2 avril : élève Jésus, vous me copierez ça 100 fois !

« Avant qu’Abraham fut, je suis ! » Celles, parmi vous, qui ont été profs de français seraient tentées de sortir leur stylo rouge et d’entourer de plusieurs traits cette horrible faute d’accord des temps … peut-être même qu’elles auraient mis dans la marge : « avant qu’Abraham fut, j’étais ! Elève Jésus vous le recopierez 100 fois, comme ça la prochaine fois, vous ne recommencerez pas ! »

Vous aurez remarqué que les juifs, eux, sont encore plus sévères que la plus sévère des profs de français puisqu’ils ramassent des pierres pour le lapider ! Je galèje, bien sûr, car ce n’est pas en raison de sa faute d’accord de temps que les juifs veulent le lapider, mais qu’ils ont bien compris que Jésus ne faisait pas de faute d’accord de temps et que, ce qu’il disait, il le disait sciemment. D’ailleurs, comment Jésus pourrait-il faire une faute de français ou de n’importe quelle autre langue puisqu’il est le Verbe incarné ?!

« Avant qu’Abraham fut, je suis ! » Vous le savez bien cet emploi de « je suis » est bien plus que la conjugaison du verbe être au présent de l’indicatif et à la 1° personne du singulier. « Je suis » c’est le nom même de Dieu, ce nom qu’il révèle à Moïse du milieu du buisson ardent en Ex 3,14. Rappelez-vous, Dieu appelle Moïse à libérer son peuple, il lui dit : « Tu vas aller voir pharaon et tu lui demanderas de laisser partir mon peuple qui lui rend pourtant tant de services puisqu’ils font ces travaux d’esclaves que personne ne veut faire et qui sont pourtant si indispensables pour permettre au pays de lancer son grand programme de construction. » 

Moïse a bien flairé le traquenard, comment pharaon pourrait-il accepter cette demande … alors Moïse essaie de jouer la montre pour retarder cette entrevue à risques, il dit à Dieu : « Je vais aller voir Pharaon, je vais lui expliquer ‘tout ça tout ça’ … et il va forcément me demander : et comment s’appelle ce Dieu qui a un tel culot pour t’envoyer faire cette demande ? Qu’est-ce que je vais lui dire moi ? Parce que, jusqu’à maintenant, on t’appelait le Dieu des pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob … mais Pharaon, lui, l’histoire d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ça ne lui dit rien ! Alors, je lui dis quoi ? » 

Il est fort possible que, de cette manière, Moïse espérait retarder la mission parce qu’il n’imaginait pas que Dieu puisse donner son nom comme ça. En effet, dans cette culture, connaître le nom d’une personne, c’est connaitre cette personne, parce que, à la différence de chez nous, le nom ne sert pas d’abord à distinguer, il sert plutôt à identifier. Chez nous, le nom sert à distinguer : si j’appelle Marinette, elle va répondre parce qu’elle est unique et si jamais il y en avait deux, il suffirait que je rajoute son nom de famille ou son petit nom pour qu’elle sache tout de suite à qui je veux m’adresser. Mais, dans la mentalité sémite, ce n’est pas comme ça que ça marche ! Le nom, il ne sert pas d’abord à distinguer, mais à identifier, c’est pour cela que les noms ont, la plupart du temps, une portée symbolique. On le voit bien avec le changement du nom d’Abram en Abraham. Abram, en hébreu, c’est un beau nom, ça signifie « Père des hauteurs » c’est presque un titre de gloire, Abram, c’est un homme de haut rang si vous voulez. Mais pour Dieu les honneurs, ça n’est pas sa tasse de thé, alors, quand il l’appelle, il change son nom en Abraham, c’est-à-dire « Père d’une multitude » toute sa mission est résumée dans son nom, une mission qui est aussi une promesse puisque, à ce moment, Abraham n’a encore pas eu d’enfant ni avec sa servante, ni avec sa femme.

Revenons à Dieu et à la révélation de son nom !

Je vous l’ai dit, c’était délicat pour Dieu de donner son nom puisque, connaitre un nom, c’est connaitre une personne et donc, d’une certaine manière, avoir un certain pouvoir sur cette personne. Or, qui peut prétendre connaître Dieu ? Il va falloir que Dieu joue « serré » pour trouver un moyen, tout en donnant son nom, de ne pas laisser croire aux hommes que, connaissant son nom, ils pourraient mettre la main sur lui en prétendant le connaître, Lui … Quel défi ! Mais, comme Dieu est génial, ça ne va pas être un problème de le relever. Il va donner son nom, en hébreu, bien sûr ! Et ça donne ça : « Eyeh Asher Eyeh. » Une locution qui donne bien des sueurs froides aux traducteurs tellement elle est difficile à traduire. De manière habituelle, on traduit en disant, comme dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Je suis » L’inconvénient de cette traduction, si vous me permettez ce mot compliqué et qui, peut-être, n’existe même pas en philosophie, c’est qu’elle est ontologisante. C’est-à-dire qu’elle transforme le nom de Dieu en une définition de philosophie. 

Certains exégètes proposent de traduire en disant : « Je suis qui je serai » ou « tu verras bien qui je suis ! » Et cette traduction est bien plus sérieuse qu’il n’y parait ! Ça signifie que Dieu va manifester qui il est par tout ce qu’il fera en faveur de son peuple. Ce n’est pas en faisant de grands débats philosophico-théologiques qu’on va connaître Dieu, c’est en regardant ce qu’il fait, qu’on apprendra à vraiment le connaître. Et c’est là que je retombe sur mes pieds en retrouvant l’Evangile ! Quand Jésus s’attribue le nom de Dieu, ça met les juifs hors d’eux parce que, c’est comme s’il leur disait : regardez ce que je fais et vous verrez que ça ne fait pas l’ombre d’un doute, je suis Dieu. Mais justement, quand ils regardent ce que fait Jésus, peur eux c’est la preuve qu’il n’est pas Dieu. 

Je l’ai déjà évoqué une fois ou l’autre, la devise de Jésus aurait pu être : toujours plus bas ! En méditant le chemin de croix la semaine dernière, nous avions vu que pour Jésus, ce n’était jamais assez, il fallait aller toujours plus bas. C’est ce qu’on appelle en langage théologique le mystère de la Kénose, de l’abaissement de Dieu en Jésus. Mais, pour les juifs, ça ne passe pas ! Comment celui qu’ils appellent le Très Haut pourrait-il se faire le Très Bas ? Je ne sais pas si vous savez mais l’élément déterminant qui empêche les juifs, aujourd’hui encore, de croire que Jésus est le Messie attendu, c’est sa mort sur la Croix. Pour eux cette fin lamentable est la signature de son imposture. S’il avait été Dieu, il n’aurait pas pu finir dans de telles souffrances, de telles humiliations.

Et, justement, quand Jésus s’attribue le nom de Dieu, il renforce ce sentiment d’imposture qui explique pourquoi ils veulent le lapider. Je vous rappelle qu’en s’attribuant le nom de Dieu, c’est comme si Jésus disait : « Vous verrez qui je suis ! » « Ce que je suis sera manifesté par mes actes. » Bien sûr, il y a quelques actes de puissance, ses miracles qui plaideraient en sa faveur, mais, hélas, il a la mauvaise habitude de les accomplir le jour du Sabbat et de profaner ainsi la Loi de Dieu. Mais il y a tout le reste qui plaide en sa défaveur : il fréquente tous les infréquentables ! Le cortège de ceux qui suivaient Jésus, c’était la cour des miracles : infirmes en tous genres, pécheurs de toutes les catégories et particulièrement les plus détestables, pauvres et marginaux. Enfin, ce n’est pas très sérieux d’imaginer que Dieu, en Jésus, se plaise en leur compagnie et qu’il s’y plaise tellement qu’il passe ses journées avec eux et que c’est pour eux qu’il accomplit les plus grandes merveilles ! Ce n’est pas sérieux, si Jésus était vraiment Dieu, il passerait ses journées au Temple, avec les théologiens et les prêtres ! Le Très-Haut se rencontre en s’élevant, le Tout-puissant se révèle dans la puissance.

Oui, c’est ça la logique, mais Dieu n’est pas raisonnable, le Très-Haut a voulu se faire le Très-Bas, le Tout-puissant a choisi de se révéler dans la faiblesse. C’est le grand mystère de la Kénose que nous allons contempler la semaine prochaine, un mystère qui n’a pas fini de nous émerveiller et de nous tenir dans la gratitude. Parce que, si Dieu avait fait un autre choix, nous ne serions pas là ! Je suis de plus en plus persuadé que le slogan des Mac Do est celui qui résume le mieux l’attitude de foi : Venez comme vous êtes, laissez-vous aimer comme vous êtes !

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    Élève Hébert, abaissez-vous. Voyons voir si vous êtes imparfait ou plus-que-parfait.
    Je vais vous interROGER avec deux questions :
    1 – Pouvez-vous me conjuguer le verbe « descendre en haut » au parfait présent du futur passé ?
    Réponse : je veux ressusciter pour Pâques.
    2 – Qui « suis-je » si on ôte mon « i » et que l’on me lit en verlan ?
    Réponse : JÉSUS
    ( vous enlever la lettre « i » à « suis je », cela donne « sus je ». Et maintenant, vous lisez « sus je » à l’envers !!!
    Très bien, chapeau bas, je vais pouvoir élever votre note.

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