Je me rappelle ce détenu que j’avais visité quand j’étais aumônier de prison et qui m’avait réclamé une Bible dès son incarcération. Lui qui était très loin d’être une grenouille de bénitier, il voulait profiter de ce temps pour lire la Bible, ce que, évidemment, il n’avait encore jamais fait ! Je lui donne une Bible et lui conseille de ne pas commencer par le début mais de l’ouvrir aux 2/3 et de commencer avec le Nouveau Testament. Je n’ai pas le temps de raconter tous les détails de ces merveilleuses rencontres que j’ai eues avec lui. Toujours est-il qu’une semaine après lui avoir donné la Bible, je suis retourné le voir pour savoir où il en était. Il me montre, il en était presque aux 2/3 parce qu’il me dit qu’il n’avait jamais lu un livre en commençant presque à la fin ! Il avait donc commencé au début. Je lui demande si ce n’est pas trop compliqué et il me répond, non, parce que ça parle de moi à toutes les pages ! Je te bénis, Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ! Très vite, il avait décidé de ne pas se laisser arrêter, décourager par les passages compliqués ou rébarbatifs. Et, telle une abeille, il faisait son miel en butinant le meilleur des passages qu’il lisait découvrant que, d’une manière ou d’une autre, tous ses problèmes, toutes ses questions étaient évoquées dans la Bible. C’est tellement beau de lire la Bible de cette manière ! Manifestement, pour lire ainsi, avec un tel profit, sans qu’il ne le sache, bien sûr, il avait reçu comme une effusion du Saint-Esprit. Demandons cette même grâce afin que la Parole devienne aussi parlante pour nous.
C’est un peu cette manière de lire que je vous propose d’appliquer à la 1° lecture d’aujourd’hui. Il est question du roi Ezéchias, bien des rois d’Israël n’ont pas été à la hauteur de la mission qui leur avait été confiée, ce n’est pas le cas du roi Ezékias. Et voilà que ce bon roi Ezekias tombe malade et malade d’une maladie terrible, on nous parle d’ulcère, c’est-à-dire d’une maladie de peau qui le rendait impur l’empêchant de pouvoir entrer au Temple pour y offrir des sacrifices avant de mourir. Quelle injustice pour ce bon roi, fidèle serviteur du Seigneur qui avait conduit une réforme pour faire disparaitre les sanctuaires dédiés aux idoles et les cultes qui y étaient célébrés. On comprend qu’il fasse part de sa révolte au Seigneur en prenant le prophète comme témoin : « Ah ! Seigneur, souviens-toi ! J’ai marché en ta présence, dans la loyauté et d’un cœur sans partage, et j’ai fait ce qui est bien à tes yeux. Puis le roi Ézékias fondit en larmes. » C’est l’injuste souffrance du juste dont il est question dans ce texte, un drame auquel nous sommes tous confrontés un jour à l’autre avec la maladie, la mort si profondément injuste de ceux que nous aimons. Pour nous aider à vivre ces situations impossibles, recueillons ce que nous dit ce texte magnifique. Je voudrais retenir 3 points.
Le 1° point, c’est la réponse si consolante de Dieu qui dit, en réponse à la prière d’Ezékias : « J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. » Tout le Premier Testament l’atteste déjà, notre Dieu n’est pas un Dieu insensible, perdu dans son ciel qui se ficherait pas mal du sort des hommes et même pire encore qui déciderait de s’amuser en envoyant tel problème sur tel pays, telle maladie sur telle personne, tel accident pour ravager cette famille bien trop heureuse. « J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. » Oui, tout au long de l’histoire sainte, Dieu entend, Dieu voit, Dieu est ému de compassion. Il voit la souffrance d’Abraham et Sarah confrontés à la stérilité. Et quand les hébreux sont réduits en esclavage en Egypte, nous avons ces paroles qui nous parlent déjà d’un Dieu si proche : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. » Et Dieu ne fera pas que s’émouvoir, il appellera et enverra Moïse.
Il en est ainsi tout au long de l’histoire sainte jusqu’au moment où la Trinité fera une réunion d’urgence parce que rien ne s’arrange dans la situation des hommes et le Fils éternel accepte la mission du Père, accompagné par la douce puissance du St Esprit, de descendre pour se donner totalement afin qu’aucun homme ne soit perdu. Je me rappellerai toujours cette réflexion d’un musulman en prison me disant au cours d’une discussion, à l’époque où c’était encore possible de discuter sans que les barbus n’interviennent : vous avez de la chance, vous les chrétiens, d’avoir un Dieu proche !
Le 2° point que je retiens de cette belle lecture, c’est le fait que Dieu rajoute 15 années à la vie du Roi, c’est un beau cadeau ! Il a obtenu la guérison qui lui donne une rémission et qui lui permet donc d’aller à nouveau au Temple. Mais ce que je trouve très beau, c’est la manière dont il obtient la guérison par ce moyen si dérisoire du gâteau de figues appliqué sur sa plaie ! Certes, le figuier était connu comme un arbre médicinal, mais, quand même, comment imaginer qu’un gâteau de figues appliqué sur une plaie puisse donner la guérison ? Dieu agit toujours ainsi, utilisant des moyens dérisoires, ce sera aussi le cas pour la guérison du général syrien Naaman. Ces moyens dérisoires sont uniquement là pour nous dire qu’en fait, il n’y a jamais de magie, comme e fera remarquer Jésus dans la plupart des guérisons qu’il opérera, c’est la foi qui agit. Il n’y a jamais de grands rituels utilisés qui seraient à respecter à la règle pour que ça marche. Méfions-nous de toutes les prières magiques qu’on nous propose de réciter sans changer un mot pour faire face à tel ou tel type de problème. La seule question que le Seigneur nous pose, c’est : crois-tu que je puisse faire quelque chose pour toi et acceptes-tu de me donner carte blanche pour que je puisse agir non pas comme toi tu l’as décidé, mais comme moi, je veux le faire ? Et la foi nous garantit que, si tous ne sont pas guéris, tous sont visités et sauvés. C’est ce que je veux souligner dans le dernier point.
Le 3° et dernier point sur lequel je m’arrête, c’est ce signe étonnant : « Voici le signe que le Seigneur te donne pour montrer qu’il accomplira sa promesse : Je vais faire reculer de dix degrés l’ombre qui est déjà descendue sur le cadran solaire d’Acaz. » Les exégètes archéologues discutent pour savoir ce qu’est ce cadran solaire d’Acaz qui est le père d’Ezékias : est-ce un véritable cadran solaire ? Est-ce un escalier astronomique dont chaque marche indiquerait une heure de la journée ? Peu importe ! En proposant ce signe, Dieu n’a pas voulu faire un coup pour épater la galerie. Ce qu’il montre, c’est un signe destiné à tous, bien sûr au roi qui va être guéri, mais ce signe tout le monde pourra le voir parce qu’il est pour tout le monde, même pour ceux qui ne seront jamais guéris alors qu’ils l’ont demandé. Dieu est celui qui fait reculer l’ombre dans nos vies, Dieu est comme un soleil qui s’approche de nos vies et dont le rayonnement devient capable de faire reculer l’ombre. Voilà le signe qui est donné à tous, voilà le signe qui est pour tous. Et c’est bien ce qui nous sera proposé de vivre ce soir.
Dans sa souveraine liberté, l’Esprit agira dans le cœur de tous ceux qui lui ouvriront leur porte sans restriction d’aucun ordre, car je rappelle ce que disait St Bonaventure : « l’Esprit-Saint vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu. » Il agira dans le cœur de chacun, nul ne peut prévoir ce qu’il recevra. Mais ce que nous recevrons tous à coup sûr, c’est la venue du soleil dans nos cœurs qui fera reculer l’ombre. Et ça, vous ne croyez pas que c’est la promesse la plus merveilleuse que le Seigneur puisse nous faire, une promesse bien plus désirable que tous nos légitimes souhaits ou plutôt une promesse qui porte à leur accomplissement tous nos désirs légitimes.
« On se donne du soleil dans la nuit…
On est comme… des enfants éblouis! »
(chanson de Gérard Blanc)
Amen ! 😉
À l’occasion de l’ouverture de cette messe du 17 juillet, vous nous avez exhorté à ne pas être des spectateurs intérieurs. Or, actuellement, dans les enceintes sportives, les spectateurs sont aux abonnés absents vu les rencontres à huis clos. Peut-être qu’une autre Rencontre (avec un grand R -comme Roger par exemple ?-) est souhaitable …
Par ailleurs, notre Pape ne nous demande t-il pas de sortir dehors et d’aller à la périphérie ?