20 avril : mercredi de la semaine pascale. Premier miracle des apôtres … invitation à évaluer le sens de nos déceptions.

« De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » C’est une des paroles de l’Ecriture qui me marque beaucoup et cela pour deux raisons.

La 1° raison, c’est que j’aurais trop aimé être avec eux pour voir la tête de Jean et de Pierre quand cette parole est sortie des lèvres de Pierre. La tête de Jean d’abord parce qu’il a dû se demander quelle mouche avait piqué ce pauvre Pierre pour qu’il ose parler comme Jésus ? Et la tête de Pierre également car il a dû se demander si ça allait marcher ! Oui, parce que vous assistez en direct au premier acte de puissance accompli par les apôtres en l’absence de Jésus, car dans ce texte nous sommes après l’Ascension et la Pentecôte. Pierre ne fanfaronne plus, comme il l’avait fait dans la barque quand il avait dit : si tu m’appelles, je suis cap de marcher sur les eaux ! Là, il s’appuie sur sa foi (foi sauve), sur la puissance du nom de Jésus invoqué pour sauver ce pauvre homme. 

C’est vrai, la parole de Pierre est une parole complètement folle selon la rationalité, mais il n’a pas peur de la prononcer car il ose croire que la puissance par laquelle Jésus accomplissait des miracles, toute la puissance de Dieu est désormais entre leurs mains à eux, les apôtres. C’est la fameuse parole de Paul que je trouve tellement extraordinaire : « Dieu déploie pour nous, les croyants, une puissance incomparable : cette puissance incomparable, c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » Eph 1,19-20 Vous imaginez la puissance qu’il a fallu pour ressusciter Jésus ? Eh bien, cette puissance, dit Paul, elle est désormais entre nos mains. Et, c’est bien parce que cette puissance est entre nos mains que Pierre peut oser prononcer cette parole complètement folle : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche !

Du coup, nous sommes interrogés : Est-ce qu’il nous arrive de poser de vrais actes de foi ? Je ne dis pas que nous sommes tous obligés d’essayer de faire des miracles … même si, aujourd’hui, dans l’Eglise, on retrouve à ce niveau une belle audace. Si vous vous interrogez pour savoir si votre foi est assez audacieuse, et surtout si vous voulez la fortifier, je ne peux que vous inviter à lire des témoignages relatant les merveilles accomplies par ceux qui, aujourd’hui, osent croire que Dieu a déposé sa puissance entre leurs mains. Si nous voulons que des merveilles puissent s’accomplir par nos mains, osons croire en la vérité de cette parole de Paul si bien illustrée par ce premier miracle des apôtres : « Dieu déploie pour nous les croyants une puissance incomparable : cette puissance incomparable, c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. »

La 2° raison pour laquelle j’aime cette parole d’audace, c’est parce qu’elle m’a beaucoup accompagné dans mon ministère d’aumônier de prison. Quand j’allais voir les détenus, j’étais souvent confronté à des situations extrêmement compliquées. Certains se retrouvaient dans une solitude extrême, conséquence de leurs actes, et du coup un dénuement financier total accompagné de soucis de santé carabinés … Il y avait tellement de problèmes que je me sentais totalement démuni. Et vous savez, quand on se sent démuni, il y a deux tentations qui peuvent nous guetter. La 1° tentation, c’est de fuir, de ne pas revenir, parce que c’est trop douloureux de se sentir impuissant. C’est ce que nous faisons parfois avec les personnes qui souffrent trop. La 2° tentation, c’est de dire : puisque je ne peux pas tout résoudre, je ne fais rien, je baisse les bras. Pour que je ne cède à aucune de ces deux tentations qui m’assaillaient si souvent, eh bien, régulièrement, le Saint-Esprit faisait remonter dans mon cœur cette parole de Pierre : « De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » 

Et donc j’accompagnais le détenu sur un chemin de foi, je l’aidais à mettre sa confiance en Jésus qui ne changerait pas sa situation d’un coup de baguette magique mais qui serait avec lui pour qu’il ne soit pas submergé par tous ses problèmes. J’en ai même vu qui, osant cette démarche, découvraient une joie qu’ils n’avaient jamais connu ! Quand nous sommes démunis, cette parole doit raisonner en nous. Dans un message de carême 2006, Benoit XVI avait dit une parole qui résume bien cela : « Celui qui ne donne pas Dieu, donne trop peu. »  C’est tellement vrai ! 

Quant à l’évangile des disciples d’Emmaüs que nous connaissons bien, il est tellement riche qu’on pourrait prêcher toute une retraite juste sur ce texte ! Je souligne juste deux points.

1/ C’est d’abord la déception des deux disciples qui a retenu mon attention. J’aime beaucoup repérer que lorsqu’il partage cette déception avec celui qui n’est encore qu’un inconnu pour eux, Jésus ne les fait pas taire en les obligeant à cheminer à 100 à l’heure pour le reconnaître ! Oui, quand ils disent : « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël », on sent bien toute la déception qui les habite, comme on dit, ils en ont gros sur la patate. Eh bien, Jésus les écoute, il laisse le temps en temps, ils ont besoin de vider leur sac, il accepte de se mettre à leur pas, respectant leur rythme. Et Jésus agit toujours ainsi, encore aujourd’hui. Jamais il ne nous fera taire quand nous lui confierons notre déception, notre amertume. Il nous écoutera toujours jusqu’au bout, nous laissant le temps de vider notre sac, en acceptant de tout entendre même ce qui pourrait être difficile à entendre ! 

Après, quand il nous aura bien écouté, il nous posera une seule question : dis-moi, est-ce à cause de moi que tu es déçu ou à cause de toi ? C’est une intervention que le pape François avait faite pour les prêtres de Rome qui m’a ouvert à cette interrogation si importante. Le pape invitait les prêtres à réfléchir loyalement, lucidement sur leurs déceptions dans le ministère, ces déceptions qui plongent dans l’amertume et conduisent parfois à des envies de fuir, d’oublier les promesses de son engagement. C’était pour des prêtres, mais ça peut facilement s’adresser à chacun de nous. Je le cite : « Il faut bien réfléchir : est-ce le Seigneur qui nous a déçus ou bien est-ce nous qui avons confondu l’espérance avec nos attentes ? L’espérance chrétienne ne déçoit pas et n’échoue pas. Espérer, ce n’est pas se convaincre que les choses iront mieux, mais que tout ce qui arrive a un sens, à la lumière de Pâques… Quelle différence y a-t-il entre attente et espérance ? L’attente naît quand nous passons notre vie à sauver notre vie : nous nous donnons du mal à chercher des sécurités, des récompenses, des promotions… c’est nous qui sommes le point de référence. L’espérance, c’est quelque chose qui naît dans le cœur quand il se décide à ne plus se défendre. Quand je reconnais mes limites, et que tout ne commence pas et ne finit pas avec moi, alors je reconnais combien il est important d’avoir confiance… J’espère non pas lorsqu’il n’y a plus rien d’autre à faire, mais quand je cesse de me donner du mal uniquement pour moi. L’espérance s’appuie sur une alliance : Dieu m’a parlé et m’a promis que ma vie serait pleine et avec le goût des Béatitudes ; certes avec des tribulations, mais belle. Ma vie a de la saveur si je vis Pâques, pas si les choses vont comme je le dis ! »

Et, voyez-vous, cette analyse du Pape portant sur des événements douloureux à encaisser nous invite à nous interroger : n’est-ce pas la même chose quand nous sommes déçus vis à vis de certaines personnes ? Oui, le pape a vu juste, ce n’est pas forcément l’autre qui est décevant, ce sont mes attentes projetées sur l’autre qui sont déçues. Et alors, bien souvent, en fait, ce qui me déçoit, c’est que l’autre ne m’a pas apporté ce que j’espérais, il n’est pas décevant en tant que personne, ce sont mes attentes qui sont déçues. Mais mes attentes étaient-elles justes ? La plupart du temps j’espère tellement que, ce ne sont pas les autres qui pourront répondre, ce que j’espère est trop grand ; Dieu seul pourrait m’apporter ce que j’espère ! Que ces déceptions ne nous détournent pas qu’elles nous permettent, au contraire, d’arrêter d’idolâtrer les personnes, les relations, les communautés et nous tournent plus vers Dieu, lui seul est suffisamment grand pour répondre à mes attentes. C’est ainsi, peut-être, que nous deviendrons également plus lucides sur nous-mêmes, comprenant que nous ne pourrons pas tout apporter aux autres, les autres sont comme moi, Dieu seul pourra répondre à leurs attentes. C’est donc à lui qu’il faut conduire ceux qui nous demandent trop et c’est vers Dieu que nous devons nous tourner quand nous demandons trop aux autres.

2/ Le 2° point que je retiens et que je ne fais qu’évoquer, c’est « le cœur brûlant. » Cette brûlure, elle provient de la rencontre avec le ressuscité qui vient nous rejoindre précisément au cœur de ces déceptions qui ont pu mettre de l’amertume dans nos cœurs. Qu’au cours de cette retraite, le Saint-Esprit nous donne, à vous retraitants et à nous qui vous accompagnons, de faire mémoire de toutes ces expériences de grâce qu’ont été ces moments de cœur brûlant et qu’il donne à ceux qui en ont trop besoin de pouvoir revivre cette expérience au cours de la semaine.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Merveilleux… Merci P. Hébert.
    Petit lapsus entre raisonner et résonner 😉

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