Lectures choisies Dt 7,6-11 – Ps 24 – Mt 11,25-30
En rentrant chez vous, j’espère que vous aurez l’occasion de témoigner auprès de vos amis de ce que vous aurez vécu pendant vos vacances et particulièrement au cours de cette semaine à Tressaint. C’est comme ça que vous pourrez répondre à l’appel du pape François qui ne cesse d’appeler les chrétiens à devenir des disciples-missionnaires. Evidemment, vous n’allez pas reprendre pour vos amis les enseignements que vous avez reçus, mais, s’ils vous interrogent vous pourrez leur parler de ce que vous avez vécu. Il y a une très belle parole de St François de Sales qui disait : « Ne parle de Dieu que lorsqu’on t’interroge, mais vis de manière à ce qu’on t’interroge souvent ! » Oui, ne parle de Dieu que lorsqu’on t’interroge parce qu’autrement, tu risques de fatiguer tout ton entourage en te transformant en témoin de Jéhovah ! Mais vis de manière à ce qu’on t’interroge souvent. Si ton visage est rayonnant de joie, si tes paroles sont emplies de paix, si tes regards sont emprunts de bienveillance, forcément, à un moment ou à un autre, on va te demander : mais qu’est-ce qui t’est arrivé pendant ces vacances ? Alors tu pourras témoigner de ce que tu as vécu ici et sans doute ailleurs, tu pourras témoigner de ce que le Seigneur a fait pour toi. Et sans doute que ce que tu vas vivre aujourd’hui sera très important, tous les jours sont importants dans une retraite, mais certains le sont quand même plus que d’autres. Et ce jour devrait compter de manière particulière.
Comme je le disais dans le mot d’accueil de cette messe, nous célébrons la miséricorde de Dieu. Les prières de la messe, les lectures ont été choisies en fonction de ce thème qui est bien plus qu’un thème puisque le pape François nous a dit que la miséricorde, c’était le nom même de Dieu. Célébrer la miséricorde, c’est donc célébrer, non pas un aspect du grand mystère de Dieu, c’est célébrer Dieu lui-même qui n’est que miséricorde. Et puis cette miséricorde, si vous le souhaitez, vous allez l’accueillir pour vous-mêmes cette après-midi. Mais au fait, c’est quoi exactement la miséricorde ? C’est vrai que ce n’est pas un mot qu’on utilise tous les jours dans le langage courant. Dans l’extrait qu’on a vu du film d’Astérix et Cléopâtre, j’aurais bien aimé qu’il y ait le mot « miséricorde » pour voir comment Jamel Debbouze aurait pu le tordre comme il aime tordre tant de mots ! Je me rappelle le témoignage de cette femme, très pauvre, issue du quart-monde, avec très peu de culture qu’on avait invité à donner son témoignage dans une journée sur la miséricorde. Voilà comment elle avait commencé : On m’a demandé de vous parler de la « miséricorde », je n’avais jamais entendu ce mot ! Ça me fait penser à la « misère ».
Oui, elle avait bien raison de rapprocher ces deux mots « misère » et « miséricorde » car avoir de la miséricorde, étymologiquement, ça signifie avoir un cœur qui se tient près de ceux qui sont dans la misère. Dans le mot miséricorde, il y a deux mots misère et corde, mais le mot corde ce n’est pas la corde à nœuds, en latin cor, cordis, c’est le cœur. La miséricorde est donc la qualité de celui qui tient son cœur proche de ceux qui sont dans la misère. C’est-à-dire que c’est la qualité de Dieu, c’est l’être même de Dieu qui a décidé, depuis toujours, de tenir son cœur, de se tenir près de ceux qui sont dans la misère, donc de tous les hommes de toute l’histoire et, aujourd’hui, particulièrement de vous et moi.
On l’a entendu dans la 1° lecture, Dieu a décidé de choisir le plus petit de tous les peuples. Il n’a pas choisi de faire Alliance avec le peuple des hébreux parce qu’il aurait été le peuple le plus brillant. S’il avait voulu un peuple brillant, il aurait pu choisir l’Egypte, l’Assyrie et leurs formidables inventions, leur science étonnante pour l’époque. Non, comme le disait le livre du Deutéronome : « Si le Seigneur s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. » Il a choisi le plus petit peuple, le moins brillant, celui qui traversait les plus grandes galères : « C’est par amour pour vous, et pour tenir le serment fait à vos pères, que le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a rachetés de la maison d’esclavage et de la main de Pharaon, roi d’Égypte. »
Et ce n’est pas un petit engagement, en choisissant ce peuple, Dieu ne s’est pas engagé en CDD, c’est un CDI, un engagement vraiment définitif :
« Tu sauras donc que c’est le Seigneur ton Dieu qui est Dieu, le Dieu vrai qui garde son Alliance et sa fidélité pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements. » Mille générations, surtout ne comptons pas pour savoir quand ça va s’arrêter ! Quand on aime, on ne compte pas ! Avec Dieu, c’est pour toujours, avec Dieu amour rime avec toujours. Et tu peux compter sur lui, son engagement est total, il ne laissera pas l’Adversaire te dominer. Dans mon texte, j’ai écrit Adversaire avec un A majuscule parce que, finalement, nous n’avons tous qu’un véritable Adversaire. Nous pouvons être en conflit avec des personnes, mais d’Adversaire, nous n’en avons qu’un, c’est précisément Celui que l’Ecriture désigne comme l’Adversaire de l’homme, le Tentateur dont vous avez dû entendre parler ce matin. Contre lui, l’engagement de Dieu a été total et c’est bien ce qu’annonçait encore la 1° lecture : « Il riposte à l’Adversaire, et sa riposte est immédiate. » Voilà tout ce que la 1° lecture nous disait déjà de la miséricorde de Dieu, cette miséricorde à laquelle vous pourrez goûter cette après-midi.
La miséricorde, je disais que c’était la qualité de Celui qui a décidé de tenir son cœur près de ceux qui sont dans la misère. L’Evangile nous le montrait de très belle manière. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » Je peux vous dire que cette parole a particulièrement retenti dans mon cœur à un moment de ma vie. Je traversais un moment difficile, j’étais déjà prêtre depuis 6 ans, mais je me rendais compte que j’étais en train de perdre ma joie. Je ne regrettais pas du tout mon engagement, je ne le remettais pas en cause. Mais je perdais ma joie et ça m’inquiétait beaucoup. Je me disais : si au bout de 6 ans, tu es déjà un prêtre triste, tu ne seras vraiment pas beau à voir dans 20 ans ! Ça me faisait peur, je n’en pouvais plus, alors la parole de Jésus m’attirait : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » J’avais tellement besoin de trouver le repos, de retrouver la paix, la joie. J’étais dans la misère, je pouvais donc compter sur Dieu puisqu’il avait promis de tenir, pour toujours, son cœur auprès de ceux qui étaient dans la misère.
Seulement dans la Parole de Jésus, il y avait la suite qui me laissait perplexe : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » Peut-être que vous n’avez jamais vu de joug, c’est une pièce de bois qui permettait, quand il n’y avait pas encore de tracteurs d’atteler une paire de bœufs pour labourer un champ. Je disais à Jésus dans ma prière : tu n’es pas sérieux, moi, je te dis que je suis fatigué, que je n’en peux plus et tu me proposes un joug, cet instrument qui évoque un travail laborieux. J’ai beaucoup prié l’Esprit-Saint pou qu’il m’éclaire. Et un jour, j’ai compris, c’est comme si Jésus me disait : Mon pauvre Roger, si tu es fatigué, c’est parce que tu ne comptes pas vraiment sur moi, c’est parce que tu ne m’as pas vraiment pris à tes côtés. Tu parles souvent de moi, mais tu ne me prends pas vraiment avec toi, tu ne comptes pas vraiment sur moi. Prends mon joug et tout changera, c’est à dire accepte que je sois lié à toi, avec toi, pour toujours, je tirerai avec toi, je porterai avec toi, ce qui est trop lourd pour toi !
Et j’ai dit oui, parce que le Seigneur attend toujours qu’on dise oui, c’est un gentleman, jamais il ne s’imposera. Ce matin, vous avez entendu parler de la liberté. Le Seigneur ne fera jamais rien en nous sans notre consentement et ce consentement, il ne cherchera jamais à nous l’arracher. Il attend avec patience que nous soyons prêts, car l’amour ne peut jamais s’imposer. Il attend que nous reconnaissions notre pauvreté, ce que vous serez invités à faire dans le sacrement du pardon. Et reconnaissant notre pauvreté, il attend que nous lui disions : Seigneur, j’ai besoin de toi. Alors, il peut agir avec puissance. Je peux vous dire qu’avec moi, Seigneur a tenu Parole. Je n’ai pas le temps de vous raconter comment il s’y est pris, mais il m’a visité, il m’a restauré. Oh, je ne suis pas devenu parfait, je suis même chaque jour un peu plus conscient de ma pauvreté, je ne suis pas devenu parfait, mais j’accepte de me laisser parfaire et cela je le vis particulièrement en recevant régulièrement le sacrement de la miséricorde. Alors, avec Jésus, j’ai vraiment envie d’exulter de joie : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, béni sois-tu Seigneur, de tenir ton cœur près de tous les petits, de tous ceux qui sont dans ma misère, près de moi et de chacun d’entre nous.