28 novembre : 1° dimanche de l’Avent. Signes terrifiants dans l’Evangile et promesse de bonheur dans la 1° lecture, comment concilier l’inconciliable ?

Je donne cette homélie au cours d’une messe animée par des musiciens fêtant, en retard, la sainte Cécile !

J’imagine volontiers qu’un certain nombre d’entre vous ne sont pas forcément des pratiquants réguliers et qu’ils sont venus d’abord pour écouter la prestation des musiciens de la Lyre. Ceux-là, je ne voudrais pas trop les lasser avec une homélie assommante. Je suis issu d’une famille pas du tout pratiquante et je me rappelle que pour chaque célébration que j’ai eu l’occasion de vivre avec des membres de ma famille, mes frères qui m’appellent affectueusement « moine » me disaient toujours : « moine, pas trop long et tu ne nous fatigues pas avec des trucs impossibles à comprendre ! » Alors, je vais essayer de tenir compte de leur mise en garde ! Et je vais précisément profiter de la présence des musiciens de la Lyre pour commencer cette homélie avec une comparaison empruntée au monde du spectacle, il ne s’agira pas de musique, mais de théâtre !

Quand vous allez voir une pièce de théâtre, au moment où vous entrez dans la salle, elle est allumée pour que vous puissiez trouver votre place. Et quand vous avez trouvé votre place, comme la lumière est allumée, vous en profitez pour lire le programme, pour regarder les personnes, comparer leurs tenues de vos voisins à la vôtre ou je ne sais pas quoi d’autre. C’est-à-dire que votre attention papillonne dans tous les sens ! Et vient un moment où la pièce va commencer, alors la lumière s’éteint, il y a un bruit caractéristique, vous savez ce sont les fameux 3 coups qui vont être tapés. Tout cela, c’est le signal qu’il faut que vous arrêtiez de regarder à droite et à gauche pour vous concentrer sur ce qui va se passer sur la scène. Si on n’éteignait pas les lumières, c’est sûr qu’au bout d’un moment vous vous mettriez à nouveau à regarder les autres, à regarder des choses futiles alors qu’un spectacle de qualité se passe devant vous. La lumière qui s’éteint et le bruit des 3 coups, ce n’est donc pas l’annonce d’une catastrophe, c’est même tout le contraire !

Je crois que c’est exactement le scénario que Jésus décrivait dans cet évangile : pourquoi le soleil, la lune et les étoiles vont s’éteindre ? Pourquoi sur terre, y aura-t-il comme un fracas de la mer et de la tempête ? Eh bien, ces lumières qui s’éteignent et ce bruit semblable à celui des 3 coups, tout cela annonce qu’il va se passer quelque chose de très important. De fait, c’est bien ce que Jésus dit : « alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. » Tout s’éteint, les 3 coups sont frappés pour que nous ne soyons plus distraits par le futile, pour que nous ne rations pas l’essentiel, la venue du Fils de l’Homme, Jésus Sauveur. 

Ce texte nous est donc proposé en ce début du temps de l’Avent pour nous aider à nous tenir en éveil, pour que nous préparions nos cœurs à cet évènement ou plutôt cet avènement. Le problème, c’est que pour nous, et ça dure depuis un certain nombre d’années déjà, à l’approche de Noël, les lumières ne s’éteignent pas comme au théâtre pour que le futile ne vienne plus nous distraire. C’est même tout le contraire ! Il n’y a jamais autant de lumières que dans le temps qui nous prépare à Noël. Lumières dans les villes et surtout lumières dans les vitrines qui mettent en évidence, le foie gras, le champagne, les jouets, les bijoux et tant d’autres choses, agréables certes, mais futiles et qui risquent de nous faire perdre de vue l’essentiel : la venue du Rédempteur, Jésus Sauveur. Il y a d’ailleurs tellement de lumières que je finis par me demander si ce n’est pas la dernière technique mise au point par le Tentateur : allumer le plus possible de lumières pour que celui qui est la lumière du monde finisse par passer complètement inaperçu ou pour qu’il n’apparaisse que comme une lumière parmi tant d’autres. Pour reprendre une formule célèbre en l’adaptant : trop de lumières tue la lumière ! On parle aujourd’hui de pollution lumineuse au sens où tout l’éclairage des villes empêche de plus ceux qui scrutent le ciel de voir les étoiles et les planètes. Trop de petites lumières futiles rendent la vraie lumière, Jésus qui vient, de plus en plus imperceptible.

Ne nous laissons pas avoir ! Ou pour parler comme le pape François, ne nous laissons pas voler la rencontre avec Celui qui vient accomplir la promesse de bonheur, comme le disait la 1° lecture. Car la promesse de bonheur ne s’accomplira pas pour nous si nous courons après tout ce qui brille sous le feu de ces projecteurs factices allumés de plus en plus tôt et avec de plus en plus de puissance pour mieux nous détourner de l’essentiel.

Toutes ces lumières, elles finissent un peu par agir comme ces pièges à insectes. Vous savez qu’un certain nombre d’insectes sont attirés par la lumière. Les moustiques par exemple, mais nous, nous n’apprécions pas du tout les moustiques, alors nous avons inventé des pièges de lumière qui les attirent et quand ils passent trop près, une décharge électrique les tue. Méfions-nous que toutes ces lumières ne finissent pas par devenir des pièges à chrétiens ! À force de nous en approcher, nous risquons bien de nous bruler les ailes ! C’est bien à cette vigilance que Jésus nous appelait dans l’Evangile : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse. »

OK me direz-vous, on comprend mieux que ces signes ne sont pas l’annonce d’une catastrophe, mais une invitation à rester vigilants pour ne pas nous laisser distraire et rater le rendez-vous avec Celui qui vient. Mais quand même pourquoi ces signes sont-ils si inquiétants et comment les conjuguer avec la 1° lecture qui parlait comme je l’ai déjà dit d’une promesse de Bonheur ? Eh bien, je crois que Jésus est très réaliste. Il sait que tous, à un moment ou à un autre, nous traverserons des moments difficiles dans notre vie où nous verrons les lumières s’éteindre les unes après les autres. Ces moments difficiles peuvent parfois être la conséquence de nos mauvais choix, vous connaissez le proverbe : qui sème le vent récolte la tempête ! Mais ces moments difficiles sont le plus souvent sans explications : perte d’un travail, gros accident de santé, décès d’un être cher … tout ce que nous avons vécu et que nous continuons à vivre avec cette pandémie le montre bien. Eh bien, Jésus nous annonce, dans ce texte aux allures énigmatiques, qu’il n’est jamais aussi près de nous que lorsque nous traversons des moments difficiles, des grandes épreuves. 

Attention, je veux tout de suite nous mettre en garde contre deux très mauvaises interprétations.

– 1° mauvaise interprétation : Dieu n’est jamais responsable des épreuves que nous traversons. Je le dis souvent : Dieu n’est jamais du côté de ceux qui font souffrir, Dieu n’est jamais du côté de ceux qui font pleurer, c’est le grand mystère du mal, par contre Dieu est toujours aux côtés de ceux qui souffrent, toujours aux côtés de ceux qui pleurent.

– Dieu ne profite pas de ces épreuves qui nous fragilisent pour mieux s’imposer à nous. Comme ces personnes sans vergogne qui s’enrichissent sur le dos des plus pauvres en profitant de leurs détresses. Ce que l’on voit actuellement avec ces passeurs sans conscience qui conduisent tant de migrants dans des impasses, quand ce n’est pas à la mort. Non, Dieu ne profite pas de nos épreuves, mais dans nos épreuves, il se fait proche. Et cela, nous le constatons souvent, accablés par les épreuves, des personnes retrouvent le chemin de la Foi. Parce que, spontanément, elles perçoivent que lorsqu’elles semblent à se heurter à un mur de toute part, il n’y a plus que le ciel qui reste ouvert. J’aime bien cette maxime qui dit : la foi, c’est comme les essuie-glaces d’une voiture. Les essuie-glaces n’empêchent pas la pluie de tomber, mais ils permettent d’avancer même quand il pleut des cordes. Eh bien, de la même manière, la foi n’empêche pas les épreuves de la vie, elle ne les supprime pas non plus en réglant tout comme par un coup de baguette magique, mais, dans les épreuves, la foi permet de tenir encore debout et d’avancer. Dieu nous donne cette force que nous ne pouvons plus trouver en nous-mêmes. Et cette force, il nous la faut bien, car pour sortir des épreuves, il faut bien avancer, mais comment avancer quand on est comme asphyxié par ce déferlement d’épreuves, de souffrances, de chagrin ? Jésus nous dit que, dans ces moments-là, puisque nous n’avons plus la force d’aller à lui, c’est lui viendra à nous. Nous avons entendu cette promesse pleine d’espérance : « Alors, on verra le Fils de l’homme venir. »

Et c’est ainsi que nous pouvons faire le lien entre l’Evangile et la 1° lecture, un lien qui semblait impossible à 1° lecture : promesse de bonheur dans la 1° lecture, signes catastrophiques annoncés dans l’Evangile. Oui, ce qui peut nous laisser entrevoir le bonheur, c’est que nous ne serons pas seuls pour traverser les épreuves de la vie. Vous savez quand on mène de grandes batailles, on a besoin d’avoir des alliés sûrs qui nous aident. Eh bien, nous allons entendre, dans les lectures et prières des messes des dimanches qui viennent que l’envoyé de Dieu, Jésus, vient pour renouveler l’Alliance entre Dieu et les hommes. Il vient nous redire que Dieu se fait notre allié. Avec un allié aussi sûr, nous pourrons affronter tous les combats, traverser toutes les épreuves sans nous noyer !

Cette publication a un commentaire

  1. Jean Marc Franchellin

    Encore une fois une homélie très compréhensible ! Je dirai bravo et merci « moine » Roger!
    Je vais la faire suivre à mes amis, mais pas que… je trouve que c’est un bon moyen de « titiller » les consciences que de faire suivre vos homélies. Notamment à notre maire, chrétienne, pour que les lumières de la commune soient éteintes la nuit..
    « allons de l’avent »

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