19 octobre : jeudi 28° semaine ordinaire Nous sommes sauvés GRATUITEMENT !

Ce passage de la lettre aux Romains que nous venons d’entendre, nous ne pouvons pas l’écouter sans frémir. En effet, c’est en le lisant que Luther eut cette illumination, sans doute venue du Saint-Esprit, mais qui, hélas, conduira par la suite à un nouveau schisme, l’Eglise de la Réforme et l’Eglise catholique se séparant durablement. Peut-être que vous êtes pour le moins étonnés de m’entendre dire que l’illumination que Luther a reçue venait du Saint-Esprit ! Je m’explique.

Martin Luther était un moine augustinien très exigeant avec lui-même car particulièrement scrupuleux, tellement il craignait d’être damné. Il faut dire que les prédications de l’époque parlaient plus du jugement que de la miséricorde, plus de l’enfer que du paradis ! Alors, pour tenter d’échapper à la damnation, il se rajoutait chaque jour un peu plus de pénitences. Mais, bien loin d’apaiser sa conscience, ça l’inquiétait encore plus, lui donnant des terreurs nocturnes tellement fortes qu’elles pouvaient réveiller son voisin de cellule ! Et voilà qu’en lisant la lettre aux Romains, il tombe sur ce passage dans lequel il est dit : tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu, et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Et quelques versets plus loin, il lit encore : En effet, nous estimons que l’homme devient juste par la foi, indépendamment de la pratique de la loi de Moïse. 

Le père Cantalamessa, qui a beaucoup étudié cette période de la vie de Luther, cite dans un de ses plus beaux livres, cette parole que Luther prononcera : « Lorsque je fis cette découverte, je me sentis renaître et il me semblait que les portes du paradis s’ouvraient toutes grandes pour moi. » (Cité par R. Cantalamessa La Vie dans la Seigneurie du Christ p.55) Finies les terreurs nocturnes, Luther avait compris, grâce à St Paul, qu’il ne serait pas sauvé en rajoutant des sacrifices aux sacrifices, mais qu’il était sauvé GRATUITEMENTen vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Oui, nous pouvons vraiment demander au Seigneur la grâce de nous unir à la joie de Luther, car, nous aussi, nous sommes sauvés GRATUITEMENTen vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Pour utiliser un langage plus contemporain : Celui qui a mouillé la chemise, c’est Jésus ! Celui qui a fait le job, c’est Jésus !

Est-ce à dire que la pratique des bonnes œuvres n’a plus d’importance ? Non ! Le père Cantalamessa aime dire que si Luther avait raison de dire que nous ne sommes pas sauvés par nos bonnes œuvres, il aurait dû rajouter que nous ne serons pas sauvés, non plus, sans nos bonnes œuvres ! Mais emportés par l’enthousiasme de sa découverte et, sans doute, à cause d’un dialogue de sourds avec Rome, Luther va oublier que, justement la structure de l’épitre aux Romains, elle-même, insistera sur la place des bonnes œuvres, toute la 2° partie leur sera consacrée. Dans une réflexion très équilibrée, Paul va montrer que les bonnes œuvres deviennent le test qui nous permet de vérifier si nous laissons la grâce travailler en nous. Nous ne faisons pas des bonnes œuvres pour être sauvés, nous en faisons parce que nous sommes sauvés et nos bonnes œuvres deviennent le test qui permet de vérifier que la grâce est à l’œuvre en nous et que nous ne lui mettons pas trop d’obstacles !

Je termine mon commentaire sur ce passage de l’épitre aux Romains en précisant que, si la lecture de cet extrait nous renvoie à un épisode douloureux de l’histoire de nos Eglises et de leur désunion, il est bon de rappeler qu’en octobre 1999, un accord a été signé entre l’Eglise Luthérienne et l’Eglise catholique romaine à Augsbourg, là où le schisme avait été scellé reconnaissant désormais une même compréhension de la justification partagée par les Eglises Luthériennes et Catholiques et, depuis, un certain nombre d’Eglises ont signé cet accord. C’est-à-dire que si Luther revenait et qu’il lisait des catéchèses du pape Jean-Paul II (c’est sous pontificat qu’a été signé l’accord) de Benoit XVI ou François, il n’aurait aucune raison d’aller au schisme. C’est vrai aussi des papes précédents car cet accord a levé des malentendus dans la compréhension que nous avions de nos déclarations réciproques sur le sujet. 

Ça signifie donc que le problème majeur qui nous divisait est réglé, pour autant, l’unité n’est pas encore possible car, depuis la séparation, nos Eglises ont pris des chemins qui n’ont cessé de les éloigner, il y a donc encore beaucoup à faire pour marcher ensemble vers l’unité. Mais je ne sais pas si vous avez été attentifs à cet événement lancé par la communauté de Taizé. A la veille de l’ouverture du synode sur la synodalité, il y a eu un rassemblement œcuménique, place St Pierre, où un grand nombre de responsables d’Eglises sont venus prier pour l’Eglise Catholique et particulièrement pour tous les membres du synode afin que l’Esprit-Saint les éclaire. Vous entendez : tous ont prié pour l’Eglise Catholique et la fécondité de ce synode ! Merveilleux !

Venons-en à l’Evangile, pour moi, de manière assez paradoxale, je vous l’accorde, il exprime la compassion douloureuse de Jésus à l’égard des pharisiens et des docteurs de la Loi. Jésus est compatissant précisément parce qu’ils sont en train de se perdre et de perdre tous ceux pour qui ils ont reçu une mission de guide. Dans le passage que nous avons entendu, Jésus pointe deux raisons qui expliquent leur égarement : 1°, ils refusent d’écouter les prophètes et même pire, ils les suppriment et 2°, ils enlèvent la clé de la connaissance empêchant d’entrer parce qu’eux-mêmes refusent d’entrer. Reprenons ces deux reproches extrêmement sévères et voyons comment ils sont liés et comment ils pourraient nous aider à nous examiner.

  • Dans le 1° reproche, Jésus accuse les pharisiens et les docteurs de la Loi d’avoir tué les prophètes. Depuis le tout premier, Abel jusqu’au tout dernier Zacharie. Il serait sûrement intéressant de réfléchir pourquoi Jésus classe Abel dans la liste des prophètes, mais ce n’est pas le lieu. Voilà comment je comprends cette parole parce que, bien évidemment, les pharisiens n’étaient pour rien dans la mort des prophètes, en tout cas, de la mort de la plupart des prophètes puisque ce courant religieux n’est apparu qu’au milieu du 2° siècle avant J.C. Mais il me semble que Jésus veut dire qu’avec leur sale habitude de trier les paroles des prophètes, ils finissent par les tuer en annulant la puissance de leur prédication. Heureusement que la liturgie nous interdit de trier dans les paroles de l’Ecriture parce que nous pourrions être tentés, nous aussi, de choisir ce qui nous convient en laissant ce qui nous dérange. Ceci dit, nous trions quand même, moi le 1°, en décidant de commenter plutôt telle lecture que telle autre ou tel point dans une lecture plutôt que tel autre. Mais, Dieu soit loué, les fidèles peuvent tout entendre, même ce que nous ne commenterons pas et le Saint Esprit peut les enseigner directement même sur ce que nous, nous ne pouvons pas ou nous ne voulons pas développer.
  • Le 2° reproche, est à entendre dans cette perspective : en triant, les pharisiens enlevaient la clé de la connaissance parce qu’ils refusaient eux-mêmes d’entrer, de se laisser interpeler par la Parole. Puisque de nombreuses Paroles les dérangeait, ils n’en parlaient pas ! En agissant ainsi, ils n’étaient plus les serviteurs de la Parole, mais ils se servaient de la Parole pour tenter de justifier leur médiocrité. Et, en agissant ainsi, ils ne permettaient pas à la Parole d’accomplir, dans le cœur des fidèles, son œuvre de purification et de restauration. Malheur à ceux qui agissent ainsi !

En conclusion, je dirai que le tri sélectif, c’est sans doute très bon pour l’avenir de la planète quand il s’opère dans les déchets, mais que le tri sélectif est très mauvais quand il s’opère dans l’Ecriture, ce tri devient mortifère pour l’avenir de la foi, la nôtre et celle de ceux que le Seigneur dans sa grande bonté envoie vers nous ! 

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de ne jamais trier les paroles de l’Ecriture et demandons-lui aussi la grâce de pouvoir nous réjouir sans cesse de savoir que nous sommes sauvés GRATUITEMENT !

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