Je ne m’arrêterai pas sur la 1° lecture dans laquelle nous voyons la tournure que prennent les événements qui concernent Paul. Manifestement son cas embarrasse les autorités romaines qui ne comprennent rien aux reproches que les juifs lui adressent. Quand je dis cela, nous pouvons immédiatement penser à un autre homme dont le cas a embarrassé les autorités romaines qui ne comprenanient rien à ce qui lui était reproché. Evidemment, je parle de Jésus ! Dans les deux cas, plutôt que de se mettre au service de la vérité en relâchant ceux qui n’ont rien commis de mal, ils préféreront la tranquillité et assurer leur pouvoir en accordant ce qui est réclamé à coup de mensonge. Vous le voyez les magouilles ne datent pas d’aujourd’hui !
J’aimerais donc m’arrêter plus longuement sur l’Evangile que nous connaissons bien. Je fais remarquer au passage que nous avons quitté la prière sacerdotale pour que, aujourd’hui et demain, nous méditions sur la 2° partie du chapitre 21 de St Jean. Ce focus sur Pierre avant la Pentecôte est une bonne manière de nous préparer à la fête qui arrive. Ce texte, je l’ai commenté la semaine dernière à La Flatière dans la retraite que je prêchais au cours de la journée où nous regardons ce que fut la vie de Pierre avant la Pentecôte et la vie de Pierre après la Pentecôte. Le but de cette journée étant de raviver dans les cœurs des retraitants et du prédicateur le désir de laisser le St Esprit renouveler nos cœurs. Alors, dans la méditation de Pierre avant la Pentecôte, ce passage de Jean 21 tenait une belle place. Je vous avoue que la présence des filles de Terminale m’a stimulé parce qu’il ne fallait pas qu’elles repartent avec une impression mitigée ! J’ai donc repris bien des enseignements et particulièrement celui-là. Je vous fais donc partager le fruit de ma méditation.
Nous connaissons le contexte dans l’Evangile de Jean : après la résurrection, Jésus apparait à ses disciples, il leur donne un acompte d’Esprit-Saint et les envoie en mission. Pierre se retrouve bien désemparé devant cet envoi, il est encore écrasé par le poids de culpabilité résultant de son triple reniement. Alors comme il ne voit pas comment répondre à l’appel de Jésus qui l’envoie en mission, il décide de partir à la pêche. La mission, il ne connait pas bien, du moins sans Jésus, ça l’effraie, il sait désormais ce qu’il vaut, alors le plus simple, pour lui, c’est de reprendre ce qu’il sait bien faire, son métier, il part donc à la pêche et entraine une bonne partie des apôtres avec lui. C’est clair, au lieu de la mission, c’est la démission ! Ils passent donc toute la nuit sans rien prendre, pas étonnant : quand on n’est pas là où le Seigneur nous envoie, là où le Seigneur nous veut, il ne peut y avoir de fécondité !
Et voilà qu’au petit matin, Jésus les rejoint en restant sur le rivage, eux ne le reconnaissent pas. Il les interroge sur leur pêche, mais pas pour leur faire de reproches, juste pour qu’ils puissent dire leur misère : rien dans les filets, beaucoup de peine, aucun résultat. Pour répondre à l’aveu de cette misère, Jésus va exercer une immense miséricorde en leur accordant une pêche miraculeuse. Comme au jour de leur appel si on se réfère à l’Evangile de Luc. Eux qui étaient dans la démission, Jésus les remet dans leur vocation et les relance donc pour la mission. Pour St Jean, tout devient clair, ça ne peut être qu’un coup de Jésus, il le dit à Pierre qui se jette à l’eau pour rejoindre Jésus. Pierre n’en peut plus de porter ce poids de culpabilité, il lui faut vite rencontrer Jésus en tête à tête. Mais les autres arrivent trop vite pour que la discussion s’engage. Tous, ils partagent un barbecue joyeux préparé par Jésus qui, jusqu’au bout, saura prendre soin de ses apôtres. Et c’est à la fin du barbecue que Jésus invite Pierre à faire quelques pas sur la plage.
Et, vous le savez, ce dialogue entre Jésus et Pierre est de toute beauté. Hélas, la traduction française ne permet pas de l’entendre. En grec, il existe 3 verbes pour traduire l’unique verbe aimer en français. Philos, c’est l’ami, philein, c’est s’aimer comme s’aiment des amis. Il y a erein, c’est aimer avec passion qui donnera érotique. Au départ, il n’y a pas une connotation négative, eros, c’est l’amour qui se dit dans la passion, dans l’union des corps, plus haute forme d’amour entre époux. Et il y a agapein, c’est aimer en se donnant totalement. L’agapê, c’est l’amour oblatif dont Paul brosse un magnifique portrait dans la 1° épître aux Corinthiens. Eh bien, les questions de Jésus à Pierre jouent sur ces nuances en utilisant deux de ces verbes : philein et agapein.
Une remarque préalable : à aucun moment, Jésus ne demande à Pierre : est-ce que tu me promets de ne plus recommencer ? Face à une telle question, Pierre aurait été dans un très grand embarras ! Jamais Jésus ne veut mous mettre dans l’embarras dans les tête à tête qu’il nous propose.
Donc, dans la 1° question, Jésus demande à Pierre : est-ce que tu m’aimes d’agapê, c’est-à-dire d’un amour qui est prêt à tout donner, est-ce que tu es prêt à donner ta vie pour moi ? On peut presque dire que Jésus teste Pierre en mettant la barre si haute. Va-t-il fanfaronner encore en se croyant capable de donner sa vie, comme il le prétendait avant ? Non, Pierre ne fanfaronne plus ! Il répond, je t’aime Seigneur, mais je t’aime d’amitié, je ne peux pas te répondre sur l’amour d’agapê, je connais maintenant ma faiblesse. Et puis il y a cette comparaison à laquelle Jésus l’invitait : m’aimes-tu plus que ceux-ci, que les autres apôtres. Pierre ne répond rien à cette question, il ne veut plus se comparer, il sait désormais ce qu’il vaut !
Dans la 2° question, Jésus veut vérifier si Pierre est vraiment dans cet état d’esprit d’humilité, s’il est vraiment conscient de sa misère, alors il lui pose la même question en enlevant juste la comparaison. Pierre répond de la même manière ! Le test est concluant, Pierre est vraiment entré dans l’humilité et la vérité, il tourne définitivement le dos à son attitude de fanfaron.
Alors, pour la 3° question, Jésus veut se mettre au niveau de Pierre, c’est pourquoi dans sa question, il n’est plus question d’agapê, d’amour oblatif qui va jusqu’au bout. Jésus lui demande donc : Pierre, m’aimes-tu vraiment comme des amis peuvent s’aimer ? Il ne lui parle plus du martyr, il lui demande d’être un ami sincère, de redevenir un bon apôtre qui ne cherche plus à briller. En effet, être des amis, c’est ce que Jésus demandait à ses apôtres quand il leur disait : je ne vous appelle plus serviteurs, mais je vous appelle « mes amis ». Alors, là Pierre peut s’engager : Seigneur, puisque tu sais tout, tu sais que je t’aime comme un ami aime son ami.
Et ce qui est très beau, vous l’aurez remarqué, c’est que, à chaque fois, Jésus demande comme une preuve d’amour à Pierre. C’est comme s’il disait à Pierre : si tu m’aimes d’amitié, comme tu le dis, il va falloir me le montrer. Comment ? Pas en étant impeccable, en ne commettant plus aucun péché, ce dont nous rêvons tous secrètement ! Non, ce n’est pas ce que Jésus demande, il connait parfaitement nos faiblesses ! Ce qu’il lui demande comme preuve d’amour c’est que Pierre prenne soin de l’Eglise : paix mes brebis ! C’est comme si Jésus lui disait : ce que je viens de faire pour toi, fais-le pour les autres. Je viens de prendre soin de toi en pardonnant ton triple reniement, prends soin de ceux qui seront confiés à ton ministère. Alors, c’est très fort pour nous. la meilleure preuve d’amour que nous pourrons donner à Jésus, la plus grande, la plus belle, ce n’est pas de réaliser des prouesses, de viser l’impeccabilité, c’est de prendre soin de ceux que Jésus aime. Bien sûr que les temps de prière et d’adoration sont de belles preuves d’amour, mais si ces temps ne sont pas comme authentifiés par un véritable soin apporté aux autres et particulièrement aux plus fragiles, ils n’inspirent aucune joie à Jésus.
Jésus n’en restera pas là, il indique à Pierre que ce qui lui semble impossible aujourd’hui, l’amour d’agapê, donner sa vie, le sera possible un jour : Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Oui, l’amour d’agapê sera un jour possible pour Pierre, mais pas dans un coup d’éclat, comme fruit de la grâce.
Et il y a cette toute dernière mention, si belle encore que nous entendrons demain, mais que je ne commenterai pas. Pierre voit Jean qui est dans les parages et il le désigne à Jésus en disant : et lui ? Voilà comment je comprends cela. C’est comme si Pierre disait à Jésus : tu peux encore changer, si tu le veux, lui, il est plus fiable que moi, mets-le à ma place ! Mais Jésus confirme Pierre et en même temps, il lui rappelle que le casting, ce n’est pas son affaire, il s’en charge, lui-même ! C’est tellement beau de voir jusqu’où va la miséricorde … Pierre, après cette démarche de vérité, Pierre était prêt à recevoir l’Esprit-Saint, son cœur n’était plus que désir, soif comme les nôtres !
Magnifique,si éclairant et lumineux… …merci père Hébert!
Comme nous sommes aimés…
Puisse l’Esprit Saint emplir nos pauvres poteries félées que sont nos coeurs pour nous faire correspondre à tant d’Amour .. .