24 avril : samedi 3° semaine de Pâques Faire son lit, 1° marche sur l’escalier de la sainteté !

Il y a des paroles de l’Ecriture qui viennent parfois percuter notre vie, je pense que vous en avez déjà fait l’expérience. Dans les lectures d’aujourd’hui, il y a une de ces paroles qui est venue percuter ma vie. Mais je vous le dis tout de suite, ce n’est pas la magnifique parole de Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Non, la parole qui a percuté ma vie, c’est celle que nous avons entendue dans la 1° lecture : « Énéas, Jésus Christ te guérit, lève-toi et fais ton lit toi-même. » Cette parole, je vous avoue que je ne l’avais jamais remarquée, il a fallu le confinement de l’année dernière pour que je la découvre et que, donc, elle vienne percuter ma vie de manière durable au moins sur un aspect.

Avouez qu’elle est quand même étonnante cette parole parce que, quand même, faire son lit, était-ce la toute 1° urgence pour cet homme qui se trouve guéri d’une paralysie qui l’a tenue couché depuis 8 ans ? Oui, mais voilà, il n’y a aucune parole inutile dans l’Ecriture. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler qu’écrire, à l’époque, c’était tellement long, difficile et aussi tellement cher qu’on n’écrivait pas pour ne rien dire ! « Énéas, Jésus Christ te guérit, lève-toi et fais ton lit toi-même » si cette parole est dans l’Ecriture, c’est parce qu’elle doit être parlante, c’est parce qu’elle doit pouvoir nous enseigner ! Alors, quels enseignements pouvons-nous donc en tirer ? 

Quand la puissance de vie de Jésus ressuscité vient toucher quelqu’un pour lui apporter une guérison, que cette guérison soit d’ordre physique, psychologique ou spirituelle, cette guérison va venir transformer sa vie. C’était vrai il y a 2000 ans et ça le reste aujourd’hui. La transformation, c’est que ce qui n’était pas possible avant va le devenir : désormais Eneas va être capable de faire son lit tout seul. Et pour bien manifester que ce changement a eu lieu dans sa vie, Enéas est invité à poser rapidement un geste extrêmement concret qui manifestera qu’il croit en la guérison qui lui a été donnée et qu’il accepte d’entrer dans cette vie nouvelle qui lui est offerte. 

Et alors, ça devient très intéressant car cet ordre de Pierre demandant à Enéas de faire son lit lui-même, ordre qui pourrait sembler si anecdotique va, en fait, montrer que lorsque la puissance du ressuscité vient toucher une personne, en principe, ce n’est pas pour la faire léviter ! Sa puissance vient nous toucher pour nous aider à vivre autrement notre quotidien. A ce sujet, il y a une parole de Marthe que j’aime beaucoup et qui me semble illustrer cela de manière parfaite. Elle nous invite à vivre « la fidélité à l’amour par l’exactitude dans l’accomplissement des petites choses. » Ce ne sont pas par mes grands élans mystiques ou mes charismes extraordinaires qui vont attester que je me suis laissé toucher et guérir par la puissance de vie du ressuscité. Ce qui va attester que le Ressuscité est venu me visiter, c’est ma manière d’accomplir les petites choses du quotidien, ma manière de les vivre dans l’amour et dans l’exactitude, c’est-à-dire jusque dans le détail. Voilà pourquoi le 1° geste que Pierre exige d’Enéas, c’est qu’il fasse son lit. Ce qui pourrait sembler un détail sans importance va devenir le critère de vérification d’une expérience spirituelle. Alors, à chacun de voir ce que ça veut dire concrètement pour lui, pour elle à quelle exactitude dans l’accomplissement des petites choses il est appelé pour manifester sa reconnaissance à l’amour fidèle du Seigneur.

Quand la puissance de vie de Jésus ressuscité vient toucher quelqu’un pour lui apporter une guérison, c’est une invitation pour cette personne à mettre de l’ordre dans sa vie, comme le dit la spiritualité Ignacienne. Un lit qui n’est pas fait, qui n’est jamais fait, en soi, ce n’est pas si grave que ça, après tout dans ma chambre, il n’y a que moi qui entre ! Oui, mais ce lit qui n’est pas fait est souvent le révélateur de bien d’autres choses qui ne sont pas faites et que je laisse trainer dans ma vie. C’est en cela que cette parole est venue percuter ma vie parce que, je m’en confesse, je ne faisais pas toujours mon lit ! Eh bien, depuis le 1° confinement, grâce à cette parole, chaque jour, mon lit est fait ! C’est une première victoire, je sais qu’il y en a encore beaucoup d’autres à emporter mais je fais confiance à la puissance de la grâce du ressuscité pour qu’il m’aide à mettre de l’ordre dans bien d’autres secteurs de ma vie, mais je rends déjà grâce pour cette victoire !

L’ordre de Pierre lancé à Enéas m’a touché directement, ceci dit, il est possible qu’un certain nombre d’entre vous soient plus avancés que moi et que ça fait belle lurette qu’ils faisaient leur lit. Pour autant l’ordre de Pierre doit quand même vous interpeler puisqu’il est fondamentalement une ferme invitation à mettre de l’ordre dans votre vie. Demandons que la grâce nous soit donnée de voir lucidement tout ce que nous laissons trainer, tout ce que nous ne faisais pas ou trop vite ou que nous faisons mal que ce soit dans le travail que nous avons à faire, la mission que nous devons remplir ou que ce soit dans l’ordre des relations. Ayant vu lucidement tout ce qui est à faire pour que notre vie soit ordonnée, choisissons de monter l’escalier, une marche après l’autre. Pierre suggère que faire son lit est la 1° marche, c’est une invitation à ne pas être trop ambitieux tout de suite, mais extrêmement réaliste : quelle est la 1° démarche qui pourra me mettre dans une trajectoire positive et dont la réussite m’encouragera à envisager de monter une 2° marche ?

St Thomas d’Aquin avait une belle prière, il disait : « Seigneur, mets de l’ordre dans ma vie, et ce que Tu veux que je fasse, donne-moi de le connaître, donne-moi de l’accomplir comme il faut et comme il est utile au salut de mon âme. » Cette prière est belle car elle m’oblige à reconnaître que je n’arriverai pas, par moi-même, à remettre tout en ordre dans ma vie, je demande donc au Seigneur qu’il m’éclaire sur les désordres et qu’il me donne la grâce de les vaincre les uns après les autres. Tous ceux qui participent à la prière des frères savent que c’est souvent ce genre de demande qui est formulée par les retraitants. Ils demandent la grâce de pouvoir mettre de l’ordre dans leur vie sur l’un ou l’autre point qui résiste. Mais il n’y a pas que les retraitants qui ont besoin de remettre de l’ordre dans leur vie, nous sommes tous concernés ! Il est donc important que nous puissions tous vivre, recevoir les bienfaits de cette prière des frères de temps en temps.

Le 2° miracle qui était évoqué dans le passage des Actes, c’est carrément une résurrection, celle de Tabitha, cette gazelle si généreuse. Quand on parle d’elle à Pierre, elle est déjà morte, Pierre aurait pu dire : c’est trop tard ou bien : on va bien prier pour elle ! Non ! Il n’hésite pas un seul instant, il y va parce qu’il sait que la puissance de vie du ressuscité a été remise entre les mains des apôtres. Il l’a déjà expérimenté plusieurs fois depuis le 1° miracle qu’il a osé faire, plus rien ne l’arrête, quelle foi ! Et tout ça, ce n’est pas une belle histoire du passé. Nous connaissons tous la demande de Jésus à Marthe que l’on trouve dans le texte fondateur, demande dans laquelle Jésus fait part de son désir que les foyers soient des lieux de résurrection spirituelle. Je pense que nous avons tous été les témoins émerveillés de la puissance de vie du Ressuscité qui a opéré de véritables résurrections spirituelles chez certains retraitants. Ce qui se passe dans les Foyers, c’est tout à fait la continuité des miracles opérés par la main des apôtres.

Mais il nous faudra toujours rester vigilants et retenir la mise en garde du pape François qui, avec son humour décapant demandait que nous ne transformions pas nos communautés en salons de toilettage qui ne s’occuperaient que de l’élite des brebis qui viendraient se faire laver, coiffer et parfumer spirituellement ! Comme il aime le dire, ce dont le monde a besoin c’est de trouver une Eglise ou des lieux d’Eglise qui soient de véritables hôpitaux de campagne capables d’accueillir les plus grands blessés pour leur transmettre la puissance de vie du ressuscité, puissance qu’il a remise entre nos mains. Nous aurons toujours à vérifier si nos propositions permettent de rejoindre ceux qui sont le plus blessés et qui attendent de vivre une résurrection spirituelle.

Enfin, je ne dis qu’un mot du texte d’Evangile qui conclut le discours sur le Pain de Vie que nous avons entendu toute la semaine. Pour Jésus, ça a dû être un moment bien difficile. Ce discours, il l’a prononcé pour les disciples mais aussi devant cette foule qui ne veut plus le lâcher après la multiplication des pains. Or voilà qu’un drame va se produire. Il vient de partager à ses disciples comme un secret sur ce que sera l’Eucharistie. Oui, elle exigera le sacrifice de sa vie, mais elle portera une puissance de vie tellement inouïe qu’elle sera plus forte que la mort. Il vient de leur partager tout ça et eux disent que ces paroles sont trop rudes à entendre. S’ils avaient dit que c’était difficile à comprendre, Jésus aurait pu l’accepter, mais difficile à entendre, c’est autre chose. 

Par ces mots, Jésus perçoit bien que la plupart n’iront pas jusqu’au bout avec lui, d’ailleurs ils le lui montrent tout de suite, l’Evangile nous dit : À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. 

Quelle souffrance pour Jésus ! Il leur partage son grand secret, il cherche à les associer de plus près à sa mission et la plus grande partie de ses amis décident de le quitter. Il a dû se demander si tout n’allait pas capoter, c’est pour cela qu’il interroge les 12 : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » On imagine facilement toute la souffrance qu’il y a derrière cette question et en même temps on ne peut qu’être émerveillé par cette liberté que Jésus offre à ses disciples. C’est comme s’il leur disait : Si pour vous aussi c’est trop difficile, je comprendrais que vous partiez avec les autres et si vous pensez devoir le faire, c’est le moment ! Jésus ne fait aucune pression d’aucun ordre, par cette question, il leur rend leur liberté. C’est alors que Pierre va prononcer cette si belle : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » Il ne dit pas que lui et les 11 autres ont tout compris, il ne dit pas non plus que les paroles de Jésus ne sont pas difficiles, mais il pose un acte de foi : quant à nous, nous croyons ! Puissions-nous, dans les moments difficiles où nous sommes, où nous serons confrontés à des choix importants faire ce même acte de foi, en reprenant les mêmes paroles de Pierre : Seigneur, ce que tu nous dis, ce que tu nous demandes n’est pas facile, mais nous croyons que tu as les Paroles de la vie éternelle du coup, nous ne voyons pas à qui d’autre nous pourrions aller pour trouver ce que toi seul, tu peux nous apporter !

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