2 août : 18° dimanche … un petit banc à l’ombre !

Je me rappelle quand j’ai fait le chemin de Compostelle, arrivant dans le Sud-Ouest, je n’arrive plus à me rappeler où c’était exactement, mais je me rappelle que c’était un jour de grosse chaleur alors que, jusque-là, je n’avais pas eu très chaud le long de la partie française et je me rappelle aussi que c’était un jour où je n’étais pas très en forme, je suis arrivé dans un petit coin de paradis. Il y avait un gros arbre, sous l’arbre un banc avec une mention en fer forgée, je ne me rappelle plus si c’était écrit un petit banc à l’ombre ou un petit coin à l’ombre. Il y avait aussi un panneau qui disait à peu près cela : « Ami pèlerin, ce banc a été installé pour toi, repose-toi un moment. En face dans le jardin, tu trouveras un robinet qui te permettra de boire de l’eau fraiche, il y a aussi des bouteilles de sirop, elles sont pour toi. Selon la saison, il y aura des légumes dans le jardin, tu peux te servir, ne prends que ce dont tu as besoin, laisse ce qu’il faut pour ceux qui te suivront. Si tu veux nous remercier, nous te demandons juste d’arroser un moment le jardin avec l’arrosoir car nous sommes âgés et ne pouvons plus venir tous les jours nous occuper de ce jardin que nous n’entretenons que pour les pèlerins. Et, si tu y penses, tu nous enverras une carte à ton arrivée à Compostelle. » Et il y avait leur adresse. Je me rappelle, j’en avais les larmes aux yeux. Je me suis installé sur le banc, je ne sais plus s’il y avait déjà des tomates, mais je sais que j’ai dormi paisiblement.

Je me suis dit que ces personnes devaient être de sacrées bonnes personnes pour avoir eu cette idée et continuer, malgré leur âge, à entretenir ce jardin pour les pèlerins … et tout ça gratuitement ! Quand on voit ça, on n’aurait qu’une envie, c’est de faire la connaissance de ces personnes aussi bonnes. En entendant la 1° lecture, vous n’avez pas l’impression que nous sommes invités dans un coin de paradis ressemblant comme deux gouttes d’eau à celui que je viens de décrire et même sûrement en mieux encore ? « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer ! » Quand vous entendez ces paroles, ça ne vous donne pas envie de faire connaissance avec celui qui les prononce parce que, pour proposer cela, c’est forcément quelqu’un qui a un cœur en or. Bon, je pense que je n’ai pas besoin de faire les présentations, vous le connaissez aussi bien que moi !

Et vous savez ce qu’on dit : tel Père, tel Fils ! Dans l’Evangile, on voit bien que Jésus est le digne Fils de son Père. 5000 personnes le suivent parce qu’elles sont comme des brebis sans berger, complètement désorientées et voilà qu’elles ont rencontré ce prophète qui n’est décidément pas comme les autres prêcheurs. Lui ne leur demande pas toujours plus d’efforts pour plaire à Dieu, non ! Quand il leur parle de Dieu, c’est pour leur dire que Dieu est son Père, mais pas que son Père, qu’il a un cœur universel, que son cœur bat pour chacun des hommes qui sont ses enfants, parce que ce Dieu est un père qui aime comme une mère, sachant donner à chacun une place unique contre son cœur. Il leur dit que, pour ce Dieu, nul n’est trop petit, trop pauvre, trop loin, trop pécheur pour être aimé. Et il montre que c’est bien vrai, il passe son temps à arpenter ce pays de long en large et encore en travers pour aller à la rencontre de ceux qui n’oseront jamais venir à sa rencontre. Oui, tel Père, tel Fils, ce Fils, il a lui aussi un cœur en or, un cœur sacré et même un Sacré-Cœur ! Alors, face à cette foule qui le suit et ne veut plus le lâcher, il sent qu’il faut faire quelque chose parce qu’il est tard.

Il a sûrement dû faire un signe à ses apôtres pour les mettre dans le coup. Mais eux, ils ont répondu comme, nous aussi, on répond : « L’endroit est désert et l’heure est déjà avancée. « Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de la nourriture ! » Alors, il prend les choses en main et, pour que ça soit clair, il annonce haut et fort : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Il en a des belles Jésus : donnez-leur vous-mêmes à manger … 

Dans cette foule, ils sont au moins 5000 et encore, juste en comptant les hommes et eux, les apôtres, ils n’ont que 5 pains et deux poissons, comment on fait dans ces cas-là ? Comment on fait ? Jésus va leur montrer comment on fait ! On fait le possible et pour l’impossible, on se tourne vers Dieu … en sachant que Dieu ne fera le job que si, nous, on a fait le nôtre ! Alors dans la confiance, ils acceptent d’apporter ce qu’ils ont même si ça semble dérisoire et Jésus lève les yeux au ciel comme pour dire à son Père : « Ce n’est pas toi qui, un jour, aurait dit :  Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer ! Le vin et le lait, ils n’en ont pas besoin, mais c’est de pain dont ils ont besoin. » Alors Jésus, dans une confiance absolue, prononce la bénédiction comme on le fait au début d’un repas et il prononce cette bénédiction sur les 5 pains et les deux poissons et commence le partage miraculeux.

Encore mieux que mes petits vieux sur le chemin de Compostelle, ces deux-là, ils méritent vraiment d’être connus ! Et nous, nous pouvons nous poser au moins deux questions. 

  • La première, c’est celle qui se trouvait dans la lecture d’Isaïe : « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? » C’est vrai ça, derrière quoi courons-nous toujours ? Ce qui nous mobilise tant, est-ce que ça en vaut toujours la peine ? « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? » Si nous ne sommes jamais satisfaits, si nous n’en avons jamais assez, c’est peut-être bien que ce après quoi nous courons, c’est un peu du vent, en tout cas, c’est clair : ça ne nous nourrit pas, ça nous fatigue et ça ne rassasie pas ! Et si nous prenions au sérieux cette parole que Dieu nous adresse à la suite : « Écoutez-moi bien, et vous mangerez de bonnes choses…Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle. »
  • La deuxième question, c’est : pourquoi nous n’arrivons pas à croire en la gratuité et la surabondance de l’amour de Dieu pour nous, pour chacun de nous ? Pourquoi nous avons si souvent, coincé quelque part dans notre petite tête, qu’un jour il faudra bien payer ? « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer ! » Et Jésus, quand il a nourri cette foule, il ne les a pas fait passer à la caisse ensuite ! Quand il guérissait les malades, quand il passait des heures à réconforter ceux qui n’en pouvaient plus, il ne leur envoyait pas la facture ensuite ! Jamais de facture ni dans ce monde, ni dans l’au-delà ! Avec Dieu, avec Jésus tout est gratuit et non seulement c’est gratuit, mais ils sont dans la démesure quand ils ont donné ce dont chacun avait besoin, il en reste encore : 12 paniers pleins ! S’il y en a qui veulent aller au rab, il n’y a pas de problème !

Je suis à peu près sûr que mes petits vieux sur le chemin de Compostelle, ils avaient goûté à cet amour gratuit et surabondant de Dieu et que c’est parce qu’ils y avaient goûté et qu’il l’avait tant apprécié que leur cœur est devenu si généreux. Je suis sûr que si nous y goûtons, nous aussi, nous deviendrons à notre tour généreux. Et si tous les chrétiens ont un cœur un peu plus généreux, il y aura moins de personnes désemparées qui vivront une errance épuisante comme ces brebis sans berger. Si tous les chrétiens avaient un cœur plus généreux, je suis sûr que ceux qui bénéficieraient de nos largesses ne demanderaient qu’une chose : connaître et rencontrer celui qui nous permet d’avoir un cœur d’or. Si nous sommes venus à cette messe, je pense que c’est parce que nous y avons déjà goûté à cet amour et que nous en voulons encore. Surtout, ne nous privons pas, il se donne généreusement à nous, c’est gratuit !

Cet article a 2 commentaires

  1. Anne Marie Argentier

    Je vous ai rencontré en 2006, sur le chemin de Compostelle. Je ne vous ai jamais oublié, confinée je repars dans mes souvenirs …Aprés Conques ou vous avez pris en photo mes pieds abimés et dit les vepres auquel je n’ai pas voulu assister, j’ai poursuivi le chemin. Je ne sais plus les mots que vous m’avez donné, mais le courage est revenu, mes pieds ont poursuivi le voyage, et petit à petit ont guéris. Dans la montée de St Jean pied de Port à Roncevaux, je n’avais plus la tête dans les pieds, mais dans ce paysage qui s’offrait à moi dans la beauté du monde dans la douleur et l’amour des hommes que je rencontrai.
    J’avais juste noté un nom sur un papier « prêtre avec un caddy hebert » Je pense que c’est vous. Acceptez que je vous dise merci merci de tout mon coeur. Anne Marie ……si ce n’est pas vous merci pour lui

    1. Père Roger Hébert

      Oh Anne-Marie, quelle joie de vous retrouver ! Je me souviens très bien de vous ! Je vous ai répondu directement par mail !

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