20 novembre : 34° dimanche fête du Christ-Roi de l’Univers Qu’aurait dit Léon Zitrone s’il avait commenté l’événement ?

Dans mon diocèse, j’ai été mêlé à l’aventure de la presse paroissiale. J’ai donc suivi un certain nombre de formations qui m’ont permis de connaître quelques termes du jargon journalistique. C’est ainsi que j’ai appris que l’une des terreurs des journalistes, c’était le traitement des marronniers ! Ça ne veut pas dire que les journalistes, chaque année sortent de leurs rédactions pour aller traiter les arbres qu’on appelle les marronniers, non ! En langage journalistique, un marronnier, c’est un événement qui revient chaque année, qui est toujours le même et qu’il faudra essayer de traiter, chaque année, d’une manière différente, par exemple le 14 juillet, le 11 novembre. Eh bien, si je peux me permettre la comparaison, en liturgie, il y a aussi des marronniers et ils sont la terreur des prédicateurs ! Cette fête du Christ-Roi en est un très bon exemple, mais les autres fêtes liturgiques aussi et c’est encore pire pour les autres fêtes liturgiques parce que, à la Toussaint, à Noël, pour le mercredi des Cendres, ce sont toujours les mêmes textes de l’Ecriture. Mêmes événements, mêmes textes, ce n’est pas toujours simple de se renouveler. Heureusement pour la fête du Christ-Roi, si l’événement est le même, les textes changent, nous permettant quelques variations, mais ils reviennent quand même tous les 3 ans. Voilà c’était un petit couplet pour susciter votre compassion à l’égard des prédicateurs !

En méditant sur cette fête, ce qui m’est venu à l’esprit, c’est le contraste entre la manière dont Jésus exerce sa royauté et la manière dont les rois de la terre l’exercent. Ça je pense que vous l’avez déjà souvent entendu, c’est le risque avec les marronniers ! Mais c’est sous un angle particulier que j’aimerais développer cet aspect parce qu’en méditant la 2° lecture et l’Evangile, c’est cet aspect qui m’a sauté aux yeux.

Les rois de la terre se comportent souvent en enfants très gâtés, jaloux de préserver et même d’accroitre leurs privilèges. Il y a quelques exceptions, comme en témoigne la vie du roi Baudouin, mais elles sont rares. J’ai entendu que Charles III, par exemple, exige que ses lacets de chaussures soient repassés tous les matins et son pyjama tous les soirs, caprice d’enfant gâté ! Ça leur ferait sans doute du bien d’aller mener chaque année, pendant 15 jours la vie de tout le monde, sans privilège aucun et, si possible, une vie partagée avec les plus pauvres de leurs pays. 

A l’inverse, Jésus est un roi qui est hanté par la question du partage, pas le partage de ses biens, il n’avait rien, pas même une pierre où reposer sa tête, mais hanté par le partage de ses privilèges, parce que là, il en avait pas mal et de très grands privilèges. La 2° lecture nous en a fait une liste impressionnante : Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Et, comme si ça ne suffisait pas, Paul continue : Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église, c’est lui le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait, en tout, la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude. A vous couper le souffle, l’énoncé de tous ces titres, c’est bien autre chose que les titres que les roitelets de la terre peuvent aligner ! Mais eux, les roitelets de la terre, quand ils alignent leurs titres (et ils font bien attention de n’en oublier aucun !) ils se fondent justement sur leurs titres pour fonder leurs privilèges. Alors que Jésus, lui, ces titres, il veut nous les faire partager, il veut justement que ça ne reste pas des privilèges dont lui-seul pourrait jouir.

Jésus aurait pu dire avec ce que je suis, avec tous ces titres, vous voyez bien que je ne suis pas comme vous, il est donc normal que je vive au-dessus de vous et soyez déjà bien contents que j’accepte de vous regarder et de m’intéresser à vous pauvres petites fourmis laborieuses ! Non, Jésus a voulu tout partager et de quelle manière !

Et, là, c’est vers la lecture de l’Evangile que nous nous tournons. Ces versets nous font assister en direct à l’ouverture des portes du Royaume des cieux. Si Léon Zitrone avait été là pour commenter l’événement en direct, il se serait égosillé parce qu’il y a de l’impensable qui se produit : le roi du monde a décidé d’entrer bras-dessus, bras-dessous, avec un truand. 

On a pris l’habitude de l’appeler le bon larron pour adoucir le scandale, mais il n’a été bon que quelques secondes ! Eh bien, pour Jésus ça suffit, et ce n’est même pas la bonté manifestée qui va le sauver mais ce simple désir exprimé de ne pas être totalement oublié. Pour bien montrer que personne ne méritera rien, c’est à son bras que Jésus a décidé de franchir les portes du Royaume, portes qui sont à la fois grandes ouvertes, mais très étroites pour obliger tous ceux qui voudront les passer à se désencombrer parce que là-bas, il ne sera plus question de privilégiés qui pourront brandir un carton pour V.I.P. pour revendiquer je ne sais quelle place d’honneur. D’ailleurs une parabole, très sévère, nous parle sans doute de ce qui arrive à l’un de ces V.I.P. qui n’avait pas voulu renoncer à ses vêtements qui le distinguaient, qui n’avait pas voulu être revêtu du même vêtement que tous les autres, le vêtement de la pauvreté qui seul donne accès à la salle du banquet du Royaume. Ce V.I.P., sûr de ses droits, voulant faire jouer ses privilèges s’est fait jeter dehors. Sûrement pas définitivement, jusqu’à ce qu’il accepte de se dépouiller pour ne laisser que sa pauvreté apparaître et lui valoir le droit d’entrer. Quel Royaume étonnant !

Mais Jésus n’a pas voulu attendre le Royaume pour partager le bénéfice de ses privilèges, comme ces personnes très riches qui s’accrochent à ce qu’elles possèdent et qui laissent leurs enfants se déchirer après leur mort. Elles feraient bien d’écouter les conseils de Khalil Gibran : Tout ce que vous possédez, un jour sera donné. Donnez donc maintenant, afin que la saison du don soit la vôtre et non celle de vos héritiers ! C’est de notre vivant que nous recevons l’héritage et non seulement de notre vivant, mais, pour la plupart d’entre nous, dès les premiers jours de notre vie. Personnellement, j’avais deux jours quand le Seigneur m’a partagé cet héritage, le jour de mon Baptême où j’ai reçu cette onction faisant de moi, comme de chacun de vous, un prêtre, un prophète et un roi : tous ses privilèges, il me les a partagés, il vous les a partagés. Toutefois, ce ne sont pas ces privilèges partagés qui nous ouvriront les portes du Royaume mais notre pauvreté reconnue et accueillie joyeusement.

Une mention encore sur la manière étonnante dont Jésus a voulu partager ses privilèges. Il ne s’est pas contenté de distribuer ou redistribuer, comme on dit dans le langage caritatif. Ça aurait déjà été très beau cette redistribution, tout le monde ne la fait pas, il y a tant de riches qui ne partagent pas ou si peu ! Non, Jésus est allé beaucoup plus loin, à chaque privilège partagé, il exigeait de recevoir en échange une misère de ceux avec qui il partageait. Il ne se contentait pas de donner, il prenait sur lui la misère des pauvres et ça continue encore aujourd’hui avec les pauvres que nous sommes. C’est un peu ce que Paul dira en expliquant que le Christ qui était riche s’est fait pauvre pour que nous soyons enrichis par son dépouillement, ainsi, nous qui étions des pauvres sommes devenus riches de ce qu’il nous a offerts et lui, il s’est enrichi de nos pauvretés qu’il a prises sur lui. Quel admirable échange comme le souligne la liturgie, particulièrement dans le temps de Noël.

Nous le comprenons donc que célébrer le Christ-Roi, ce n’est pas l’affubler d’un titre désuet c’est fêter notre incomparable dignité, puisque notre Roi bien-aimé a décidé de nous partager tous ses privilèges et de nous ouvrir les portes de son Royaume. Sois béni, Seigneur, pour tant d’amour et donne-nous de mener une vie à la hauteur de tous ces dons.

Laisser un commentaire