23 juillet : qu’est-ce que je vous sers : eau croupie ou source fraiche ?

L’Evangile d’aujourd’hui, sans savoir que nous allions le lire cette semaine, j’en ai déjà pas mal parlé lundi à propos du signe de Jonas. Je ne garderai donc que deux points.

1/ Jésus s’explique sur son utilisation répétée des paraboles. C’est vrai qu’il aime particulièrement s’exprimer en paraboles. Il fera aussi des discours, parfois très longs, mais souvent, même dans ses discours il y a une ou deux paraboles. Jésus aime les paraboles pour deux raisons.

  • La première, c’est que les paraboles sont un enseignement simple. Les paraboles n’utilisent jamais des concepts philosophiques, ce sont des images, des histoires tirées de la vie de tous les jours. Mon compatriote, le curé d’Ars, parce qu’il n’était pas philosophe et parce qu’il ne parlait pas pour des philosophes aimait lui aussi utiliser des paraboles, il en inventait chaque jour de nouvelles. 
  • La deuxième raison pour laquelle Jésus aimait les paraboles, c’est qu’elles correspondaient parfaitement à son sens de la vérité et à son désir de la transmettre. Les paraboles sont des histoires simples, mais pas naïves, elles sont toujours chargées d’un sens, d’une vérité extrêmement profonde. Et le mot de parabole suggère, en lui-même, comment cette vérité sera transmise. Para-ballô en grec, c’est ce qui est jeté le long de, c’est-à-dire que c’est tout le contraire d’une vérité jetée en pleine face. 

Cela, c’est très intéressant pour nous ! Quand nous avons quelque chose à dire à quelqu’un, quelque chose qui peut être parfaitement juste et donc nécessaire de lui dire, quelle méthode utilisons-nous ? Jetons-nous la vérité en pleine face dans un couloir ? Après l’avoir fait, sur le coup, on se dit : eh bien, ça m’a vraiment soulagé, signe qu’il fallait que je le fasse ! Et puis, quand on voit la réaction de la personne, immédiate ou à plus long terme, on se rend compte, si on n’est pas totalement insensible, si on a de l’empathie, comme on dit aujourd’hui, qu’on s’est totalement planté. Asséner des vérités en les bombardant avec un char d’assaut, ça ne peut que détruire celui ou celle qui la reçoit. 

La parabole, c’est tout l’inverse du char d’assaut. C’est une vérité profonde, racontée dans une histoire qui laisse aux auditeurs le temps de l’accueillir, d’entrer dans cette vérité et de se laisser travailler par cette vérité. On dira d’ailleurs de Jésus qu’il parlait avec autorité, non pas comme les scribes et les pharisiens qui eux bombardaient la vérité avec des chars d’assaut ! Jésus parlait avec autorité, ce mot, nous le savons, signifie : faire grandir. Jésus ne parlait jamais pour se faire du bien ou pire encore pour faire du mal et détruire son auditoire, il parlait pour faire grandir dans la vérité. Et c’est pour cela qu’il affectionnait particulièrement les paraboles.

Je ne dis pas que nous devons nous parler sans arrêt en paraboles qui risquent, à la longue de devenir des énigmes indéchiffrables. Je nous invite juste à réviser notre manière de parler en demandant au St Esprit qu’il nous fasse cette grâce de toujours chercher à faire grandir ceux à qui nous adressons des remarques et donc de renoncer définitivement à bombarder la vérité avec des chars d’assaut !

2/ Le 2° point que je retiens de cet Evangile, je ne fais que l’évoquer, c’est la béatitude que Jésus adressait à ses disciples, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui : « heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! » Chez nous, il y a bien quelques paires d’oreilles qui ont plus de mal à entendre ou quelques paires d’yeux moins perçants. Mais ce sont des yeux et des oreilles du cœur dont parle Jésus. Et l’acuité de ces yeux, de ces oreilles ne se corrigent pas avec des lunettes ou des prothèses mais en se livrant davantage au St Esprit parce que c’est lui qui travaille au cœur de notre cœur.

Venons-en à la si belle première lecture que nous avons entendue. C’est une confidence bouleversante de la souffrance de Dieu, d’un Dieu qui reste amoureux de son peuple comme au 1° jours : « Je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée, lorsque tu me suivais au désert, dans une terre inculte. » Or cet amoureux constate que la passion, il n’y a plus que dans son cœur qu’elle brûle. Il constate que tout le monde est en train de défaillir, de dérailler qu’il n’y a pas une catégorie de son peuple bien-aimé qui reste amoureux, c’est pourquoi il égrène douloureusement les méfaits du peuple, des prêtres, des dépositaires de la loi, des pasteurs, des prophètes. Il a beau chercher, plus personne ne garde au fond de son cœur un brin d’amour pour répondre à son amour toujours aussi passionné. 

Quelle souffrance ! Dieu va mettre des mots sur cette souffrance, des mots qui montrent que lorsque Dieu souffre, ce n’est pas comme nous. Nous, il peut nous arriver de souffrir égoïstement. Nous voyons que notre proposition d’amour, d’amitié ne rencontre aucun écho et nous en sommes blessés, l’autre n’a pas répondu à notre attente et ce refus qui nous plonge dans la solitude nous blesse et engendre de la souffrance. J’ai envie de dire que nous, nous souffrons pour nous. Dieu, lui, il ne souffre pas pour lui, mais pour nous, pour ce que ce refus que nous lui adressons provoque et détruit en nous. C’est ce qu’expriment magnifiquement les mots que Dieu a mis sur sa souffrance : « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! »

Qu’est-ce qui fait souffrir Dieu, ce n’est pas tant d’être un amoureux éconduit, c’est le choix que fait le peuple qui le refuse : à l’eau vive, coulant en permanence de son cœur d’amour, le peuple préfère de l’eau croupissante qui, en plus, va se tarir car les réservoirs que les hommes se construisent sont fissurés ! Pour comprendre cette plainte, il faut se remettre dans le contexte géographique, climatique de ce pays où il peut faire très très chaud et où manque d’eau, dans ce contexte, une source qui coule de manière permanente c’est un trésor qui n’a pas de prix ! Là où il n’y a pas de source, là où les sources ne sont pas sûres, les hommes creusent dans la roche avec tant d’efforts des citernes pour retenir l’eau de pluie. Mais cette eau de pluie accumulée n’aura jamais la saveur ni la fraicheur d’une eau de source. En plus, un jour ou l’autre avec les mouvements de terrain, cette citerne va se fissurer et n’arrivera même plus à retenir l’eau.

Voilà ce que Dieu constate : les hommes ne lui font plus confiance, ils estiment qu’il n’est pas une source fiable. C’est pour cela qu’ils se construisent des citernes, qu’ils vont voir ailleurs, qu’ils courent après ces idoles qui leur font de l’œil et des promesses qu’elles sont incapables de tenir. Du coup, Dieu voit qu’en le délaissant, lui, la source de la vie, la source de l’amour, en allant boire aux eaux trompeuses que les idoles proposent, les hommes s’empoisonnent peu à peu, car cette eau devient très vite une eau croupie et qui, même, un jour disparaitra complètement laissant mourir de soif ceux qui ont choisi de s’y abreuver. Plus que la souffrance d’un amoureux éconduit, la souffrance de Dieu est la souffrance de celui qui assiste impuissant à la descente aux enfers de celui, celle qu’il aime. « Ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! »

C’est à nous que le Seigneur livre cette confidence bouleversante. Et s’il nous la fait entendre c’est soit parce qu’il veut nous mettre en garde pour que nous ne tombions pas dans le piège soit pour que nous rectifions le tir parce que nous sommes déjà tombés dans le piège. Cher Saint-Esprit, aide-nous aujourd’hui à consoler le cœur du Seigneur en tournant définitivement le dos à toutes ces citernes fissurées que nous avons pu nous construire, que nous ne cessons de nous construire et de retrouver une foi suffisamment confiante pour retourner boire à la source fraiche et toujours disponible de son amour.

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    Amen ! Je le comprends d’autant mieux en ces jours suivant des résultats pas à la hauteur des espérances…
    Revenir boire à la source !!! Continuer le chemin…
    Merci 🙂

  2. Wilhelm Richard

    Pas ci terne que cela votre homélie : je la trouve même enrichissante votre source jaillissante.
    De son cote, Le croupie(r) du casino répète après avoir perdu ou plutôt lancé la boule : les eaux sont fraîches, rien ne va plus !
    Alors que Michel Berger interprète : la croupie du pianiste !

Laisser un commentaire