout quand je suis de prédication les jours où on a le même texte ! Mais là, je n’ai pas râlé, j’ai béni le Seigneur. En effet, dimanche, je me suis arrêté sur cette petite mention de la 2° lecture qui disait : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » Et je me suis arrêté si longuement sur cette 2° lecture que je dû me résigner à ne pas parler de l’Evangile alors que j’aurais aimé souligner deux points. Et voilà qu’une session de rattrapage m’est offerte aujourd’hui puisque nous avons le même Evangile que dimanche. Oui, vraiment Dieu est bon … je ne vais donc pas parler de la 1° lecture qui est la suite de celle d’hier et sur laquelle nous avons partagé il y a quelques semaines dans nos rencontres du jeudi sur les Actes.

Je ne commenterai que le début de l’Evangile : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. » Cette Parole, nous la connaissons bien, nous la méditons chaque année particulièrement dans le temps de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. A partir de cette Parole, j’aimerais que nous nous posions trois questions et, vous verrez que, finalement, les deux premières n’en font qu’une ! 1° question : pourquoi l’unité est-elle à ce point importante pour faire partie des toutes dernières intentions de prière que Jésus adresse à son Père avant de mourir ? 2° question : pourquoi lisons-nous cet Evangile, cette demande dans ces jours qui nous séparent de Pentecôte ? 3° question : comment parvient-on à l’unité ?

Alors, commençons par la 1° question : pourquoi l’unité est-elle à ce point importante pour faire partie des toutes dernières intentions de prière que Jésus adresse à son Père avant de mourir ? C’est sûr que les dernières paroles de quelqu’un ont un poids particulier et cette prière sacerdotale est bien prononcée dans cette situation. Le journal La Croix a fait paraitre mardi une très belle interview du généticien Axel Kahn qui est atteint d’un cancer et qui sait qu’il va mourir prochainement. Il parle avec une lucidité remuante de l’importance de ce dernier temps qui lui reste à vivre. Donc dans les toutes dernières intentions de prière que Jésus confie à son Père, il y a l’unité, signe que c’est là une réalité absolument fondamentale, incontournable de la vie chrétienne. Et pourquoi donc l’unité est si importante ? J’imagine que le prédicateur de demain commentera les versets qui suivent le texte d’Evangile d’aujourd’hui : « Que tous soient un afin que le monde croie. » Nous pressentons avec ces mots que l’unité est la condition de fécondité de toute évangélisation, mais, puisque c’est l’Evangile de demain, je n’en dis rien, même si ça me brûle les lèvres !

Du coup, je vais surtout développer le fait que l’unité est la condition pour que le Saint-Esprit puisse venir et ainsi je répondrai à la 2° question : pourquoi lisons-nous cet Evangile, cette demande dans ces jours qui nous séparent de Pentecôte ? Dimanche, dans la 1° lecture, nous entendrons cette parole étonnante : au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Si vous aviez mis une formule de ce genre dans une rédaction, le correcteur aurait écrit en marge « répétition ». En effet si on est réuni, on est tous ensemble ! Et, dans le texte grec, c’est encore pire ! Il est dit : Ils étaient tous ensemble réunis en un même lieu ! Tous ensemble – réunis – en un même lieu : ça en fait des répétitions ! C’est étonnant car les philologues ont souligné que Luc, l’auteur des Actes et donc de cette étonnante répétition, était le meilleur des écrivains de tout le Nouveau Testament. C’est ainsi que l’Evangile de Luc a été publié dans une série où on ne publie que les grandes œuvres littéraires qui sont jugées grandes en raison de l’esthétisme de la langue. Si Luc qui est un orfèvre des mots et de la langue fait cette répétition, c’est intentionnel et ça a donc du sens.

A travers cette répétition, de fait il nous est dit quelque chose de très important : l’Esprit-Saint ne peut venir dans un lieu et sur des personnes que si, dans ce lieu, il trouve des personnes qui vivent dans l’unité ou au moins dans le désir de l’unité. Ainsi donc, quand Jésus prie en demandant que tous ses disciples soient unis, c’est parce qu’il sait que sans cette unité, le Saint-Esprit ne pourra pas venir sur eux. Et, l’unité, ce n’était pas gagné dans le groupe des apôtres qui se disputaient si souvent pour savoir qui, parmi eux était le plus grand. Il faut dire qu’il y avait une telle diversité entre eux que l’unité devait être un défi permanent. Alors, bien sûr l’unité pour laquelle Jésus prie n’a rien à voir avec une uniformité. Ce n’est pas d’un alignement militaire dont Jésus rêve. On parle souvent de l’unité en termes de symphonie suggérant ainsi que chacun doit pouvoir jouer sa partition tout en sachant qu’il ne doit pas y avoir de dissonance quand il sera mis avec les autres. L’unité pour laquelle prie Jésus et qui est la condition pour que l’Esprit-Saint puisse venir, c’est une unité dans laquelle chacun se met au service de tous, mouille le maillot pour la réussite de l’ensemble sans chercher à jouer perso comme on dit au foot. 

C’est très important de réaliser que l’Esprit-Saint ne peut venir que là où il y a l’unité ou au moins le désir de l’unité. C’est un très bon critère de discernement pour comprendre pourquoi certains groupes s’essoufflent. S’essouffler, c’est manquer de souffle, or le souffle, c’est un autre nom du Saint-Esprit. Un groupe qui s’essouffle, c’est un groupe dans lequel l’Esprit-Saint n’est plus à l’œuvre et s’il n’est plus à l’œuvre, la plupart du temps, c’est parce qu’il y a de la division, il y en a dans le groupe qui cherchent à faire l’eau bénite à leur propre compte ou c’est le groupe lui-même qui se marginalise dans l’Eglise en faisant l’eau bénite à son propre compte. Là où il y a de la division, l’Esprit-Saint, si on l’appelle, pourra toujours travailler pour que l’unité revienne mais à la seule condition qu’il y ait ce désir de l’unité. Si, par contre, chacun est installé dans un périmètre d’autonomie qu’il défend jalousement, si le groupe ne veut plus accueillir les autres qui sont différents, comme des frères, alors le Saint-Esprit se retire, il ne peut rester, il ne peut travailler là où il y a de la zizanie. Et vous savez sans doute que zizanie est un mot grec « zizanon » et que c’est le nom grec d’une mauvaise herbe dont il est question dans l’Evangile, l’ivraie. Et l’ivraie, on sait que c’est l’esprit du mal qui la sème. Il faut donc être clair, on ne peut pas la nuit, laisser le champ libre à l’ennemi pour qu’il sème la zizanie et la journée supplier, les bras levés, l’Esprit-Saint de devenir l’âme de la communauté !

Je termine en répondant à la 3° question : puisque l’unité est si importante, comment peut-on y parvenir ? Eh bien le texte y répond aussi, mais la réponse est un peu cachée derrière le grec et c’est un théologien dominicain, le père Jean-Marie Tillard qui m’a permis de le découvrir dans la lecture d’un de ses livres. Qu’ils soient un, comme nous-mêmes, comme nous sommes un. La réponse à la 3° question est dans le mot COMME. En français ce mot peut avoir deux significations différentes, mais il n’y a qu’un seul mot pour ces deux significations. Le mot « comme » peut désigner l’imitation, par exemple, j’aimerais jouer au foot comme M’Bapé ! Ou alors, il peut désigner la causalité : j’ai les yeux bleus comme ma mère ! En grec, il y a deux mots puisqu’il y a deux significations. Et c’est extraordinaire car dans cette prière de Jésus, le mot grec utilisé ne désigne pas l’imitation, mais la causalité manifestant bien que l’unité est un don qui se demande et s’accueille. « Qu’ils soient un comme nous sommes un », ne signifie donc pas : qu’ils nous imitent ! Mais plutôt : qu’ils accueillent ce don de l’unité, comme on peut accueillir les yeux bleus de sa mère. C’est en restant unis au Seigneur, en restant plongés dans l’amour trinitaire que nous vivrons dans l’unité. Et, ainsi, nous sommes comme entrainés dans un cercle vertueux : plus nous vivons dans la prière plus nous sommes unis et plus nous sommes unis, plus l’Esprit-Saint nous est donné et plus l’Esprit-Saint nous est donné, plus notre unité est renforcée et plus notre unité est renforcée, plus notre évangélisation devient féconde. Que par l’intercession de St Yves, il en soit ainsi !

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    « l’Esprit ne peut travailler où il y a de la zizanie… » Cela me parle!

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