21 février : la foi, les oeuvres …

Le texte de St Jacques que nous avons entendu dans la 1° lecture semble nous replonger dans la polémique qui a conduit Luther à contester la manière dont l’Eglise de son époque conjuguait ces deux termes fondamentaux que sont la foi et les œuvres. En fait, il faut bien lire ce texte car il ne contredit en rien les affirmations de Paul dans l’épitre aux Romains, affirmations sur lesquelles Luther va s’appuyer. Et ne croyez surtout pas que tout ça ce sont des querelles théologiques qui n’ont aucun intérêt pour des jeunes comme vous aujourd’hui.

Avant de vous expliquer un peu plus le problème et ses enjeux, je tiens quand même à rappeler que le Saint Pape Jean-Paul II s’était engagé avec force dans le dialogue œcuménique. Jusqu’au dernier moment, il a espéré que l’an 2000 serait marqué par un rapprochement significatif des Eglises issues de ma Réforme avec l’Eglise catholique romaine. Hélas, ça n’a pas été possible. Mais il y a eu quand même un événement d’une portée considérable puisque le 31 octobre 1999, un accord a été signé avec l’Eglise luthérienne pour dire que, désormais, nous avions une même manière de comprendre le rapport entre la foi et les œuvres.

Pour bien comprendre l’enjeu de ces débats, il faut faire un tout petit peu de français ! Est-ce que nous faisons des bonnes œuvres pour être sauvés ou est-ce que nous faisons des bonnes œuvres parce que nous sommes sauvés ? St Paul et St Jacques qui sont parfaitement en accord sur ce point diront clairement que nous faisons des bonnes œuvres parce que nous sommes sauvés. Et c’est là qu’il faut bien comprendre car ça a des conséquences très pratiques.

Si je pense qu’il me faut faire des bonnes œuvres pour être sauvé, je prends Dieu pour un épicier qui serait derrière sa balance avec son crayon notant sur une colonne de son carnet mes bonnes œuvres au fur et à mesure qu’elles sont accomplies et notant les mauvaises sur l’autre colonne. Et ainsi quand je parais devant lui, il n’a plus qu’à faire les totaux. Mais dans cette perspective, vous comprenez bien que le Salut, je ne l’accueille plus comme un fruit du don que Jésus a voulu faire de sa vie pour moi, le Salut, je le mérite ou je ne le mérite pas. Dieu est un juge qui se contente d’énoncer le verdict que j’ai moi-même préparé en choisissant la manière dont j’allais conduire ma vie. Encore une foi, il était parfaitement inutile que Jésus donne sa vie puisque tout est entre mes mains.

Mais St Paul, comme St Jacques et l’Eglise à leur suite ne parleront jamais ainsi. Jamais ils ne diront que nous devons faire de bonnes œuvres pour être sauvés. Pour autant, jamais ils ne diront que les bonnes œuvres n’ont pas d’intérêt. Si je ne suis pas sauvé par mes bonnes œuvres, je ne suis pas non plus sauvé sans mes bonnes œuvres et ce n’est pas du tout contradictoire. Mes bonnes œuvres, elles sont les conséquences de l’accueil du Salut dans ma vie. Vous allez voir, c’est bien plus simple qu’il n’y parait. Si je fais des bonnes œuvres pour être sauvé, je dois me forcer et ce que je fais quand je dois me forcer à le faire, ce n’est pas du tout pareil que ce que je fais par plaisir. 

Le bonheur que j’en retire et le bonheur que je donne est incomparable ! Ça, vous l’avez déjà tous constaté. Allez faire du ski, en principe, ça vous donne plus de joie que de rédiger une dissertation, sauf si la dissertation est votre sport favori, mais je pense qu’il n’y en a pas beaucoup dans ce cas-là ! Et non seulement faire du ski vous donne plus de plaisir, mais quand vous êtes au ski, comme par miracle, vous devenez plus agréables et serviables avec votre entourage !

Les bonnes œuvres que l’on fait par devoir et pire encore par peur de ne pas en avoir assez fait pour être sauvé, elles ne procureront pas beaucoup de joie à ceux qui les font, ni à ceux qui en seront les bénéficiaires. Par contre, si j’ai vraiment fait l’expérience de l’amour inconditionnel de Dieu, alors je vais me mettre à bien agir non pas pour être sauvé mais parce que j’ai été sauvé. Cela on l’expérimente souvent dans le sacrement du pardon. Moi, je viens avec mes péchés, mes lâchetés, mes médiocrités, mes trahisons et Dieu me renouvelle son amour alors que je ne mérite rien. Avec tout ce que j’ai confessé, s’il y a une chose que je mériterais, c’est la condamnation, la punition, or, dans le sacrement du pardon, j’expérimente l’amour gratuit, l’amour sauveur. Cette expérience, si je ne suis pas parfaitement ingrat, va m’inciter, en sortant du sacrement, à poser des gestes d’amour. Et en posant ces gestes d’amour, je ne règle pas la facture du pardon puisqu’il m’a été donné gratuitement, en posant ces gestes d’amour, je laisse simplement l’amour que j’ai reçu déborder de mon cœur.

Du coup, vous le comprenez, les bonnes œuvres ne sont pas une condition pour être sauvés, mais elles deviennent le signe que j’ai été sauvé. Si je ne suis plus capable de bonnes œuvres accomplies généreusement, c’est le signe que je ne suis plus sous la fontaine bienfaisante de l’amour de Dieu.

La semaine prochaine, nous allons entrer dans le carême. Si vous faites une faute d’orthographe, dans le mot carême vous allez retrouver le mot aime ! Le carême n’est pas d’abord un temps pour faire des efforts, mais il est d’abord un temps qui nous est donné pour mieux aimer. Du coup, il n’y a qu’un effort à faire, s’il y a une conversion à vivre c’est bien de retourner sous la fontaine d’amour et de nous y tenir en permanence.

Alors, tous ceux qui seront bénéficiaires de nos bonnes œuvres pourront goûter la différence. Quand je fais des bonnes œuvres en me forçant, mes bonnes œuvres sont gâtées par un parfum de transpiration qui n’est pas un cadeau agréable. Quand je fais des bonnes œuvres parce que mon cœur est débordant d’amour, mes bonnes œuvres, elles ont le goût, la saveur de l’amour même de Dieu et, là, elles deviennent un cadeau d’une valeur inestimable.

La croix dont parle Jésus dans l’Evangile, cette croix qu’il nous invite à porter pour être d’authentiques disciples, elle est le symbole de l’amour. Jésus est mort sur la Croix parce qu’il a voulu aller jusqu’au bout de l’amour, de la mission d’amour, de Salut que Dieu lui avait confié. Prendre sa croix, c’est accepter de faire des choix, souvent crucifiants, pour choisir l’amour, pour nous tenir sous la fontaine d’amour. Puissions-nous nous préparer à entrer dans le carême avec de telles dispositions.

Cet article a 4 commentaires

  1. GIRABANCAS Thierry

    Merci Père pour que je puisse partager cette homélie avec d’autres .

    1. Père Roger Hébert

      Que le Seigneur donne la fécondité qu’il veut à ces paroles qu’il m’inspire !

  2. Wilhelm Richard

    T’effort quand m’aime !

    1. Père Roger Hébert

      De mieux en mieux !

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