Pour savourer cet évangile comme il convient, nous avons besoin de nous rappeler ce qui s’était passé un peu avant. Nous nous rappelons tous que Zacharie avait été rendu muet après que l’ange lui soit apparu pour lui annoncer la naissance d’un fils. Je vous avoue que, longtemps, j’avais pensé que la sanction était quand même un peu lourde ! Tout ça pour une simple question ! En plus, la sanction parait injuste car Marie, elle aussi, elle a posé une question et elle n’a pas été rendue muette !
Mais nous le savons, les deux questions n’ont rien à voir. Zacharie, avec sa femme Elisabeth, ils avaient dû prier et prier encore, offrir des sacrifices pour demander à Dieu de se montrer favorable en leur accordant cet enfant qu’ils espéraient tant. Et voilà que l’ange vient le voir pour lui dire : ça y est, vos demandes ont été exaucées … et ce n’est pas n’importe quel enfant qui va voir le jour dans votre couple, puisqu’il va être revêtu de la puissance du prophète Elie, qui était sans doute considéré comme le plus grand des prophètes. Et l’ange vient lui faire cette annonce dans le Temple, au cours de son service comme prêtre comme pour bien l’aider à comprendre qu’il n’est pas dans un rêve. Tous les ingrédients étaient réunis pour que Zacharie soit fou de joie. Et lui, au lieu de ça, il commence quasiment par réclamer une preuve pour être sûr que c’est sérieux et puis, il a l’air de dire que c’est trop tard, Dieu n’avait qu’à y penser avant, avec Elisabeth, ils se sentent trop vieux pour accueillir un enfant maintenant !
La question de Marie est d’un tout autre ordre. D’abord, elle, à l’inverse de Zacharie, elle n’avait pas supplié le Seigneur pour avoir un enfant. Et puis l’apparition n’a pas la même solennité. En plus, la question manifestera déjà sa disponibilité : juste un petit « comment. »
Dieu sent bien que Zacharie n’est pas immédiatement accordé à ce qu’il lui annonce. Alors, en le rendant muet, il ne va pas le punir, mais lui faire cadeau du silence pour qu’il prenne le temps dont il a besoin pour s’ajuster au projet de Dieu. Dieu, dans sa grande bonté a compris que Zacharie avait besoin de temps, alors il va le lui donner ce temps, mais, en même temps, Dieu sait bien que nous sommes des gaspilleurs de temps. Le temps, nous le gaspillons souvent en bavardages inutiles. Alors, pour que Zacharie ne gaspille pas le temps que Dieu voulait lui donner, le silence lui est imposé. C’est ce même cadeau du silence que nous faisons aux retraitants pour que, eux aussi aient le temps de s’ajuster au Seigneur.
Et voilà qu’aujourd’hui, dans notre Evangile, Zacharie se met à parler. Et mon Dieu que c’est beau un homme qui parle après une bonne cure de silence ! Je dis un homme parce que Zacharie était un homme, mais c’est au moins aussi vrai pour une femme ! On sent qu’il a bien utilisé le temps que Dieu lui avait donné, que le silence a porté ses fruits. D’ailleurs l’évangile commençait par cette petite mention : Zacharie, fut rempli d’Esprit Saint et prononça ces paroles prophétiques. Travaillé par le silence, celui qui reparle le fait en écoutant le Saint Esprit, du coup ses paroles vont avoir une grande portée.
Tellement grande portée qu’elles nourrissent notre prière quotidienne puisque nous les reprenons, chaque matin dans l’office de Laudes. Peut-être que nous pourrions prendre un peu de temps aujourd’hui pour méditer ces paroles, leur redonner du sens pour que nous ne les rabâchions pas. Demandons au St Esprit, puisque c’est Lui qui les a inspirées de faire chanter ces paroles du Benedictus dans nos cœurs.
Un mot sur la 1° lecture, cette belle 1° lecture où nous voyons le roi Davide faire une belle proposition au Seigneur qui montre son grand cœur. Il n’est pas normal que moi, le roi, je loge désormais dans un beau palais et que Dieu, lui, soit toujours sous la tente. Alors David décide de construire un Temple. En fait, c’est son fils Salomon qui réalisera le projet. En se confiant à Nathan, David espérait sûrement que Dieu le félicite pour ce magnifique projet. Rien de tout cela ! En lisant ces versets, il peut nous arriver de penser que Dieu est parfois compliqué : pourquoi ne se réjouit-il pas de ce projet qui, encore une fois, manifeste le grand cœur de David qui ne veut pas être mieux logé que Dieu.
Il y a une petite formule que j’aime bien, elle dit que la bonne volonté, c’est bien mais ce n’est encore pas la volonté bonne ! En effet David est plein de bonne volonté et ça nous touche, mais pour autant cette volonté n’est pas encore bonne. Et c’est pour cela que Dieu va remettre David en place, c’est-à-dire qu’il va le remettre à sa juste place. C’est un peu comme si Dieu disait à David : n’inverse pas les rôles ! Ce n’est pas à toi de chercher ce qui est bon pour moi, c’est à toi d’accueillir ce que, moi, je veux te donner de bon. Ou dit autrement : arrête de toujours vouloir faire des choses pour moi et accepte de me laisser faire, accepte de te laisser faire.
Que de fois, il peut nous arriver d’être dans la même attitude que David. Que de fois où, poliment bien, sûr, nous voulons nous occuper de Dieu. Il peut nous arriver de penser que nous savons très bien ce qu’il faudrait faire dans telle ou telle situation et nous le disons à Dieu. Encore une fois c’est discret, c’est poli, mais c’est tordu ! Vous connaissez la boutade, le vieux prêtre Eli enseigne au jeune Samuel ce qu’est la véritable attitude spirituelle : parle Seigneur, ton serviteur écoute ! Et nous, nous avons tout renversé : écoute Seigneur, ton serviteur parle ! C’est exactement l’attitude de David, c’est si souvent la nôtre !
Merci Seigneur de nous remettre en place, de nous remettre à notre juste place quand c’est nécessaire ! Quand tu as envoyé Jésus, ton Fils bien-aimé, tu n’avais qu’une seule préoccupation : est-ce qu’ils vont accepter de le laisser faire ? Est-ce qu’ils vont accepter de se laisser faire ? En cette journée si particulière, apprends-nous l’attitude spirituelle juste. Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ! Puisque tu as envoyé ta Parole, le Verbe fait chair, donne à ton Serviteur la grâce de se faire écoute et accueil.