Jésus emmène ses disciples faire une longue marche, ils vont en direction de Césarée de Philippe, c’est-à-dire tout à fait au Nord du pays, pas très loin de la frontière avec le Liban, là où le Jourdain prend sa source. Vous le savez, tous les détails sont importants et c’est souvent l’attention aux détails qui va nous permettre de faire chanter l’Evangile.
Reprenons le fait qu’ils sont invités, par Jésus, à faire une longue marche. Moi qui ai fait les 1560 km du Chemin de St Jacques de Compostelle en 2 mois, je peux vous dire qu’il n’y a rien de tel que la marche pour réfléchir … surtout quand cette marche ne présente pas trop de difficulté et ne réclame que de l’endurance. La marche en montagne que j’aime beaucoup par ailleurs ne permet pas autant la réflexion car il faut rester concentré. Et Jésus voulait que ses apôtres puissent réfléchir. Il venait d’accomplir 3 signes étonnants uniquement pour eux et pour ceux qui en ont bénéficié, bien sûr !
- A la multiplication des pains, la foule ne savait pas ce qui s’était passé, mais les apôtres étaient aux premières loges pour voir la puissance de Jésus.
- Il y a eu, encadrant cette multiplication des pains, 2 guérisons que Jésus a faites à l’écart, donc avec les apôtres comme seuls témoins, guérison d’un homme sourd et mal-parlant et guérison d’un aveugle.
Nous le savons, les miracles sont comme des catéchèses en actes et là, le fait que les apôtres en soient les seuls témoins montre que Jésus a voulu faire ces catéchèses en actes pour eux. Il faut donc leur donner le temps de réfléchir, de ruminer tout cela pour qu’ils puissent en dégager la signification profonde.
- Avec la catéchèse en actes de la multiplication des pains, ils sont invités à découvrir qu’avec Jésus, ils ne manqueront jamais de l’essentiel. Ça ne veut pas dire que Jésus va régler ou faire disparaitre tous les problèmes, mais ça veut dire que s’ils lui font vraiment confiance, ils ne manqueront jamais de l’essentiel. Mais ça, ils sont loin de l’avoir compris puisque, quelques versets avant le texte d’évangile d’aujourd’hui, on les voit monter dans la barque et s’inquiéter terriblement parce qu’ils ont oublié de prendre du pain. Jésus est en train de les enseigner, mais eux n’écoutent rien tellement ils se font du souci ! Pour les faire réfléchir sur le côté absurde de leurs soucis, Jésus est obligé de leur rappeler la multiplication des pains. Il est là avec eux, de quoi pourraient-ils manquer d’essentiel ? C’est un peu comme si un chauffeur de camion-citerne de gas-oil avait peur de tomber en panne sèche ! Le souci qu’ils se font montre qu’ils n’ont pas intégré le sens de cette catéchèse en actes de la multiplication des pains. Une bonne marche permettra d’y réfléchir plus sérieusement !
- Et les deux guérisons à l’écart avaient pour but de justement leur montrer que les grands aveugles, ce sont eux puisqu’ils ne sont pas capables de voir ce que les miracles signifient. Les sourds les plus coriaces, les plus bouchés ce sont eux puisqu’ils n’entendent pas le sens des enseignements de Jésus. Les aveugles qui sont le plus dans la nuit, ce sont eux puisqu’ils ne sont pas capables de voir la puissance de Dieu qui se déploie en Jésus pour eux.
Vraiment, ils ont besoin d’une bonne marche silencieuse pour réfléchir au sens, à la portée de ces catéchèses en actes. Vous savez, un peu comme quand votre ordinateur mouline un peu avec la petite roue qui tourne à l’écran vous signalant qu’il est en train d’intégrer ce que vous lui avez fait avaler ! Au cours de cette marche, il y a la petite roue qui tourne dans la tête et le cœur des apôtres !
Et pour alimenter encore un peu plus leur réflexion, il leur pose une question sur le chemin : « Au dire des gens, qui suis-je ? » C’est le 1° sondage d’opinion ! Les apôtres répondent : pour tant de % tu es Jean-Baptiste et pour tant de % tu es Elie et pour le reste, tu es simplement un prophète. Alors, c’est comme si Jésus leur disait : ok, mais, finalement, ça m’intéresse assez peu de savoir ce que les gens pensent de moi, je ne faisais pas un sondage de popularité car c’est le dernier de mes soucis. Ce qui m’intéresse, c’est vous, ce que vous pensez, ce que vous avez compris, alors vous, que dites-vous, pour vous qui suis-je ?
L’Evangile de Marc (qui est un évangile qui va vite) nous laisse entendre que Pierre a répondu tout de suite. Moi, je suis à peu près sûr qu’après avoir posé la question, Jésus leur a dit : puisque, depuis le début de la marche, vous réfléchissez à tout ce qu’on vient de vivre, à tout ce que j’ai essayé de vous faire comprendre eh bien, prenez le temps de réfléchir à cette question en l’intégrant à tout ce que vous avez déjà mouliné dans votre tête et dans votre cœur.
Et puis, au bout d’un moment, pourquoi pas en arrivant à proximité des sources du Jourdain, ce site magnifique qu’on visite aujourd’hui encore. Jésus leur dit : alors vous, que dites-vous, pour vous qui suis-je ? Et c’est là que Pierre donne cette réponse magnifique que, seuls les premiers de classe sont capables de faire : Tu es le Christ. Et si, comme c’est vraisemblable, tout cela a lieu près des sources, on peut interpréter cette réponse de Pierre comme une manière de dire : après cette longue réflexion, nous avons compris qui tu es, tu es le Christ, Toi seul, tu peux être la source du Bonheur, la source de la Vie véritable. Oui, magnifique réponse d’un premier de classe qui a dû toucher profondément le cœur de Jésus qui s’est dit : la marche a été profitable, non seulement ils ont fait du chemin avec leurs pieds, mais ils ont fait aussi un beau chemin dans leurs têtes et dans leurs cœurs !
Alors Jésus sent qu’il peut aller un peu plus loin pour les enseigner et il leur fait partager ce qui va lui arriver. Il est venu pour sauver les hommes, mais il a compris que cette mission il ne pourra pas l’accomplir sans donner sa vie et que ça ne va pas être une partie de plaisir. Et derrière cette confidence, il invite les apôtres à entendre qu’ils risquent bien d’être entrainés, eux aussi, à sa suite à donner leur vie. C’est alors que le 1° de classe se rebelle en disant : sûrement pas, on va se débrouiller pour que ça se passe autrement et mieux. Et, là Pierre, va prendre comme une grande claque quand il entend Jésus le traiter de Satan. Il a encore du chemin à faire, ce brave Pierre, la suite de l’Evangile va le montrer.
Aujourd’hui, c’est à vous, c’est à moi, c’est à nous tous que Jésus pose cette question : là où tu en es dans ton chemin, dis-moi franchement, pour toi, qui suis-je ? Et attention, je ne te demande pas une réponse de premier de classe ! Ce n’est pas de ta tête que cette réponse doit jaillir, mais de ton cœur ! Quelle que soit ta réponse, rassure-toi, ton chemin n’est pas fini, tu auras encore tant à découvrir sur moi ! Et puis, même si tu sèches un peu pour répondre, rappelle-toi que, lorsque tu paraitras devant moi, je n’attendrai pas de toi une réponse de premier de classe, mais je n’attendrai qu’une chose : que tu oses te jeter dans les bras tel que tu seras !
Souchon chantait : on avance, on avance, c’est une évidence, mais on n’a plus assez d’essence pour faire la route dans l.´autre sens.
N’oserai rajouter :
marcher dans l’espérance
sinon nous allons à contresens.
Regardez sans cesse ta Présence
pour vaincre toutes nos peurs et nos resistances.
Dans tes bras Seigneur tu nous déverseras d’infinies récompenses.
Bien vu !