23 mars : jeudi 4° semaine de carême. Faire notre miel avec St Jean et comprendre comment Dieu peut dire des choses si dures.

Peut-être savez-vous que ma mère était allemande. Je n’ai pas appris l’allemand avec elle, mais je l’ai appris à l’école, parce que, à cause de la guerre, ma mère qui était enfant, à l’époque, a dû partir d’Allemagne pour fuir le nazisme, elle est donc allée très peu à l’école en Allemagne et parlait intuitivement sans pouvoir m’expliquer les déclinaisons et autres réjouissances de la langue allemande ! J’ai beaucoup perdu parce que je ne pratique plus, mais j’aime l’allemand, je défends cette langue et je n’aime pas quand on dit que c’est une langue qui sert uniquement à impressionner les chiens méchants. Non, l’allemand est une langue très mélodieuse ! Ecoutez : « Die Tasse ist zu klein ! » C’est très beau n’est-ce pas ? Alors que le français, à l’inverse, est une langue extrêmement dure : « Fermez la porte bon sang ! »

C’était pour vous faire sourire ! Mais c’était surtout pour souligner qu’on ne peut pas s’attacher seulement à une explication des mots pour comprendre le sens d’une phrase, l’intonation compte beaucoup. Or, le drame de l’Evangile, c’est que nous ne connaissons pas l’intonation avec laquelle Jésus a prononcé ces paroles qui nous sont rapportées. Alors peut-être que lorsque nous ne comprenons pas une parole de Jésus, c’est le signe que nous ne l’entendons pas avec la bonne intonation. De même s’il y a des paroles qui ne nous bousculent pas assez, c’est peut-être aussi parce que nous ne les entendons pas avec la bonne intonation.

Il me semble que c’est particulièrement le cas pour l’évangile d’aujourd’hui. Avant de vous le montrer, je dis juste un mot pour signaler, à la suite d’Olivier, que pendant un bon nombre de jours, nous allons avoir des évangiles tirés de St Jean qui sont des extraits de discours de Jésus. Ces textes sont d’une grande densité et en même temps, parce que nous ne lisons que des extraits, il sera souvent difficile d’en extraire comme un fil rouge. Alors, je vous propose que nous fassions comme les abeilles qui passent de fleur en fleur sans forcément suivre un parcours logique, je vous invite donc à faire votre miel en vous arrêtant sur telle ou telle phrase sans chercher une logique absolue. Dans les homélies que je ferai, les jours où je serai là, je vous proposerai mon miel, mais le vôtre peut être largement aussi bon que le mien !

Pour, aujourd’hui, la phrase de l’évangile qui m’a arrêté, c’est la suivante : « D’ailleurs je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu. » Et c’est là que l’intonation compte beaucoup. Personnellement, cette phase, j’entends Jésus la prononcer avec des sanglots dans la voix, regrettant tellement que nous n’ayons pas l’amour de Dieu en nous. Je ne peux pas imaginer que cette parole soit une parole de condamnation, prononcée avec un ton dur qui n’ouvre aucun avenir comme si Jésus disait : je ne peux rien faire pour vous ou avec vous puisque vous n’avez pas l’amour de Dieu en vous. Non, Jésus se désole que nous n’ayons pas l’amour de Dieu en nous parce qu’il sait ce dont nous deviendrions capables si nous avions l’amour de Dieu en nous. Je n’en dis pas plus, je vous laisse continuer la méditation pour faire votre miel.

Quant à la 1° lecture, elle mérite quelques explications. Pourquoi trouve-t-on dans la Bible des paroles comme celles que nous avons entendues ? Pourquoi Dieu prononce-t-il de telles paroles, parce que c’est lui et non Moïse qui les prononce ! « Maintenant, dit Dieu, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! » C’est terrible parce que, dans ce texte, on a l’impression que les rôles sont inversés : le grand méchant, c’est Dieu et le très gentil qui finira par amadouer Dieu grâce à son intercession, c’est Moïse ! Comment comprendre ? Est-ce que ça ne vient pas tout remettre en cause ce que j’ai dit ? Parce que, là, manifestement, Dieu ne parle pas en disant avec un air mielleux : Die Tasse ist zu klein !

D’abord un mot sur la colère de Dieu. Quand il y a une expression que nous ne comprenons pas, rappelez-vous, il y a une règle d’interprétation absolue qui marche à tous les coups, c’est donc bon de la connaître parce qu’on pourra aussi l’appliquer à la jalousie de Dieu, à la vengeance de Dieu, au jugement de Dieu et à tant d’autres expressions ou sentiments qui nous semblent si peu convenir à Dieu.

Devant ces expressions qui, appliquées à Dieu, provoquent un malaise, il faut toujours nous demander : à quoi peut ressembler la colère, la jalousie, la vengeance, le jugement chez quelqu’un qui n’est qu’amour. Parce que, ce qui définit Dieu, c’est qu’il est amour et Dieu n’est pas, comme nous, sujet au changement. C’est pourquoi j’aime tant rappeler ce que le père Varillon aimait dire : c’est trop peu de dire que Dieu est amour, il faut rajouter : Dieu n’est qu’amour. 

Alors, puisqu’il est question de colère dans notre texte comment peut s’exprimer la colère chez quelqu’un qui n’est qu’amour ? Vous ferez vous-même le travail avec les autres mots ! Il me semble avoir déjà cité cet exemple : imaginons des parents qui perdent un de leurs enfants dans un accident causé par un chauffard complètement ivre. Leur colère pourra s’exprimer de deux manières différentes : 

  • soit ils se mettent à militer pour le rétablissement de la peine de mort pour les chauffards
  • soit ils deviennent militants dans une association qui lutte contre l’alcool pour que d’autres parents n’aient pas à vivre le même drame qu’eux. 

Evidemment, Dieu appartient à cette deuxième catégorie, sa colère n’est jamais dirigée contre le pécheur, mais contre le péché. Ce qu’il veut, c’est éliminer, non pas les hommes, mais tout ce qui pourrait conduire les hommes au péché.

Peutr-être trouvez-vous l’explication intéressante, mais vous pourriez me répondre que ce n’était pas le sens de la phrase que j’ai déjà citée : « Maintenant, dit Dieu, laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je vais les exterminer ! » Oui, j’en conviens, mais nous sommes dans le livre de l’Exode et il nous faut accepter que nous n’en soyons qu’au début de la Révélation, une Révélation qui va préciser peu à peu le vrai visage de Dieu, une révélation qui ne sera plénière qu’avec la venue de Jésus qui parlera de Dieu comme d’un Père aux qualités inimaginables. 

Vous connaissez la boutade de Voltaire qui disait : « Dieu a créé l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu. » Oui, c’est vrai que, souvent, quand l’homme parle de Dieu, il en parle en le décrivant comme quelqu’un qui lui ressemble quand même ! C’est un peu ce dont témoignent ces premiers textes de la Bible et il ne faut pas les accuser de ne pas avoir compris ce que des siècles de révélation vont préciser, affiner. Si je résume, face à ces expressions difficiles, il faut deux réflexes : 1/ accepter que la révélation soit progressive et donc connaître l’époque de rédaction des textes pour comprendre où on en est de la Révélation 2/ Réinterpréter ces expressions en se demandant ce qu’elles veulent dire appliquées à quelqu’un qui n’est qu’amour.

C’est ainsi que nous pouvons mieux percevoir le sens de ces textes qui nous parlent de l’intercession des hommes qui cherchent à influencer Dieu pour qu’il change d’avis. C’est bien le cas de ce texte où Moïse semble arracher in extremis à Dieu qu’il n’extermine pas son peuple. C’était aussi le cas du texte racontant le marchandage d’Abraham avec Dieu pour essayer de sauver Sodome. Moi, je crois que la plus grande leçon de ces textes ne concerne pas Dieu, parce que Dieu n’est qu’amour et qu’il est sans changement, mais la plus grande leçon, elle concerne les hommes. Ces textes marquent déjà un véritable progrès de la révélation au moins sur deux points. 

  • D’abord, ces textes nous montrent des hommes qui dialoguent sans crainte avec Dieu, des hommes parlant à Dieu, selon la belle expression biblique, « comme un ami parle à un ami. » C’est vraiment beau et totalement nouveau pour cette époque où on ne pouvait pas imaginer une telle familiarité entre Dieu et les hommes.  
  • Ensuite, ces textes nous montrent des hommes totalement solidaires de leurs frères, prêts à tout pour les garder en vie. Là encore, quel progrès dans la mentalité de l’époque qui était plutôt bien décrite par la réflexion de Caïn disant : suis-je le gardien de mon frère ?

Mesurons-nous vraiment la chance que nous avons d’arriver à ce moment de la Révélation ? Profitons-nous vraiment de ce qu’il nous a été donné d’apprendre par Jésus sur l’Amour inconditionnel de Dieu pour vivre encore plus dans la familiarité avec Dieu et la fraternité vis-à-vis des autres hommes !

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    Comment pouvez-vous dire que votre tasse est trop petite ?
    Le cas fait comme le Schnaps conduite dangereuse !
    Boire ou choisir, il ne faut pas toujours conduire.

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