Régulièrement l’actualité nous informe que s’est tenu un procès pou plagia. C’est, par exemple, un écrivain qui se rend compte que l’un de ses scénarios a été pillé pour servir de base à l’épisode d’une série. C’est un musicien qui se rend compte qu’une partie d’une pièce qu’il a composée a été utilisée dans une chanson. Bref, les situations ne manquent pas ! Eh bien, on pourrait presque penser que Jésus, lui aussi, pratiquait le plagia. C’est assez clair que la parabole qu’il raconte dans l’Evangile a été inspiré en grande partie par ce très beau chant de la vigne que nous avons entendu en 1° lecture. Mais, bien sûr, il ne s’agit pas de plagia et cela pour deux raisons :
- La 1° raison, c’est que l’Esprit-Saint qui est l’inspirateur de toutes les Ecritures ne portera jamais plainte contre une personne qui cite l’Ecriture, qui utilise l’Ecriture car elle est faite pour ça ! Avec l’Ecriture, nous devons faire un peu comme les abeilles avec les fleurs : elles butinent, allant de fleurs en fleurs et ensuite, elles font leur miel avec tout ce qu’elles ont butiné, un miel à la saveur extraordinaire, résultat d’un mélange harmonieux de toutes les saveurs butinées. Eh bien, il en va de même avec l’Ecriture, chacun est invité à butiner, à garder dans son cœurs les Paroles lues, entendues et ensuite en faire son miel. Parce qu’il était pétri des Ecritures, régulièrement, nous voyons comment Jésus a fait son miel à partir de toutes les Paroles qu’il gardait dans son cœur. Et, pour cela, il a été à bonne école, on peut facilement imaginer qu’il a appris à le faire sur les genoux de Marie, sa mère, elle dont il nous est dit si souvent qu’elle gardait la Parole dans son cœur.
- La 2° raison pour laquelle ce n’est pas du plagia, c’est que, la plupart du temps, quand Jésus utilise une Parole, une histoire du Premier Testament, quand il la redonne, elle est profondément transformée. Et c’est vraiment le cas aujourd’hui, nous allons le voir. Nous ne devons pas nous étonner que Jésus transforme les paroles et les histoires du Premier Testament puisqu’il est lui-même le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. Les rabbis de son époque se contentaient de répéter ce qu’un autre rabbi avait dit. Personne ne pouvait avancer une idée réellement nouvelle, il fallait nécessairement qu’on puisse en trouver quelques éléments dans les écrits d’un rabbi d’autrefois. Ce fait va frapper, à plusieurs reprises, l’auditoire de Jésus qui découvrira que Jésus ne parle pas comme les autres rabbis qui, eux, se contentaient de répéter. Dieu a envoyé Jésus dans le monde parce que tout n’avait pas été dit sur Lui et même parce que bien des paroles dites à propos de Lui n’étaient pas ajustées. Puisqu’il y avait besoin qu’une Parole nouvelle soit dite, il a envoyé Celui qui est le Verbe dont la Parole renouvellera notre connaissance de Dieu.
Regardez la 1° lecture, ce très beau chant de la vigne qui nous raconte cette histoire douloureuse d’un vigneron qui avait bichonné sa vigne, il avait fait tout ce qu’il est possible de faire pour que sa vigne porte de beaux fruits. Isaïe nous dit qu’il avait choisi un coteau fertile, puis planté un plant de qualité après avoir retourné la terre, en prenant bien soin d’enlever les pierres. Pour être plus sûr que des vandales ne viennent pas, au milieu, il avait bâti une tour de garde. Et comme il était en droit d’espérer une très belle récolte, il avait creusé aussi un pressoir. Ça, on peut dire qu’il avait bichonné sa vigne, mais de manière incompréhensible, au lieu de donner de beaux raisins, elle en a donné de mauvais ! Alors, la colère est montée en lui et, ce propriétaire, mettra autant d’ardeur à saccager sa vigne qu’il en avait mise à la bichonner ! La fin du texte est terrible parce qu’elle nous donne la clé de lecture : La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris.
Clairement cette histoire est un avertissement au peuple des hébreux : voilà comment Dieu va agir avec vous si vous continuez sur le mauvais chemin ! Depuis le temps qu’il s’occupe de vous, qu’il fait tout pour vous, si vous continuez à le décevoir, ça va chauffer et c’est lui-même, Dieu qui va vous châtier mettant autant d’énergie pour le châtiment qu’il en a mis pour s’occuper de vous ! Terrible avertissement ! Mais comment Jésus aurait-il pu reprendre, telles quelles, ces paroles ? La 1° partie est juste : oui, c’est vrai Dieu a bichonné son peuple ; oui c’est vrai, il l’a entouré de multiples attentions ; oui c’est vrai, il attendait que le peuple porte des fruits, des fruits à la hauteur de toutes les marques d’attention dont il avait bénéficié ; oui, c’est vrai, Dieu a été profondément déçu. Tout cela est vrai, mais la suite ne l’est pas ! Alors, Jésus va rétablir la vérité sur qui est Dieu et comment il agit.
Vous connaissez sans doute la boutade de Voltaire qui disait : Dieu a créé l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ! C’est-à-dire que l’homme est perpétuellement en train d’inventer un Dieu qui soit à son image, qui agisse et réagisse comme lui-même agit et réagit. Et c’est parce qu’il y a trop de discours sur Dieu qui sont des discours d’hommes projetant sur Dieu leur propres pensées que tant de nos contemporains s’éloignent de Dieu. Un Dieu qui serait, en tout point, à l’image de l’homme, serait souvent un monstre et on comprend ceux qui s’éloignent d’un tel Dieu. C’est pour cela qu’il faut lire les Evangiles, écouter ce que Jésus nous dit de son Père parce que, lui, Jésus, il rétablit la vérité sur Dieu. Il est venu nous dire, en paroles et en actes qui est Dieu. Dans l’Evangile de Jean, Jésus dira : qui me voit, voit le Père. Jn 14,9. Alors, si tu veux savoir comment Dieu réagit face au mal qui s’acharne sur certains, regarde Jésus, ce qu’il dit et comment il agit. Il ne dit jamais : ceux qui souffrent, c’est une punition de Dieu ! Non, il n’explique pas la souffrance avec des théories fumeuses, mais, par contre, il s’approche de ceux qui souffrent et tente de les guérir. Tu veux savoir ce que Dieu pense de la violence et comment il nous invite à réagir quand nous sommes victimes de violence ? Regarde Jésus comment il a, lui-même, réagi à la violence injuste qui s’est acharnée contre lui dans sa passion. Je pourrais continuer encore longtemps à passer aux cribles toutes les situations dans lesquelles, Jésus a rétabli la vérité sur Dieu en déconstruisant les idées toutes faites qui étaient véhiculées sur Lui, à son époque.
L’Evangile d’aujourd’hui en est une très belle illustration puisqu’il nous montre comment Dieu réagit quand il est déçu. Il ne réagit pas du tout comme Isaïe l’avait un peu trop vite imaginé. D’abord, c’est clair, Dieu souffre. Parce qu’il aime les hommes, tous les hommes, il ne peut pas rester indifférent quand nous prenons un mauvais chemin. Dieu souffre de ce qui se passe, ces jours, sur cette terre qu’il a choisie entre toutes pour venir vivre au milieu des hommes, terre bénie et si souvent meurtrie. Mais quand Dieu souffre, il ne laisse pas éclater une colère destructrice, Dieu aime encore plus. Son Fils n’a pas été accueilli, pire, il a été martyrisé alors que, peut-être un peu trop naïvement, il se disait, : mon fils, ils le respecteront ! Ils ne l’ont pas respecté. Eh bien Dieu n’a pas détruit ceux qui ne l’ont pas respecté. Sa vengeance suprême a été de continuer de croire qu’il devait bien exister des hommes qui finiraient par accueillir son amour et lui feraient porter de beaux fruits. Et, suprême folie de Dieu, il a continué d’espérer que, grâce à ceux qui accueilleront son amour, un jour, ceux qui l’ont refusé finiront par se convertir.
Chers amis, c’est pour cette belle et grande mission que Dieu nous choisit. Il ne nous appelle pas pour que nous répétions bêtement ce qui se dit sur Dieu. Il ne nous appelle pas pour que nous annoncions un Dieu à l’image de l’homme qui serait un problème supplémentaire. Il nous appelle pour que, à la suite de Jésus, nous devenions les témoins de son obstination à aimer, à pardonner. Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de pouvoir, par nos paroles et surtout par nos actes, être les témoins de ce Dieu obstiné à aimer et à pardonner.
Bravo!