22 juillet : Marie-Madeleine, ceinture noire d’amour !

Si un jour vous décidiez d’inviter quelques éminents exégètes à votre table et que vous trouviez la conversation un peu terne, pour lui donner plus de vigueur, n’hésitez pas à ouvrir le dossier Marie-Madeleine en les interrogeant si la femme au parfum, Marie de Magdala et Marie la sœur de Lazare et de Marthe sont une seule et même personne … le débat devrait très vite s’animer ! C’est bien dommage que Marie-Madeleine soit devenue un tel sujet de controverse. Elle a tellement mieux à nous apporter que des controverses savantes ! Et pour la plupart des gens, hélas, Marie-Madeleine, ils ne la connaissent pas sinon par l’expression peu glorieuse qui lui est attachée pour désigner l’attitude des personnes hypersensibles qui pleurent comme une Madeleine ! 

Quel dommage de garder de Marie-Madeleine une image si dégradée, celle qui fait polémique ou celle d’une pleurnicheuse ! En changeant le statut de cette célébration de Marie-Madeleine, en la faisant passer de simple mémoire au statut de fête liturgique, c’est sûr, le Pape François a voulu la mettre sur le devant de la scène, non pas pour laisser les projecteurs braqués sur elle, mais parce qu’elle peut nous conduire à vivre notre foi de manière totalement renouvelée. Peut-être que nous avons trop été élevés dans l’idée que ce que Dieu attendait de nous, c’est que nous soyons des modèles, des modèles de perfection, des modèles de service, des modèles d’oubli de nous-mêmes. Peut-être que tout cela nous a conduit à croire que Dieu se plaisait uniquement dans la compagnie de ceux dont les bonnes œuvres brillaient comme un sous neuf ! Tout cela nous a peut-être conduit à faire des efforts, beaucoup d’efforts et à penser que Dieu étant perfection absolue, nous ne serions jamais assez parfaits pour lui plaire. Peut-être que ça nous a un peu gâché l’existence, que ça nous a empêché de vivre dans la familiarité avec Dieu notre Père, dans la proximité avec Jésus notre frère et que nous n’avons jamais vraiment osé faire confiance à l’Esprit-Saint, le Père des pauvres, mais comment faire confiance à quelqu’un qu’on ne connait pas ? 

Marie-Madeleine, c’est l’anti tout ce que je viens de dire ! Le père Baudoin que nous avons encore accueilli hier soir pour notre temps de louange aime bien parler en utilisant la comparaison avec le karaté. Il dit que ceux qui savent tout de Dieu ou du moins qui prétendent tout savoir sont des ceintures noires non plus de karaté mais de caté ! Eh bien, Marie-Madeleine, elle n’était pas ceinture noire de vertu, c’est le moins qu’on puisse dire ! Et voilà, qu’en un instant, elle passe du statut de trainée à celui de ceinture noire d’amour. Comment c’est possible ? Comment on devient aussi vite ceinture noire d’amour ? Parce que j’espère que nous avons plus envie de devenir ceinture noire d’amour que ceinture noire de caté ou de n’importe quoi d’autre !

Pour Marie-Madeleine, tout s’est joué dans sa première rencontre avec Jésus, rencontre qui nous est racontée au chapitre 7 de l’évangile de Luc. C’est là que les exégètes mégotent parce que le texte ne dit pas explicitement qu’il s’agit de Marie-Madeleine mais, je vous le rappelle encore une fois, la tradition de l’Eglise n’en a jamais douté ! Cette première rencontre avec Jésus va complètement et durablement changer sa vie. Les deux mots sont importants : complètement et durablement … ça ne vous fait pas envie une rencontre avec Jésus qui change complètement et durablement votre vie ? 

Marie-Madeleine, cette femme, elle était très connue surtout par les hommes, bon vous voyez ce que je veux dire ! Mais elle n’en pouvait plus de cette vie dans laquelle personne ne la regardait pour ses beaux yeux … vous voyez aussi ce que je veux dire ! Elle ne supportait plus tous ces hommes qui la faisaient plonger toujours plus bas, mais elle ne se supportait pas plus elle-même comme elle ne devait plus supporter plus de se présenter devant le Seigneur à cause de son péché qui se voyait comme le nez au milieu de la figure !

Et voilà qu’elle apprend que Jésus est là, ce Jésus dont on dit qu’il n’a jamais laissé personne s’approcher de lui sans le rendre meilleur. Elle sent que c’est le moment, que c’est la chance de sa vie, qu’aujourd’hui tout peut changer pour elle ! Oui, mais voilà, pour s’approcher de Jésus, il faut faire une démarche pas simple. Parce que Jésus, ce jour-là, il mange chez un pharisien, l’un des notables du coin et il a invité les autres notables. Comment une femme, pourrait-elle oser entrer dans ce repas d’hommes, ça ne se fait pas et surtout une femme comme elle, ça ne pourrait qu’installer un grand malaise … d’autant plus que rien ne nous dit que, parmi ces hommes, biens sous tout rapport, il n’y en avait pas certains qui la connaissaient très bien, si vous voyez ce que je veux dire. 

Mais, puisque c’est la chance de sa vie et elle ne veut pas laisser passer cette chance. Alors elle ose entrer, elle ose aller vers Jésus sans regarder les autres qui sont scandalisés par son toupet et ensuite par son comportement. Alors, pour se donner du courage, elle serre bien fort contre elle ce vase de parfum qu’elle a acheté. Oh, ce parfum, il n’avait rien à voir avec le parfum qu’elle utilisait d’habitude pour mieux se faire remarquer par les hommes. Ce parfum, il n’avait rien à voir non plus avec celui qu’elle utilisait ensuite pour oublier l’odeur de ces hommes, odeur qui lui collait tellement à la peau qu’elle vivait dans une honte permanente. Non, ce parfum, c’était un autre parfum, elle s’était saignée pour l’acheter, ce parfum, il sentait délicatement l’amour. Ce parfum, lui était encore inconnu.

Bravant la honte, n’écoutant que le désir de son cœur, elle traverse la salle et arrive devant Jésus. Et, spontanément, elle se penche sur lui et va s’occuper de ses pieds parce qu’elle voit que ses pieds sont fatigués. Les pieds de Jésus devaient être abimés par ses longues marches qu’ils recommençaient chaque jour pour aller à la rencontre de tous ceux qui avaient besoin de recevoir l’accolade de la miséricorde. Pour Jésus, en effet, nul n’est trop loin, nul n’est tombé trop bas, alors, il arpentait ce pays de long en large et encore de travers, jamais il ne s’arrêtait. Du coup, ses pieds devaient porter comme les stigmates de son amour pour les pécheurs. Alors, Marie-Madeleine, c’est justement de ses pieds qu’elle va s’occuper parce qu’elle a compris que ses pieds étaient la plus haute expression de son amour miséricordieux. Elle s’occupe des pieds de Jésus afin que Jésus puisse s’occuper de son cœur et de son corps blessé depuis si longtemps. 

C’est quand elle enduit de parfum les pieds de Jésus, qu’elle comprend que tout ce qu’on lui a dit à propos de Jésus était vrai. C’est trop évident, cet homme n’est pas comme les autres hommes. Il ne réagit pas comme les autres quand elle le touche, il ne la regarde pas comme les autres hommes la regardait. Alors elle est bouleversée… oh ce regard, plus jamais elle ne l’oubliera. Et voilà qu’elle se met à pleurer, elle pleure tellement qu’elle est obligée d’essuyer les pieds de Jésus avec ses cheveux. Elle pleure et ses larmes sont des larmes qui vont participer à sa transformation, des larmes qui lavent toutes les souillures de ses péchés répétés, des larmes qui baignent son cœur devenu totalement sec et qui le rendent à nouveau capable d’amer, de se laisser aimer. Grâce à ce regard de miséricorde que Jésus pose sur elle, elle sait que sa vie ne sera plus jamais comme avant, qu’il y aura un avant et après. Ainsi, maintenant, nous comprenons mieux pourquoi elle est inconsolable devant le tombeau de Jésus !

Vous connaissez le célèbre slogan des Mac Do : venez comme vous êtes ! Marie-Madeleine a osé aller vers Jésus telle qu’elle était et c’est pour cela que sa vie a été transformée. Dommage que Mac Do ait utilisé ce slogan parce que ça aurait pu faire un beau slogan pour les Foyers de Charité : au Foyer, vivez comme vous êtes, c’est-à-dire comme des pauvres. En retraite, venez comme vous êtes, c’est-à-dire en osant reconnaître vos pauvretés, vos blessures ! 

N’ayez pas peur, n’ayez pas honte, venez comme vous êtes. Laissez tomber cette image idéale et parfaite de vous que vous avez toujours cherchée à donner aux autres et à Dieu, venez comme vous êtes ! C’est tel que vous êtes que Dieu veut vous aimer. Et ça va même plus loin, Dieu ne peut pas aimer cette image idéale de nous que nous aimerions tant pouvoir lui montrer, il ne peut pas l’aimer car elle n’existe pas ! Par contre, il est prêt à nous aimer tels que nous sommes, cassés, fatigués, désabusés, pécheurs. En comptant sur l’intercession de Marie-Madeleine, ceux qui, à sa suite, osent s’approcher du Seigneur qui leur dit : venez comme vous êtes, ceux-là deviendront très vite ceinture noire d’amour !

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Bouleversant…
    <3

  2. wilhelm richard

    Vous parlez de cas raté, moi je préfère le judo, appelé aussi voie de la souplesse. Oui, ce sport demande et donne respect et humilité : une sainteté dans un combat au quotidien.
    De plus, aucun individu n’est à l’écart : les gros comme les petits, les vaillants comme les pleureuses, toutes les catégories sont représentées. Que personne ne soit dan…é, telle est la joie de Dieu.
    Faut-il alors se serrer la ceinture ? Je ne le crois pas. En revanche, faire la volonté de Dieu pour ne pas être immobilisé est un bon principe.
    La miséricorde de Dieu est n’ ippon, ni mauvais !!! Jamais Dieu ne veut nous punir ; Dieu peut cependant nous donner un shido (avertissement) pour sortir de notre sommeil !
    Merci pour cette bonne odeur de parfum d’homélie.
    Matté.

  3. ANGE Barbara et Emmanuel

    Délice suprême et céleste….

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