24 avril : 2° dimanche de Pâques, dimanche de la divine Miséricorde. Comment croire sans toucher du doigt son immense amour pour nous ?

Comme toujours, pour bien comprendre un texte de l’Ecriture, il faut le remettre dans son contexte. Je fais donc un résumé rapide, comme j’ai déjà pu en faire un vendredi … mais il y a des amis du Foyer qui nous ont rejoints pour cette messe et qui n’étaient pas là vendredi ! Nous sommes donc au soir du 1° jour de la semaine, c’est ce que précise le texte d’évangile, c’est à dire que c’est le soir de Pâques. Les disciples sont rassemblés dans une maison complètement verrouillée tant ils ont peur de subir ce que Jésus vient de subir. Au petit matin, Pierre et Jean ont bien fait une petite sortie pour aller jusqu’au tombeau vérifier ce que Marie Madeleine toute affolée était venue leur dire : le tombeau est vide. Pierre et Jean y sont allés en courant, peut-être pour vérifier le plus rapidement possible les propos de Marie-Madeleine, moi, je pense, plus sûrement qu’ils ne voulaient pas rester trop longtemps dehors, alors ils courent pour revenir dans ce lieu sécurisé le plus vite possible. C’est ce qu’ils font ! Il a bien été dit que Jean en voyant le tombeau vide et les linges posés a cru, n’empêche que Pierre et Jean rentrent vite et s’enferment à nouveau avec les autres.

L’ambiance ne devait pas être extraordinaire dans cette pièce où ils se trouvaient. Bien sûr, ils étaient habités par un immense chagrin, Jésus était mort après des souffrances horribles. Mais il y avait aussi le poids de la culpabilité qui les étreignait. D’abord, ils n’étaient plus que onze et cette place laissée vide par Judas qui s’était pendu était comme un doigt accusateur pointé en direction de chacun d’eux : et toi, qu’as-tu fait ? Pierre devait ruminer son triple reniement, repassant en boucle, dans sa tête, ses paroles de lâcheté. Il devait aussi revoir le regard de Jésus, un regard tellement bon que ça finissait par le perturber parce que lui, il n’arrivait pas à se pardonner ce qu’il avait fait. D’ailleurs, il y avait ce chant du coq qui revenait sans cesse dans ses oreilles dès qu’il essayait de s’endormir. Quant aux autres, ils avaient également du temps pour repenser à leur lâcheté puisque pas un n’avait eu le courage de faire quelque chose pour défendre le maître. St Jean qui avait été le seul fidèle était peut-être épargné par cette culpabilité même s’il pouvait s’en vouloir de ne pas avoir su aider ses compagnons à rester fidèles jusqu’au bout. En plus, ce matin, il en manquait un, Thomas qui était sorti, peut-être parce qu’il n’en pouvait plus de cette ambiance sinistre, il ne supportait pas ce confinement déprimant. Il préférait affronter les risques dehors plutôt que de se laisser mourir à petit feu dans cette déprime générale.

C’est dans ce contexte que Jésus vient au milieu d’eux et quand il arrive, il sait tout ce qu’ils sont en train de ruminer, alors, la première parole qu’il leur dit, c’est : « La paix soit avec vous. » Et on peut imaginer que cette parole, il l’a prononcée avec un ton qui montrait bien qu’il ne s’agissait pas de simples mots prononcés quand on ne sait pas quoi dire ou d’une formule de politesse. Il leur dit exactement ce qu’ils ont besoin d’entendre, il leur apporte exactement ce qui leur manque le plus, la paix. Il est comme ça Jésus et il est toujours comme ça ! Quand il nous rejoint même après que nous l’ayons oublié, trahi, renié, ce qu’il nous dit, ce qu’il nous apporte, c’est ce dont nous avons le plus besoin, la paix. Pas de reproche, pas de regard qui juge et enferme, une parole accompagnée d’un regard miséricordieux : « La paix soit avec vous. » 

Et, cette parole, il va l’accompagner d’un geste qui aura une grande importance pour la suite du texte : il leur montre ses mains et son côté. Ses mains, elles portent, bien sûr, la marque des clous et sur son côté, le coup de lance reçu sur la croix a laissé une trace profonde. S’il leur montre ses blessures, ce n’est surtout pas pour leur rajouter une couche de culpabilité comme s’il les accusait d’avoir tant souffert à cause d’eux puisque personne n’avait été capable de le défendre. Non, il leur montre ses blessures après avoir dit : la paix soit avec vous. C’est comme s’il leur disait : je n’ai pas souffert cela à cause de vous, mais pour vous ! Ces marques sont désormais les marques de son amour pour ses apôtres, mais aussi pour tous les hommes de tous les temps et donc pour nous aujourd’hui. Personne ne peut croire sans avoir touché du doigt l’amour miséricordieux pour lui. Mais revenons au texte ! Comme si ces paroles et ces gestes ne suffisaient encore pas, Jésus leur renouvelle sa confiance en les envoyant en mission et pour que cette mission ne les écrase pas, il leur donne un acompte d’Esprit-Saint. 

Et ce n’est encore pas fini ! Eux qui se sont montrés de si grands pécheurs dans les jours qui viennent de s’écouler, il leur donne le pouvoir de remettre les péchés. Ça parait fou, mais en fait, c’est bien vu ! Jésus avait dit : celui à qui on pardonne peu montrera peu d’amour. Il pardonne beaucoup à ses disciples, il est donc sûr qu’ils sauront montrer beaucoup d’amour à ceux qui viendront leur demander le pardon de leurs péchés. 

Après avoir vécu tout cela, comme le dit l’Évangile, on comprend que les apôtres aient été remplis de joie. Non seulement, ils voyaient Jésus vivant, ressuscité mais, non seulement, il ne leur faisait aucun reproche, mais en plus, il leur montrait qu’il les aimait davantage. Vous comprenez aussi pourquoi, en l’an 2000, Jean-Paul II a décidé d’appeler ce 2° dimanche de Pâques « le dimanche de la divine miséricorde ». C’est sûr que, dans cette première rencontre de Jésus ressuscité avec ses apôtres, la miséricorde éclate de manière inouïe. Là où le péché avait abondé, la grâce de la miséricorde devient surabondante. 

Seulement voilà, ce soir-là, il en manquait un, il manquait Thomas. Comment aurait-il pu reprendre la mission d’apôtre avec les autres sans avoir vécu ce que les autres venaient de vivre ? Sans avoir été, lui aussi, visité par la divine miséricorde du Seigneur, c’était mission impossible ! Alors, 8 jours plus tard Jésus va revenir. Mais je ne pense pas qu’il revienne, comme on le pense souvent, en étant exaspéré par l’attitude de Thomas. S’il est revenu, c’est parce que Jésus était bien d’accord avec Thomas. Jésus pensait qu’il était normal que Thomas demande de pouvoir vivre cette expérience de miséricorde et c’est bien pour cela qu’il lui propose de toucher du doigt cette miséricorde en touchant ses plaies.

Il est vraiment normal que nous demandions, nous aussi, aujourd’hui, de pouvoir vivre cette expérience, de pouvoir toucher du doigt à quel point le Seigneur nous aime. Sans cette expérience, notre foi restera froide, coincée dans notre tête et nous serons souvent des donneurs de leçons, de leçons théologiques, de leçons morales, mais nous ne serons jamais des témoins crédibles car le témoin parle de ce qu’il a vu, de ce qu’il a expérimenté. Et vous connaissez sans doute cette merveilleuse parole du pape Paul VI qui disait : « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maitres ou s’il écoute les maitres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. » La parole de Paul VI est d’un équilibre extraordinaire, il ne nie pas qu’il y ait besoin de maitres qui aident à réfléchir juste, mais si ces maîtres ne sont pas aussi des témoins, jamais leur parole n’allumera le feu dans les cœurs. De ce point de vue, le père Cantalamessa qui nous aura accompagné tout au long de cette semaine de retraite est un magnifique exemple de ce mariage heureux entre une foi réfléchie et une foi vécue, lui permettant d’être tout à la fois un maître sûr et un témoin lumineux.

A tout ce que je viens de dire sur la nécessité de faire cette expérience de la miséricorde, vous pourriez peut-être m’objecter que Jésus dit quand même : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Cette parole ne serait-elle quand même pas le signe que Jésus préférerait que notre foi n’ait pas besoin de voir, d’expérimenter ? Je ne le crois pas du tout et cela pour deux raisons. La 1° raison, c’est que la compréhension de cette parole dépend vraiment de l’intonation avec laquelle Jésus l’a prononcée. Si, dans l’Evangile, nous avons les paroles, hélas, nous n’avons pas l’intonation ! Je ne pense pas qu’il l’ait prononcée en soupirant comme pour dire : Thomas, j’ai accepté de venir, mais tu sais, j’aurais préféré que tu aies pu croire sans avoir eu besoin de me voir. Moi, je pense que Jésus a plutôt dit les choses comme ça : Parce que tu m’as vu, tu crois, oui, c’est le chemin normal de la foi, mais il y a des pointures supérieures qui, eux n’ont pas besoin de voir pour croire, ceux-là ne sont pas nombreux et chapeau pour eux ! Si vous trouvez que mon interprétation est farfelue, vous en avez le droit, mais vous m’expliquerez comment vous comprenez la finale de l’Evangile qui parle des signes qui ont été mis par écrit pour que nous puissions croire. Un signe ça se voit, nous avons donc besoin de voir pour croire CQFD Amen !

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