Nous poursuivons notre lecture du sermon sur la montagne, les chapitres 5 à 7 de l’Evangile de Matthieu. Nous sommes toujours dans cette partie de ce sermon qui permet à Jésus de pousser la Loi jusqu’au bout ; c’est à dire de nous inviter à ne pas nous contenter de chercher à éviter le mal, ce qui est le minimum, mais de vouloir vivre dans l’amour. Et cet amour auquel Jésus nous appelle n’est pas fait de bons sentiments, c’est un amour terriblement exigeant, nous en avons encore l’illustration dans les paroles entendues aujourd’hui.
La 1° parole n’est évidemment pas à appliquer au pied de la lettre ! Si nous le faisions, dans nos assemblées, il n’y aurait que des borgnes s’étant arrachés l’œil droit et peut-être même le gauche ensuite ! Il n’y aurait que des manchots s’étant coupés la main droite et sans doute la gauche peu de temps après ! Ces paroles de Jésus nous invitent bien plutôt à identifier nos faiblesses et à mettre en place les stratégies nécessaires pour que, connaissant ces faiblesses, nous ne retombions pas sans arrêt dedans.
Quant à la 2° parole, elle est plus délicate parce qu’entendue, sans explication, elle peut venir réveiller l’immense blessure de ceux qui ont vécu un échec conjugal. Or Jésus, dans ses paroles, Jésus ne veut jamais blesser, encore moins condamner Je crois que, dans cette parole, il faut bien repérer à qui elle s’adresse, Jésus ne s’adresse pas à ceux qui souffrent mais à ceux qui ont rejeté leur conjoint. Alors, c’est vrai dans un échec, il n’y a jamais 100% de torts d’un côté et 0% de torts de l’autre, mais il y a beaucoup de situations où c’est loin d’être 50-50 ! En étant aussi sévère dans ses propos, encore une fois, le but de Jésus n’est pas de condamner mais de redire la grandeur du mariage et d’inviter tous ceux qui connaissent des difficultés à tout tenter pour sauver leur couple quand il est en péril. Et, quand ce n’est pas possible, jamais le Seigneur ne nous laissera porter le poids de cet échec sans nous accompagner. C’est ce que dit admirablement bien l’exhortation du pape François, Amoris laetitia, particulièrement au chapitre 8, exhortation écrite à la suite des deux synodes sur la famille.
Enfin, comme je le disais déjà hier et comme je pourrai le redire chaque jour, tous ces appels de Jésus à vivre dans l’amour, un amour exigeant, nous dépassent complètement. Mais il ne nous est pas demandé de nous hisser à la hauteur de ces exigences de l’amour, à la force de nos poignets. Comme aimait le dire St Augustin, Dieu donne ce qu’il ordonne, c’est-à-dire qu’il ne nous ordonne jamais rien sans nous donner, en même temps, la force de l’accomplir. Et c’est particulièrement dans l’Eucharistie qu’il nous donne ce qu’il nous ordonne. En recevant Jésus qui est tout amour, qui a vécu l’amour jusqu’u bout, nous devenons, chaque jour, un peu plus capables de vivre dans l’amour.
Venons-en à la 1° lecture, elle était tirée de la 2° épitre aux Corinthiens et elle nous a permis d’entendre ces merveilleuses paroles que nous connaissons bien et que je voudrais commenter un peu : nous portons un trésor comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. Paul avait parfaitement conscience de sa faiblesse, nous l’entendrons particulièrement dans la lecture de samedi de la semaine prochaine. Mais à travers les mots d’aujourd’hui, il nous dit que, pour l’évangélisation, le fait d’avoir des fragilités, de ne pas être irréprochable n’est pas forcément un handicap. Il compare l’évangélisateur, dans ses faiblesses, à un vas d’argile, d’autres traductions parlent de poterie sans valeur. Eh bien, dit-il, ces poteries sans valeur, elles ont finalement un immense mérite, c’est qu’on ne s’arrête pas à elles, on va chercher ce qu’elles contiennent. Et, pour l’évangélisateur, qui est donc cette poterie sans valeur, le trésor qu’il porte est vraiment précieux puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, du Seigneur lui-même.
J’avais beaucoup aimé ce texte écrit par un pasteur protestant aux membres de sa communauté qui disait : les chrétiens ne peuvent pas et ne doivent pas être autre chose que des vases d’argile, de la vaisselle commune et fragile. Ainsi, les autres voient qu’ils peuvent eux aussi devenir porteurs de ce trésor. Et c’est peut-être même quand le récipient est ébréché, fendu, cassé et visiblement rafistolé qu’on peut le mieux voir le trésor qui est à l’intérieur, et qu’on a envie d’en savoir davantage. Il continuait avec ces paroles si éclairantes : Nous aimerions être plus brillants, plus fins, plus transparents… et plus dignes de porter ce trésor ! Nous souffrons de n’être que de la vaisselle de terre cuite, épaisse, fragile… Mais c’est le choix de Dieu. Paul considérait que ses faiblesses comme ses forces étaient des dons de Dieu, et il les mettait au service de Dieu. Et il concluait par ces mots :Laissons-nous libérer de la honte de n’être que des récipients de terre ; laissons-nous guérir de l’envie d’être autre chose. Soyons paisiblement, courageusement et joyeusement ce que nous sommes : de la grosse vaisselle de terre cuite, opaque, fragile, fêlée et recollée. Mais Dieu y a placé un trésor pour nous et pour les autres. C’est peut-être de l’humour de sa part ; c’est sûrement de l’amour !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de nous réjouir de porter ce trésor de la présence du Seigneur en étant ces poteries fêlées qui laissent mieux voir ce trésor.
